Raphaël Quenard (Cash) : "Mon personnage est un mélange de Patrick Swayze et de James Caan"

Raphaël Quenard (Cash) : "Mon personnage est un mélange de Patrick Swayze et de James Caan"

Après la réalisation de la série "La Révolution", Jérémie Rozan met en scène son premier long-métrage, "Cash". Pour cette histoire d'arnaque et d'amitié, il a pu compter sur Raphaël Quenard dans le rôle principal. On a rencontré le réalisateur et l'acteur pour en savoir un peu plus.

Cash, film de braquage made in France

Pour son premier long-métrage, après avoir fait ses armes de réalisateur dans le milieu publicitaire et musical puis assurer la mise en scène de la série La Révolution, Jérémie Rozan a vu grand. Un grand casting, une grande histoire, une grande idée de cinéma nourrie de grands films. Cash, duquel Jérémie Rozan a aussi écrit le scénario, est ainsi un rise & fall, l'histoire de Daniel (Raphaël Quenard), petit gars de Chartres qui a une ambition, une revanche à prendre et un futur doré à se construire. Manutentionnaire chez un grand distributeur de parfums de luxe, il va avec son pote d'enfance Scania (Igor Gotesman) mettre en place une escroquerie presque parfaite. Au cours de cette aventure haletante, il va se faire des alliés, des ennemis, et pas forcément ceux que l'on croit.

Cash
Cash ©Netflix

Accompagné par Raphaël Quenard, très inspiré dans le rôle principal de Cash, Jérémie Rozan a répondu à nos questions sur ce film.

Rencontre

On sent une grande envie de cinéma, de divertissement, de jeu dans Cash. Quelles ont été les inspirations ?

Jérémie Rozan : Je suis boulimique de cinéma, depuis toujours, et Raphaël aussi. Pour le personnage de Daniel, j’ai pensé aux personnages de Sergio Leone. Je voulais un film d’amitié, avec des gens pas forcément aimables. C’était une des guidelines. Mais c’est difficile de retrouver les inspirations aujourd’hui, parce que Raphaël est devenu le film et le film est devenu Raphaël. Je ne me rappelle plus de ce que c’était à la base. Raphaël a vraiment fabriqué Daniel.

Raphaël Quenard : Ce qui m’inspire chez le personnage, et ce qui était dans le texte, c’est son panache. Pour moi, c’est la valeur suprême, c’est au panthéon des valeurs celle que je veux incarner. Donc pour Daniel, il y a cette course effrénée vers cette ambition. Il y a un côté amoral, parce qu’il cède à tous ses penchants.

Mais il y a une minutie, une application, et associées au panache ça donne un alliage de légèreté et de méthode froide. Je dirais un mélange de Patrick Swayze dans Point Break et James Caan dans Le Solitaire.

Daniel Sauveur (Raphaël Quenard) - Cash
Daniel Sauveur (Raphaël Quenard) - Cash ©Netflix

Jérémie Rozan : Je voulais prendre tout ce cinéma de genre, arnaque, pickpocket, le cinéma d’infiltration, les grands rise & fall. Je voulais prendre les codes, en enlevant le cul, la violence et la drogue, et voir si ça pouvait marcher. Je voulais aussi que ce soit français. Il y a par ailleurs une inspiration de trajectoires. On vient tous les deux de petits villages, Raphaël dans le coin de Grenoble et moi des Pyrénées. Quand tu viens de là, pour faire du cinéma, tu dois être un pirate. Ce personnage est un pirate. C’est pour ça que je voulais qu’il ne soit pas trop éduqué, qu’il vienne d’un endroit où l’intelligence n’est pas foncièrement valorisée, mais qu’il soit quand même brillant, qu’il pense vite.

Quelqu’un qui rêve grand. Il lui fallait quelques faiblesses quand même, qu’il apparaisse limite un peu « con » au début. Et Raphaël sait faire ça, il a cette versatilité, il sait à la fois être…

Raphaël Quenard : « Con » ?

Jérémie Rozan : Non t’es jamais con, mais tu peux paraître d’un abord facile, pas snob, et dès qu’on te parle tu es génial.

Raphaël Quenard : C’est l’intelligence du désespoir.

Raphaël Quenard : Il y a une règle qui dit qu’il n’y a pas de bon film sans au moins un de ces trois éléments !

Jérémie Rozan : C’est Samuel Fuller qui dit « a movie is a girl with a gun ». Bon, c’était peut-être un peu ambitieux de tenter ce « bras d’honneur » à Samuel Fuller… Après c’est sûr que si le public n’adhère pas… J’essaye de faire du Ocean’s Eleven avec des cartons et des palettes, des fenwicks, on est très loin des millions de dollars et des casinos.

Côté casting, autour de Raphaël Quenard,  il y a de la diversité et beaucoup de talent, comment l'avez-vous composé ?

Jérémie Rozan : Je voulais vraiment travailler le casting, et ça n’a pas été simple. Je voulais qu’il soit éclectique, avec Agathe Rousselle qui vient du cinéma d’auteur, du théâtre avec Stéphan Wojtowicz, Youssef Hajdi qui apporte une vibe un peu Éric Judor, Igor Gotesman qui est plus connu comme réalisateur. Je suis content d’avoir eu cette distribution un peu différente.

Il y a de l'ambition dans Cash, une ampleur, mais celle-ci apparaît parfois contrainte par la mise en scène. Il y a eu des obstacles, des difficultés particulières ?

Jérémie Rozan : On court en permanence après le temps. Je vois des défauts, il me manque le très petit, des "super close up", et l’ampleur donnée par de grands plans larges. Mais ces grands plans coûtent chers à faire, demandent du temps. Je garde une petite frustration sur ce point. Il y a par exemple  la scène de boîte de nuit.

Je voulais cette scène, je pensais à "La Nuit nous appartient", à "Uncut Gems". J’avais repéré une boîte de nuit entre Paris et Rouen, Le Pharaon, parce qu’ils ont le meilleur système de LED d’Europe. Le jour où on arrive, le gars responsable du truc avait tout simplement disparu. Donc j’ai pas de lumières. Je suis dans une boîte noire, le lendemain du 14 juillet, il y a du vomi partout, tout est défoncé, j’ai 90 figurants et je n’ai que 4 néons… À ce moment, je suis en dépression, je ne veux pas tourner.

Quelle a été la solution ?

Et Raphaël sort cette scène. Une scène délirante, géniale, centrée sur les personnages. J’ai pas mon plan large à La Nuit nous appartient. J’ai pas ma boîte de nuit de province comme je l’avais créée. Mais j’ai peut-être une des meilleures scènes du film. Dans les aléas d’un film, tu peux avoir une collaboration fructueuse avec un grand comédien qui sauve le film à ce moment-là. On s’est donc concentrés là-dessus, on a travaillé, on l’a refaite plusieurs fois. Ça a transformé une journée horrible en un moment d’émulation, un moment puissant.

Raphaël Quenard : C’est la principale scène où j’ai ressenti le plaisir de pouvoir exprimer pleinement et librement l’intériorité du personnage. Parce que sinon il y a beaucoup de scènes très chorégraphiées, dans l’entrepôt par exemple, avec des mises en place assez lourdes, où il y a moins d’opportunités de jeu. Mais je retiens surtout une collaboration exceptionnelle ! J’ai adoré faire Cash parce que la collaboration avec Jérémie a mis un peu de temps pour qu’on se cerne et qu’on se comprenne bien, et au final on en ressort grandis.

Jérémie Rozan : Il est tellement passionné… Avoir quelqu’un comme ça sur une production, ça excite ton besoin de contrôle. Mais c’est une erreur, et il y a eu besoin de quelques jours, sans aucune tension, pour que je puisse m’ouvrir à sa proposition, et voir à quel point c’était exactement ce qu’il fallait. À partir de là, on a été dans un échange créatif génial, que j’espère on retrouve à l’image !