Notre interview ''tirage au sort'' des Bonimenteurs !

Le principe est simple : prenez un chapeau, des mots écrits sur des petits papiers pliés en quatre, et deux Bonimenteurs : Jean-Marc « Marco » Michelangeli et Didier « Ducci » Landucci. Mélangez le tout, et vous obtenez une interview sympa !

Mauvais souvenir, quiproquo, panne d’inspiration

Didier : Ce sont trois choses différentes… Une date, en Normandie : la salle était assez pleine, et la personne qui nous reçoit dévoile qu’il y a une double entrée, et casse totalement l’effet de surprise !
Jean-Marc : Ah non, c’était pas en Normandie… C’était à un festival. Le soir où les gens étaient tous mous, non ?
Didier : Non, là c’était le soir en Normandie. Les gens étaient mous, mous ! On croyait qu’ils étaient morts, on n’avait jamais vu ça ! Et pourtant, on a essayé de les réveiller ! Mais rien. Et quand ils sont sortis, ils nous ont dit « C’était vachement bien ! ». C’est comment quand c’est pas bien alors (rires) ?
Jean-Marc : Où quand ils étaient ivres morts !
Didier : Tu rentres sur scène et ils crient « A poil, à poil ! »
Jean-Marc : En fait, c’est souvent quand les conditions techniques sont mauvaises…
Didier : Et il faut remonter à nos débuts !
Jean-Marc : Un quiproquo… Ah oui, quand tout le long de l’improvisation, on n’était pas sur la même histoire…
Didier : … En pensant y être !
Jean-Marc : Et on s’en est rendu compte après, en discutant dans les coulisses ! Lui il jouait un papillon, et moi un aliéné qui se prenait pour un papillon.
Didier : Mais comme lui il était dans un asile, et moi enfermé dans une serre, ça collait !

Confrontation des opposés et ressort comique

J-M : C’est la base du spectacle. La confrontation de deux énergies et de deux personnalités. Mais on n’a rien inventé : c’est le clown blanc et l’auguste ! Deux personnalités qui se complètent : le maître et le valet, le patron et le stagiaire… Au final, l’oppresseur et l’opprimé : c’est ce que ressent instinctivement le public. Et ce qui est intéressant, c’est le renversement de situation. Le public est un peu comme l’opprimé : il se révolte.
D : A travers moi !
J-M : Sauf que quand on a le pouvoir, il faut pouvoir l’assumer. En politique, il n’y a rien de mieux que d’être dans l’opposition, d’être révolutionnaire. Mais après, quand arrive son heure de gloire, il faut assumer… Et s’en défaire. C’est pour ça que Marco reprend finalement le pouvoir à Ducci. Il y aura toujours des Marco et des Ducci. Certains gens sont des meneurs, d’autres non.
Mais la sympathie va du coup à Ducci. Ca vous gêne ?
J-M : Ca me plait !
D : Mais en même temps, Jean-Marc a un jeu très fin… On sent le second degré !
J-M : Oui, ce n’est pas un jeu de dupes. Si toi tu étais trop timoré, le public serait mal à l’aise aussi.
D : Il faut trouver un juste milieu dans les personnages.
J-M : Mais l’effet comique passe par le personnage de Ducci. Il est la représentation du public. C’est vieux comme le monde ! On retrouve ça avec Laurel et Hardy, Shirley et Dino…
D : Starsky et Hutch !

D : (interloqué) Y’a rien !
Justement ! Que se passerait-il si vous tombiez sur un papier blanc ?
D : On le jette !
J-M : On peut improviser sur la page blanche. Mais pour nous, la page blanche est induite, puisqu’il n’y a rien d’écrit ! Si le public se met à dire « Faites ce que vous voulez ! », on rompt le contrat, qui est : on va vous faire vivre ce que vous avez initié. On a déjà eu des thèmes comme « Démerdez-vous ! » ou « J’ai pas d’idée »… Mais il y a quelque chose d’écrit, ça change tout !
D : Le public est auteur, il prend part au spectacle !
J-M : L’humour qui se dégage des impros est aussi drôle parce que chacun se fait sa propre version de l’histoire potentielle. Les gens sont surpris, sous tension, et le rire vient ! Si on nous laisse faire ce que l’on veut…

Improvisation et cinéma

J-M : C’est compatible. Ca peut même être un atout pour le réalisateur. Enfin, pour celui qui veut se servir de ce que l’acteur peut lui donner, et savoir l’apprécier.
D : Un acteur a plein de choses à donner. Le réalisateur possède sa propre couleur, mais on peut lui donner d’autres ouvertures…
J-M : … Dont il n’avait pas forcément conscience ! Il s’agit toujours d’improviser dans le cadre du réalisateur. Mais l’acteur peut donner plus d’épaisseur, ou, sur plusieurs prises, ne pas faire forcément la même chose…
D : A partir du moment où on est au diapason avec le réalisateur, on peut lui donner d’autres couleurs. Dans son cadre !
J-M : Il y a la contrainte technique, et aussi celle du registre. Nous, on est dans un registre caricatural, qui n’est pas possible au cinéma, où il faut de la sobriété. Des réalisateurs comme Lelouch, ou Klapish, travaillent beaucoup avec l’improvisation.
D : Il ne faut pas que ce soit l’anarchie. Mais avec des gens dont c’est le métier, ça peut s’avérer être un gain de temps.

Cinéma

D : J’adore le cinéma. En tant que spectateur. En tant qu’acteur…
J-M : Si on est puriste, on n’a jamais fait de cinéma, de longs-métrages.
D : On a tourné dans la série Mafiosa…
J-M : Ce que j’aime, c’est les films épiques, d’aventures, de costumes !
D : Moi aussi !
J-M : Les films historiques ! Les épopées !
D : Des chevaux ! Des belles à délivrer !
D’où la forte présence du Moyen Age dans le spectacle ?
J-M et D : On adore ça !
J-M : Ca donne à rêver ! On n’est pas forcément dans le contemporain…
Et vous transporter dans d’autres époques vous permet d’utiliser un vocabulaire plus…
J-M : (rires) Désuet ?
Non, pas désuet… Pas courant, plutôt élevé
J-M : C’est juste. Le fait d’être dans le 17ème siècle va nous permettre d’élever le langage. Ou d’être dans l’anachronisme. Mais pour revenir au cinéma, avec un rôle conséquent, c’est quand ils veulent !
D : Même si le plaisir de la scène est unique. Et on voit beaucoup d’acteurs de cinéma revenir au théâtre. Il y a bien une raison !

Duos comiques

J-M : Inspirations ? On peut dire Laurel et Hardy, mais ce n’est pas ceux que je préfère. Poiret et Serrault !
D : Amicalement Vôtre : Tony Curtis et Roger Moore !
J-M : Sinon, la comédie italienne des années 50. Le fait que le rire naisse du drame. Les gens sont dans des situations pas possibles, et ils essayent de s’en sortir avec panache et brio. Une sorte de tragi-comique social ! Les Anglais aussi sont très forts pour ça ! Mais pour revenir aux humoristes…
D : En duo, non…
J-M : Omar Et Fred sont adorables, mais c’est plus deux potes qui rigolent ensemble. Pareil pour Eric et Ramzy… Ce sont des humoristes, qui font des blagues. Nous, on est des comédiens. Ce n’est pas une question d’échelle de valeur. Le comédien fait vibrer le public sur une histoire, puis passe sur un autre personnage.
Gad Elmaleh, alors ?
J-M : Lui c’est un comédien ! Un artiste complet !
D : Il est magnifique !
J-M : La Rolls !
D : Respect ! Il sait faire !
J-M : Jamel aussi avait un vrai potentiel de comédien. Une énergie, une sympathie et une vraie intelligence. Tomer Sisley aussi, même si c’est différent, c’est du stand-up…

L’improvisation ne s’improvise pas

D : C’est ce que disait notre premier prof de théâtre. Il y a plusieurs étapes de travail. Des techniques à acquérir : écoute, prise de parole, rhétorique… Il y a aussi un ensemble de matériaux à engranger : livres, films, actualités… Et quand on tire le thème, il faut laisser remonter une partie des matériaux et établir une connexion. Mais au-delà de ça, c’est 20 ans de complicité. Si vous prenez les deux meilleurs comédiens du monde, mais qui ne se connaissent pas, ils ne tiendront pas un spectacle ensemble…
J-M : Ca tiendra sur une joke. Le soir de la remise des Oscars. La complicité est primordiale dans un duo.

Bonimenteurs

J-M et D : C’est nous !
Ca veut dire charlatan !
J-M : Oui, enfin peut-être pas aussi péjoratif.
D : Charlatan aujourd’hui, ça veut dire voleur. Bonimenteur, c’est plutôt quelqu’un qui enjolive la vérité.
J-M : C’est désuet aussi. Mais ce sont des bonimenteurs : ils vendent un spectacle qui n’existe pas, en disant que c’est le meilleur spectacle du monde ! Et il le font bien !
D : De toute façon, aujourd’hui, on vit dans une société de boniments. On nous vend des téléphones et des télés avec 1000 options, mais ça reste un téléphone et une télé.
J-M : On est dans le boniment total. Jusqu’à la plus haute strate…
D : … De l’Etat ! On est à bonne école !
J-M : Je pense que c’est nous les moins bonimenteurs ! Les politiques prennent la place des fantaisistes à la télé. Déjà qu’il n’y en a plus beaucoup ! Je vais aller faire mon show au Sénat alors !

Thèmes les plus bizarres

D : C’est dur ! Des trucs comme « J’ai enterré ma femme », ou « Mon amant est dans la salle ».
J-M : Après, il y a ceux qui s’amusent vraiment, parce qu’ils nous ont déjà vu et qu’ils essayent de nous piéger. Sinon, dans les galas, il y a des thèmes très en dessous de la ceinture.
D : Des galas pour des grosses entreprises en plus ! Les gens doivent avoir un besoin d’exulter. Au bureau ils n’ont pas le droit… Enfin si, ils peuvent, mais bon (rires)…

DVD

D : On a eu une équipe extraordinaire !
J-M : On a fait comprendre au réalisateur qu’il devait s’adapter au maximum à nous, qu’on avait besoin de notre espace, et tout s’est bien passé. Le parti pris était de ne pas faire de théâtre filmé, mais de montrer des choses que le spectateur ne voit pas forcément : gros plans, plans par derrière… Ce que l’on perd en émotion, on le gagne en détails ! Et il y a quand même la matière de quatre spectacles. Tout a été mis en œuvre pour faire quelque chose de bien et de joli. Surtout que ça sera peut-être notre seul DVD !
D : Si on en avait les moyens, on pourrait faire un DVD tous les soirs !

=> Toutes les infos sur le dvd des Bonimenteurs

Propos recueillis par Anne-Louise Echevin (Décembre 2008 – Paris)