Les absents ont toujours tort, c’est en tout cas ce qu’a dû penser l’Académie des César vendredi soir. Alors que l’acteur Mathieu Amalric était sur le tournage du prochain James Bond au Panama, pendant la cérémonie, il avait remis un texte à Antoine De Caunes « au cas où » il aurait remporté le César du meilleur acteur.
Evidemment, il remporte le César du meilleur acteur, évidemment, Antoine De Caunes lit son texte en direct, enfin pas complètement. La dernière partie la plus critique n’a pas été citée et à son auteur de s’insurger « Je n’en reviens pas. Je ne savais pas que c’était si simple que ça, la censure ».
Voici donc des extraits de son texte qu’il a fait parvenir à l’AFP :
Mathieu Amalric soulignait l’ « insupportable trompe l’œil des multiplexes » évoquant « Les chiffres comme seule ligne d’horizon. Aveuglement, brouillage, gavage, lavage. Et quelle solitude. Vous avez déjà parlé à quelqu’un dans un multiplexe ? Pas moi. D’ailleurs c’est impossible, ce qui compte c’est le flux ».
Il parle aussi du « travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et ont envie de faire tellement d’exploitants de salle et qui se voient de plus en plus niés aujourd’hui » et ajoute « Ce tissu de salles, que le monde entier nous envie, est notre cœur, nos poumons ».
Pour dissoudre toute ambiguïté, le producteur de la cérémonie affirme que de simples questions de timing ont empêché le texte d’être lu intégralement, il affirme aussi que l’agent de l’acteur a donné son accord de manière formelle pour cutter le texte. « Nous ne l’avons évidemment pas fait pour des raisons éditoriales ». l’UJC (Union des Journalistes de Cinéma) dénonce aussi « la censure » dont a été victime Mathieu Amalric.
Toujours est-il que si Mathieu Amalric n’a pu être entendu comme il le souhaitait, Jeanne Moreau l’a relayé de la plus belle manière. Elle a aussi vivement critiqué la situation entre cinémas indépendants et multiplexes, soulignant l’exception culturelle française bénéficiant d’une « créativité qui a nourrit tous les cinémas du monde ».
« Je voudrais profiter de cet instant pour vous dire ce qui m’inquiète beaucoup, c’est que certaines mesures gouvernementales risquent de nous affaiblir (…) les subventions qui diminuent de plus en plus pour des festivals, pour des cinémas indépendants, des cinémas de proximité dont certains sont attaqués par des groupes puissants comme provoquant une concurrence déloyale ».
Une Jeanne Moreau en pleine forme donc, qui poursuit sa révolution en offrant son César d’honneur à Céline Sciamma, la réalisatrice de Naissance des pieuvres, « un César à transmettre d’année en année » a t-elle précisé. Pas bête la bête.
F.B. (Le 25 Février 2008 – avec AFP).