"Montrer sa mort aurait été la glorifier" : Sam Taylor-Johnson explique son choix crucial pour Back to Black

"Montrer sa mort aurait été la glorifier" : Sam Taylor-Johnson explique son choix crucial pour Back to Black

Avec "Back to Black", la réalisatrice Sam Taylor-Johnson a choisi de rendre hommage à Amy Winehouse, morte en 2011 après une carrière aussi brillante que fulgurante. Elle nous explique son idée pour ce film, et pourquoi elle a choisi de ne pas montrer sa fin tragique.

Back to Black, pour retrouver Amy Winehouse

Au cinéma depuis le 24 avril, Back to Black raconte beaucoup de la courte mais renversante carrière musicale d'Amy Winehouse, et un peu de sa grande histoire d'amour et ses addictions. Sa réalisatrice Sam Taylor-Johnson nous a expliqué sa "responsabilité" vis-à-vis de la chanteuse britannique disparue à l'âge de 27 ans, sa relation avec son interprète Marisa Abela, et pourquoi elle a choisi de ne pas montrer la mort d'Amy Winehouse.

Avec quel sentiment avez-vous abordé ce biopic sur Amy Winehouse ?

Sam Taylor-Johnson : Ça a commencé avec le sentiment d’une grande responsabilité. Parce que j’avais l’opportunité de créer quelque chose pour célébrer Amy Winehouse et sa musique, plutôt que de revenir à son destin tragique et la présenter comme une victime. Je voulais en quelque sorte l’élever, et qu’en sortant de Back to Black les spectateurs veuillent écouter sa musique. Cette responsabilité était envers elle. Aussi, évidemment, envers sa famille, ses proches, ses fans, mais surtout, cette responsabilité envers elle de la faire entendre par sa musique.

On ressent pleinement cette intention dans la mémorable séquence d'enregistrement de "Back to Black". Était-ce une séquence difficile à fabriquer ?

Sam Taylor-Johnson : C’était une séquence complexe, parce qu’il fallait faire tenir toute cette grande histoire dans cette chanson, de la mort de sa grand-mère à sa rupture avec Blake. C’est le périple d’un coeur brisé. Rendre ça en quelques minutes, c’était difficile. Ressentir que cette musique est si authentique et sincère, que la douleur qu’elle véhicule est si puissante…

Amy Winehouse (Marisa Abela) - Back to Black
Amy Winehouse (Marisa Abela) - Back to Black ©Studiocanal

Marisa Abela est impressionnante dans son portrait d'Amy Winehouse, comment avez-vous travaillé avec elle ?

Sam Taylor-Johnson : C’est très rare de trouver quelqu’un comme Marisa, dans la mesure où elle a pu devenir Amy Winehouse, et pas seulement l’imiter. C’est un talent unique, difficile à trouver. J’ai eu de la chance ! On avait toutes les deux la même idée, la même vision pour ce portrait, avec cette connexion spirituelle très profonde. Notre collaboration a été très puissante, on a vraiment connecté sur notre manière de travailler. C’était incroyable de travailler avec elle, Marisa a une véritable éthique de travail mais elle voulait aussi être la plus sincère possible envers Amy.

Plutôt que de proposer une tragédie, il y a une légèreté et une émotion heureuse qui ressortent de Back to Black. Et votre film fait d'une certaine manière l'impasse sur sa disparition. Pourquoi ?

Sam Taylor-Johnson : C’est une célébration. Sortir de la salle de cinéma et vouloir la célébrer, vouloir de nouveau entendre sa musique. C’est, je crois, la meilleure sensation qu’on puisse avoir, parce qu’on connaît tous la tragédie, on sait ce qui va arrive… Mais je voulais qu’à la toute fin de Back to Black, on se souvienne d’elle comme de la compositrice et la chanteuse, avec son incroyable voix, et une histoire forte à raconter. Je voulais absolument éviter que les spectateurs sortent en se disant « c’était si grave et déprimant… », parce que mon idée était de rendre hommage à son humour, son intelligence, son don pour raconter des histoires, et cette aptitude au grand amour.

Je n’ai personnellement jamais eu besoin de voir sa mort, de savoir à quoi elle ressemblait à ce moment, ou même d’en connaître le déroulement. On a tous lu à ce sujet, on sait ce qui l’a tuée. Montrer sa mort, ç’aurait été d’une certaine manière lui donner du glamour, la glorifier. Alors j’ai pensé que donner une fin à la fois poétique et ambivalente, tout en sachant ce qui arrive… Parfois, c’est mieux et plus efficace de ne pas montrer.

Pour vous, en tant qu'artiste, dans quelle mesure Amy Winehouse est-elle une influence ?

Sam Taylor-Johnson : C'est une influence, parce que c'était une femme qui n’avait pas peur d’être authentique. Elle avait cette capacité à transmettre une émotion pure. Elle est très proche de ses influences, Billie Holiday, Sarah Vaughan, Dinah Washington, Lauryn Hill, dans le sens où sa musique est comme celle de ces artistes qu’elle aime, sa musique transcende les époques et traversera toutes les générations.

J’ai une fille de 12 ans, une de 13 ans, une de 17 ans et une de 26 ans, quatre filles, et elles ont toutes des goûts musicaux différents. Une aime les comédies musicales, Hamilton, Hamilton toute la journée !  Une autre aime Nicky Minaj et Drake, pour une autre c’est l’ambient music… Mais elles aiment toutes Amy Winehouse. Et pas parce que leur mère réalise le film ! Sa musique parle aux petits comme aux grands, à tous les âges.

Vous avez une chanson préférée d'Amy Winehouse ?

Sam Taylor-Johnson : Je pense que ma préférée est "Love is a losing game", parce que quand je l’ai entendue pour la première fois en live au Mercury Prize à Londres en 2007, que je regardais à la télévision, il y avait cette sensation impressionnante qu’elle réussissait à capter toute l’attention. Toute la salle était plongée dans un silence total… Je me souviens avoir pensé : "Mon dieu, elle est si puissante, cette voix…" Donc je dirais celle-ci !