Ramdam : c'est quoi cette fiction avec Lyes Salem ?

On vous parle de la fiction Ramdam et de son parcours chaotique en raison de son sujet sensible, abordé avec l’équipe lors du Festival des créations télévisuelles de Luchon.

Malgré son titre, qui fait référence au bazar et au bruit que feraient, aux yeux de non-musulmans, les musulmans pendant le Ramadan, la fiction Ramdam n’aborde pas cette période de jeûne mais la rencontre joyeuse d'une communauté avec un homme devenu imam par accident dans le Sud-Ouest.

Ramdam ça parle de quoi ?

Amine (Lyes Salem), brillant professeur d’Histoire des civilisations à l’université de Bordeaux, est en froid avec son père depuis des années. Alors qu’il doit régler la vente de la maison familiale à Saint-Marsain, où il a grandi et où habite encore son père, Rachid (Sid Ahmed Agoumi), il apprend que ce dernier, président du club de rugby local, veut transformer la mosquée du village en discothèque pour fêter les fins de matchs. Furieux et sollicité par les fidèles de la mosquée, Amine fait face à son père. Un affrontement entre père et fils qui vire aux règlements de comptes, quitte à ce qu’Amine devienne l’imam du village.

Pourquoi Ramdam a connu un parcours aussi chaotique ?

Le parcours de diffusion de Ramdam n’a pas été de tout repos. Il a même changé de format en cours de route, puisqu’à l’origine il s’agissait d’une série de 26 minutes, dont le pilote a d’ailleurs gagné le prix de la meilleure série au Festival Fiction La Rochelle en 2017. Mais l’inspiration est bien plus ancienne puisque Zangro, réalisateur, producteur et co-scénariste aux côtés de Nacim Mehtar et Fouad Saanidi (imam de profession), avait diffusé sur Internet « A part ça tout va bien », des vidéos humoristiques sur l’Islam.

Bien qu’ils aient veillé à ce que « la comédie ne soit jamais blasphématoire et que ces questions d’identité et de mixité sociale, sujets les plus crispants qui se cachent derrière la religion, soient abordées de façon conciliante », ce fut ensuite un vrai parcours de combattant face à des diffuseurs frileux, comme ils nous expliquaient lors du Festival des créations télévisuelles de Luchon . La fiction diffère de la série, mais « Arte, qui leur a fait une proposition d’unitaire, leur a laissé une grande liberté, tout en tenant à sa valeur documentaire ». Et cela tombe bien, car « tout ce qui est dit est vrai, puisque écrit avec un vrai imam, et beaucoup de personnages de la fiction existent vraiment ».

On en pense quoi ?

On vous donne quatre bonnes raisons de regarder Ramdam, vraie comédie douce-amère :

• Zangro et ses co-scénaristes se sont emparés de ce sujet encore tabou qu’ils maîtrisent parfaitement avec justesse, pudeur, subtilité et parfois même courage, mais surtout, sans aucun prosélytisme. Il s’agissait pour eux, sans autocensure mais en faisant des choix malins, via la comédie, « de montrer autre chose que BFM et de retranscrire à l’écran la réalité qu’ils connaissent ». Et même si les sujets qui fâchent les politiques et inquiètent parfois les citoyens - tels l’intégration des immigrés, le port du voile, les lieux de prière ou encore les Français convertis - ne sont pas traités en profondeur, Ramdam parvient à déconstruire certains clichés et permet de mieux appréhender et dédramatiser l’Islam.

Ramdam aborde surtout l’évolution du regard d’un homme de la seconde génération issue de l’immigration (très justement interprété par Lyes Salem) sur sa relation névrotique avec son père immigré et sur le parcours initiatique et les choix de vie de chacun. Ramdam traite ainsi des origines qu’on peut difficilement renier et avec lesquelles il faut accepter de vivre, et donc de la transmission de la culture et des traditions. Et évidemment de la place de la religion que l’on donne dans sa vie, puisque Amine passe de la théorie universitaire à la pratique et découvre le plaisir de participer à la vie d'une communauté. Car, pour Zangro, « Amine est comme un poisson hors du bocal, qui découvre cet univers et le rôle d’un imam et s’aperçoit que le coté psychologique et humain est plus important que le religieux ». Pour Foued Saanidi, « cette histoire d’imam par accident résume un peu la situation de l’Islam en France, par accident, et dont l’identité est encore en construction ».

• La fiction évoque un « islam de terroir » puisque qu’elle se situe dans un petit village du Sud-Ouest, dans lequel le rugby et ses valeurs de solidarité symbolisent un lien social fort et fédèrent au-delà même de la religion. Pour le réalisateur, c’était l’occasion « d’être au-dessus de la mêlée » et l’implication forte de Rachid dans son village comme président du club local est emblématique de son propre parcours d’intégration en France.

Enfin, les personnages attachants ont tous, à leur façon, une fonction de révélateur auprès d’Amine. Ainsi Jemel (Djemel Barek), qui occupait la fonction d’Imam avant lui et qui lui explique ce qu’on attend de lui. Ou Samir (Yamin Dib), « directement inspiré du concierge d’une mosquée dont s’occupe Fouad Saadani », orphelin dont la naïveté et la gentillesse offrent une forme de miroir à Amine, lui permettant d’ouvrir ses yeux et son cœur. Ou encore Kenza (Anissa Allali) qui incite Amine à une réflexion quant aux raisons possibles du port du voile et Adama (Adama Bathily), qui permettra à Amine de réfléchir aux risques de manipulation d’un imam sur les fidèles.