Sara Giraudeau (Bernadette) : "Je ne pouvais pas en mettre autant plein la tronche à Catherine Deneuve"

Sara Giraudeau (Bernadette) : "Je ne pouvais pas en mettre autant plein la tronche à Catherine Deneuve"

Dans la comédie "Bernadette" de Léa Domenach, Sara Giraudeau prête ses traits à Claude Chirac. À l'occasion de la sortie du film, l'actrice nous a raconté ce qui l'a séduite dans ce projet "culotté" malgré son aversion pour la politique, et s'est également confiée sur son plaisir à jouer la fille de Catherine Deneuve.

Bernadette : la première dame prend sa revanche

Premier long-métrage de Léa DomenachBernadette commence avec l'arrivée de Jacques Chirac (Michel Vuillermoz) et de la première dame, interprétée par la géniale Catherine Deneuve, à l'Élysée. Lassée d'être ignorée par son époux, sa fille Claude (Sara Giraudeau) et leurs proches, Bernadette décide d'opérer un changement de stratégie. Après s'être rendue compte avec l'aide de son conseiller Bernard Niquet (Denis Podalydès) que son entourage la jugeait froide, acariâtre et ringarde, elle prend sa revanche et dévoile sa véritable personnalité.

Bernadette
Bernadette ©Warner Bros.

À l'occasion de la sortie de cette comédie réjouissante, nous avons rencontré Sara Giraudeau. L'interprète de Claude Chirac - récompensée par le César de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Petit Paysan en 2018 - nous a expliqué pourquoi la vision de Léa Domenach l'a enchantée et l'a convaincue de participer à ce projet. Elle s'est également confiée sur le formidable vivier de comédie que représente le monde politique, ainsi que sur son immense plaisir à jouer pour la première fois avec Catherine Deneuve.

Rencontre avec Sara Giraudeau

Avant de tourner Bernadette, que vous inspirait Claude Chirac ?

Sara Giraudeau : Alors rien du tout, mais alors vraiment rien de rien, je suis obligée d'être honnête, je ne la connaissais pas du tout. Déjà, le "clan" Chirac ne me disait pas grand-chose parce que moi j'ai juste eu ce président, Jacques Chirac, qui avait bercé un peu mon enfance et mon adolescence puisqu'on l'a eu pendant un certain temps. Et puis il y avait Bernadette Chirac qui était un peu la femme du président, qui est devenue de plus en plus populaire avec les années...

Mais le monde politique et ce monde politique ne sont pas des choses qui m'ont profondément bercée et intéressée, donc j'ai appris énormément de choses avec le scénario. Après, j'ai essayé de trouver des choses sur Claude, même si on était dans une invention des personnages. Il n'y avait pas du tout de copie ou de pâle copie de la réalité puisque c'est vraiment une comédie burlesque adaptée d'une tranche de vie de Bernadette Chirac qui intéressait Léa (Domenach).

Mais je n'ai pas trouvé grand-chose sur Claude. Il n'y a pas d'interview où je pouvais l'entendre parler. Je n'ai trouvé que des photos, où je trouvais qu'à chaque fois elle faisait couple avec son père de manière assez étonnante. Comme elle n'était pas un personnage public, c'était une femme de l'ombre, c'était très difficile d'essayer de trouver des choses avec lesquelles je pouvais m'inspirer. Donc j'ai arrêté de chercher et je me suis plutôt fiée au scénario et à sa position très particulière qu'elle a dans cette histoire, cette espèce d'alliance entre vie familiale et vie professionnelle.

Bernadette
Bernadette ©Warner Bros.

C'est la fille de son père mais on dirait presque la femme de son père dans le travail et puis dans la vie familiale, elle devient presque la mère de sa mère. C'est une femme forte qui prend sa place avec une absence totale de doute et petit à petit, au fil du film, elle va ouvrir les yeux sur sa mère et comprendre plein de choses. Il y a une sorte d'apaisement entre elles.

C'est vrai qu'elle a un peu le mauvais rôle au départ...

Sara Giraudeau : Ah mais au début, j'ai dit à Léa : "C'est la marâtre, c'est une horreur, elle est méchante tout le temps !" Avec Catherine (Deneuve), je me disais que je ne pouvais pas tout le temps lui en mettre plein la tronche comme ça. Léa m'a dit : "Mais non, c'est ta manière de lui en mettre plein la tronche, ce n'est pas seulement de l'aigreur". C'est pour ça que c'était intéressant d'y mettre un peu de tendresse. Et c'est un plaisir de jouer sur toutes ces nuances.

C'est la première fois que vous jouez avec Catherine Deneuve. Comment ça s'est passé ?

Sara Giraudeau : Hyper bien. Catherine est adorable, elle ouvre la porte au relationnel de manière très simple et très joyeuse. Le rapport familial est hyper intéressant à jouer au cinéma, parce qu'il faut vraiment qu'il y ait une absence de doute totale sur le fait qu'on se connaisse depuis que Claude est née. Ce sont des choses qui sont jouissives à jouer parce que ça passe juste par un petit ton, une manière de regarder. C'est comme ça qu'on peut croire au rapport mère/fille.

Qu'est-ce qui vous a plu dans la vision de Léa Domenach, dont c'est le premier long-métrage ?

Sara Giraudeau : Elle a fait quelque chose d'assez culotté de l'histoire de Bernadette Chirac, qu'elle trouvait incroyable. Il y a quelque chose d'assez rock dans cette histoire, qui se mêle à une époque assez surannée, à quelque chose d'assez classique et à la religion présente tout au long du film. Il y a un ton pétillant et assez rebelle, et c'est ce que j'ai aimé.

Catherine a aussi ce côté un peu rock d'ailleurs, un peu rebelle, et cette profondeur qui fait qu'on sort du personnage un peu ennuyeux, que les gens pouvaient percevoir chez Bernadette Chirac. Elle a apporté cette drôlerie, que Bernadette Chirac a très certainement.

Bernadette
Bernadette ©Warner Bros.

Votre regard sur Bernadette Chirac a-t-il changé avec le film ?

Sara Giraudeau : Sincèrement, le regard sur le Chirac, le Jacques Chirac ne m'étonne pas du tout et je reste sur le même regard que j'avais avant. Parce qu'au final, là où le film est le moins sympa, c'est avec Jacques Chirac. Après, forcément il embellit le personnage de Bernadette, parce que Léa en fait une vraie héroïne. Donc forcément on s'y attache et on a de la tendresse pour elle. Je pense que les gens qui la connaissent doivent la trouver beaucoup plus dure et cinglante.

Les scènes savoureuses et cruelles de rassemblement politique, c'est un vrai plaisir à jouer ?

Sara Giraudeau : Oui, la politique, c'est une vraie scène de théâtre. On dit que les acteurs sont d'étranges animaux, les politiciens sont de très étranges animaux aussi. Je trouve que c'est un bon vivier à comédie parce qu'au final, c'est une scène de jeu avec des faux-semblants, avec des trucs assez fous à tourner en dérision. Plusieurs fois, j'ai demandé à Léa si ce qu'on jouait était vrai, tellement je n'y croyais pas, et elle me répondait que ça l'était. C'est tellement fou, il y a des moments, tu n'oserais pas les mettre dans un film et on va te dire que ça s'est vraiment passé. C'est génial !

C'est un monde que je n'aime pas et c'est pour ça d'ailleurs qu'au départ, le projet ne m'a pas vraiment attirée. Franchement, c'est même un monde qui me désole. Mais utiliser ce qu'il y a de culotté et d'assez fou en politique, et de le tourner en comédie, c'est exactement ce qui m'a convaincu. Après, peut-être que si l'on me présente un drame hyper bien construit où je dois jouer une femme politique, ça oui. Mais j'aurais beaucoup plus de difficultés à m'étonner et à m'attacher à un personnage dans ce monde-là. Je n'arrive pas à écouter ce monde avec sérieux. Je suis toujours spectatrice d'un monde qui n'est pas sérieux, alors que les politiciens le sont.

Bernadette
Bernadette ©Warner Bros.

Quels sont les éléments déterminants quand vous acceptez un rôle ?

Sara Giraudeau : Le sujet déjà, s'il me parle ou pas. Là en l'occurence, la vie des Chirac et de Bernadette, ça ne me parle pas forcément mais la manière dont c'est raconté m'a totalement convaincue. Donc c'est vrai que le scénario est très important parce que dans l'écriture, on cerne déjà une vision, on cerne déjà quelque chose de très fort dans la manière de raconter une histoire. Après, il y a la place du rôle dans cette histoire-là. Parfois il y a de très beaux rôles principaux ou secondaires, mais parfois il y a de très belles choses mais on ne sait pas ce qu'on va pouvoir apporter au rôle. Parfois, j'ai eu la sensation de ne pas être la bonne personne pour incarner un personnage. À l'inverse, il y a des rôles où ça ne s'explique pas et où on s'entend tout de suite le dire, le jouer. Quand ça reste extérieur, c'est qu'il y a un truc viscéral qui ne prend pas. La rencontre avec la réalisatrice ou le réalisateur est toujours aussi très importante, parce qu'on peut mettre une personnalité sur cette vision. Il faut que l'on ressente chez eux quelque chose de très personnel.

Je trouve qu'il y a énormément de films en ce moment qui se ressemblent. On est dans une époque où on veut un peu être dans les bons sentiments, où on veut éduquer les gens, mais il n'y a pas assez de films personnels, sensoriels. Je trouve qu'une partie du cinéma prend une place pour être dans les clous. Ça manque de personnalité et ça ne m'attire pas, parce que j'ai l'impression de voir certains films plusieurs fois, et tu ne sais pas trop quel est le message. J'aime bien quand c'est un peu racé, quand c'est un peu particulier. Là, quand on lit Bernadette, on sent une nature piquante et assez culottée. Et quand Léa m'a dit quels acteurs elle aimerait pour son film, ça m'a donné encore plus d'éléments sur sa vision. Ça m'a aussi donné une image très claire d'où elle voulait aller. Ce sont des acteurs qui ont une vraie profondeur, une vraie sincérité dans ce qu'ils font.

Bernadette est à découvrir au cinéma dès le 4 octobre 2023.