Ce soir à la TV : cet immense film a inspiré la Palme d'or 2023 (et un film récent de Ridley Scott)

Ce soir à la TV : cet immense film a inspiré la Palme d'or 2023 (et un film récent de Ridley Scott)

Diffusé ce soir du 27 avril sur France 4, "Rashōmon" d'Akira Kurosawa est un des films les plus importants de l'histoire du cinéma mondial, dont l'influence contemporaine est telle qu'il a aussi bien nourri "Anatomie d'une chute" qu'un très bon film récent de Ridley Scott.

Un chef-d'oeuvre d'Akira Kurosawa

En 1950, le cinéaste japonais Akira Kurosawa se révèle au monde entier avec son film RashōmonÀ la fois film de samouraï, thriller psychologique et judiciaire, il raconte dans le Japon de la fin de l'ère Heian (794-1185) un crime, le meurtre d'un samouraï, dans quatre versions différentes et contradictoires. Celle d'un bandit qui avoue être le meurtrier involontaire, celle de l'épouse du samouraï qui déclare que c'est elle qui l'a tué, celle du défunt samouraï lui-même qui, via la bouche d'une médium, affirme d'être suicidé, et enfin la version d'un bûcheron, qui dit avoir été témoin de la scène.

Rashōmon
Rashōmon ©Daiei Film

Qui dit la vérité ? Que s'est-il vraiment passé ? Au-delà de la forme admirable de Rashōmond'une beauté visuelle inédite à l'époque, cette adaptation de deux nouvelles du romancier Ryūnosuke Akutagawa n'a pas tant pour objectif d'établir la seule vérité que montrer que celle-ci est insaisissable, soumise à la subjectivité de chacun et à l'incapacité de l'homme à être entièrement honnête. Dans son livre publié en 1985, Comme une autobiographie, Akira Kurosawa écrivait ainsi à propos de la signification de son film :

L’Homme est incapable d’être honnête avec lui-même. Il est incapable de parler honnêtement de lui-même sans embellir le tableau. Ce scénario parle de ce genre d’individus qui ne peuvent survivre sans mentir pour se montrer meilleur qu’ils ne le sont vraiment. (...) L’égoïsme est un péché que l’être humain porte en lui depuis la naissance et c’est le plus difficile à combattre.

Effectivement, chaque version du crime dont il est fait le procès dans Rashōmon fait le portrait honorable de son locuteur.

Une influence majeure dans le cinéma récent

Chef-d'oeuvre de narration et de mise en scène, sur une durée compacte d'1h24, Rashōmon est récompensé en 1951 du Lion d'or à la Mostra de Venise et obtient en 1952 un Oscar d'honneur du Meilleur film étranger. Considéré comme un des plus grands films de l'histoire du cinéma, son influence est majeure, jusque dans le cinéma très récent. En effet, avec ses narrateurs non-fiables (tous mentent ou se trompent), il est un modèle d'analyse de différents points de vue et un traité brillant sur le rapport de la vérité à la fiction.

Ainsi, il apparaît clairement qu'Anatomie d'une chute de Justine Triet, Palme d'or 2023 et très grand thriller judiciaire, a puisé une partie conséquente de son inspiration dans Rashōmon en confrontant, comme dans le film d'Akira Kurosawa, trois hypothèses pour expliquer la mort du personnage : accident, meurtre ou suicide ? L'influence de Rashōmon est telle qu'on trouve le même traitement de la thèse du suicide, avec le défunt s'exprimant via la voix d'un autre personnage (le récit du samouraï par une médium dans Rashōmonle récit de Samuel dans Anatomie d'une chute par son fils Daniel).

Anatomie d'une chute
Anatomie d'une chute ©Le Pacte

Par ailleurs, dans un tout autre genre et en partant d'un fait judiciaire réel de la France du 14e siècle, Ridley Scott utilisait le même "effet Rashōmon" dans Le Dernier Duel, sorti en 2021. Dans celui-ci, le réalisateur met en effet en scène la confrontation de trois versions différentes du viol de Marguerite de Thibouville. Celle du violeur présumé Jacques Le Gris (Adam Driver), celle du mari de Marguerite Jean de Carrouges (Matt Damon), et celle enfin de Marguerite elle-même (Jodie Comer).