Stéphane Freiss (Tu choisiras la vie) : "Lou de Laâge est une actrice virtuose"

Stéphane Freiss (Tu choisiras la vie) : "Lou de Laâge est une actrice virtuose"

Lors du 9e Festival de Saint-Jean-de-Luz, nous avons rencontré Stéphane Freiss, qui signe son premier film avec le drame "Tu choisiras la vie". Le comédien et réalisateur nous a parlé de la naissance de ce projet, des décors magnifiques du long-métrage et de la collaboration parfois compliquée avec les talentueux Lou de Laâge et Riccardo Scamarcio.

Tu choisiras la vie : une rencontre touchante

Avec Tu choisiras la vie, Stéphane Freiss signe son premier long-métrage en tant que réalisateur. Un drame qui se déroule en Italie, dans la région des Pouilles, où Elio (Riccardo Scamarcio) a repris la ferme de son père sur laquelle il cultive des cédrats. Chaque année, il accueille une famille juive ultra-orthodoxe, venue récolter les fruits sacrés.

Une famille au sein de laquelle la jeune Esther (Lou de Laâge) étouffe et rêve de s'ouvrir à un autre univers. La rencontre entre Esther et Elio va chambouler leur existence et renforcer leur envie de liberté.

Tu choisiras la vie
Tu choisiras la vie ©JHR Films

Lors du 9e Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz, nous avons échangé avec Stéphane Freiss. L'occasion d'évoquer la naissance du projet, sur son cadre somptueux ainsi que sur la relation particulièrement touchante entre les deux personnages principaux.

Rencontre avec Stéphane Freiss

Vous n'étiez pas repassé à la réalisation depuis le court-métrage It Is Miracul'house en 2011. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'y revenir ?

Stéphane Freiss : La réalisation s'est imposée d'elle-même parce que quand on écrit, les choses se précisent, non seulement par les mots mais aussi par l'image. J'étais guidé par mes personnages pendant l'écriture. Par moments, je me demandais ce que j'écrivais et lendemain, je relisais et me disais : "C'est incroyable qu'ils m'aient amené là, qu'ils me fassent dire ça". Et donc j'ai fini par avoir une certaine vision de ce qui les entourait. J'avais la perception de la chaleur, de la nature, j'avais des cadres.

Donc je me suis dit : "Qui mieux que moi va pouvoir le restituer même si je ne suis pas un technicien ?" J'ai voulu le devenir parce que le film m'appelait à le devenir, pas par une espèce d'orgueil, de vanité à être réalisateur ou de volonté de mettre sur mon curriculum un titre en plus. Ça s'est fait naturellement. Rien dans cette aventure ne s'est imposé de manière violente.

Tu choisiras la vie
Tu choisiras la vie ©JHR Films

C'est d'ailleurs un film qui est très doux. Vous avez un lien particulier avec le cadre (le sud de l'Italie, ndlr) ?

Stéphane Freiss : J'aime l'Italie. Ce qui est marrant, c'est que je connais très bien l'Italie et que la seule région que je ne connaissais pas, c'était cette région des Pouilles. Au départ, le film devait se passer ailleurs. Mais quand je suis tombé sur Internet sur cette histoire de personnes du monde religieux, orthodoxes, qui viennent du bout du monde pour aller cueillir ces citrons qu'ils vont ensuite revendre à leur communauté, j'ai trouvé cette injonction divine incroyable. D'autant que le fruit ne sert à rien, sinon à être beau. On ne le mange pas.

Tout ça est absurde mais tout cet effort pour respecter et être encore dans cette réponse dogmatique au texte saint me fascinait. Donc ce cadre permet à Esther de s'émanciper de sa famille, mais c'est aussi un lieu magnifique. C'est pas compliqué de filmer des grands acteurs comme ceux que j'ai eu la chance d'avoir ou de filmer une terre magnifique. Encore faut-il peut-être trouver l'histoire qui permet de le faire... J'ai quand même été beaucoup aidé.

Esther a effectivement besoin de s'émanciper de sa famille, dans laquelle elle étouffe, et le film pointe l'absurdité de la religion. Mais il n'y a aucun jugement, aucune morale. C'est quelque chose que vous refusiez ?

Stéphane Freiss : Complètement. C'est pas que je me le refusais, c'est que je ne sais pas où se trouve la vérité. Ces gens-là entre eux vivent très bien. La parole du rabbin est belle, je trouve qu'on apprend des choses. Donc pourquoi stigmatiser ces personnages alors qu'ils ne participent pas à la société de la même manière que moi ? C'est cette addition de différences qui me plaît et qui m'intéresse, qui me sensibilise au monde. Tant qu'on ne tombe évidemment pas dans une orthodoxie fanatique mais qu'elle est orthodoxe parce qu'elle replie les gens sur eux-mêmes, je peux l'entendre. Mais j'entends aussi qu'à l'intérieur de ce monde clos, certains veulent s'en échapper parce qu'ils cherchent à trouver la réponse à ce qu'ils sont eux, débarrassés du surpoids de cet héritage, de cette transmission.

Tu choisiras la vie
Tu choisiras la vie ©JHR Films

Je pense que c'est quelque chose qui nous touche tous. Ça touche aussi le personnage d'Elio. Il a reçu de son père une terre, qui lui a dit de la travailler. Il va crever sur cette terre, il n'arrive pas à s'en arracher. Tout le monde n'a pas la chance, ce miracle qui fait qu'à un moment vient cette petite fée, qu'il devient pour Esther.

Pour moi, ce n'est pas un film qui cherche à donner raison. Personne n'a raison et tout le monde a raison. La vérité, je ne sais vraiment pas où elle se trouve. L'important, c'est qu'Esther s'en aille parce qu'elle ne peut plus vivre. Cette vie lui pèse trop, il y a un lien qui s'est rompu avec cette répétition trop dogmatique. Elle cherche encore du sens et elle ne le trouve plus. Elle cherche le courage de partir et c'est très violent pour elle.

Cela se ressent d'ailleurs extrêmement bien dans le jeu de Lou de Laâge. À quel moment Riccardo Scamarcio et elle sont arrivés dans le projet ?

Stéphane Freiss : Alors, je n'ai pas écrit en pensant à des acteurs mais j'aimais bien cet acteur italien. Je n'aurais pas pensé à Lou de Laâge parce que je ne la connaissais pas. Et puis très vite, elle est devenue mon premier choix parce qu'elle m'a été présentée, et à partir de ce moment-là, ça a été une évidence. Elle a cette lumière intérieure extraordinaire mais elle peut s'effacer dans un monde où elle ne cherche pas à briller. Mais dès qu'elle devient le personnage devant la caméra, c'est incroyable cette lumière qui se dégage d'elle. C'est une actrice virtuose, elle est merveilleuse. J'ai été gâté.

Tu choisiras la vie
Tu choisiras la vie ©JHR Films

Lui, c'est très différent. C'est un virtuose, mais à sa manière. Étant donné qu'il est très célèbre en Italie, il n'est plus habitué à être dirigé. Il était donc constamment dans la discussion, la résistance. Mais ce n'est pas grave ! C'était sa manière à lui. Il fallait que ce soit au forceps avec lui et dans la douceur avec elle. Le résultat, c'est que les deux ont donné exactement ce que les personnages appelaient, et je leur en serai éternellement reconnaissant pour des raisons différentes. Avec l'un, ça a été une lutte. Avec l'autre, c'était plus évident. Mais je ne regrette ni l'un, ni l'autre, parce que dans les deux cas ça m'a amené à me poser des questions sur la direction d'acteurs.

En les voyant travailler, j'ai eu envie d'appeler tous les réalisateurs avec qui j'ai travaillé en leur disant : "Pardon, excuse-moi, j'ai dû être très chiant". (Rires)

Tu choisiras la vie est à découvrir au cinéma dès le 25 janvier 2023. Découvrez ci-dessus la bande-annonce.