Cannes 2024 : on a vu un biopic sur Donald Trump, entre Scarface et Le Loup de Wall Street

Cannes 2024 : on a vu un biopic sur Donald Trump, entre Scarface et Le Loup de Wall Street

Avec "The Apprentice", Ali Abbasi présente l'ascension de Donald Trump, notamment grâce à son mentor Roy Cohn. Un film solidement porté par Sebastian Stan et Jeremy Strong.

The Apprentice : l’ascension de Donald Trump

Quel étonnant projet de la part d’Ali Abbasi de se lancer dans un portrait de Donald Trump, lorsqu’on voit ce qui le précède. Le réalisateur iranien s’était fait remarquer avec Border (2018), film fantastique suédois sur une douanière aux capacités hors du commun, avant de réaliser Les Nuits de Mashhad (2022), un thriller tendu sur un tueur de prostituées en Iran. Changement d’ambiance donc avec The Apprentice qui nous fait voyager dans l’Amérique des années 1970, plus précisément dans un New York au bord de la faillite et dont voudrait profiter le jeune Trump.

Visuellement, Ali Abbasi adopte un style télévisuel propre à l’époque, avec un format 4:3 et une caméra à l’épaule pour capter la vie de Donald Trump de manière quasi-documentaire. Il y a certes quelque chose d’assez impersonnel dans sa démarche, mais le résultat demeure au niveau des attentes.

Un homme modelé par Roy Cohn

On découvre ainsi Donald Trump encore en bas de l’échelle bourgeoise, en dépit de la richesse de sa famille. L’entreprise de son père étant menacée par le gouvernement – qui accuse les Trump de ne louer des appartements qu’à des blancs – Donald va faire appel à Roy Cohn, un avocat impitoyable qui peut se venter de n’avoir jamais perdu un procès. C’est lui qui sera le mentor de Donald Trump en lui inculquant notamment trois règles : toujours contre-attaquer, ne jamais admettre qu’il a tort, et ne jamais s’estimer perdant. Dès l'évocation de ces règles, on entrevoit déjà le président Trump qu'on connaît aujourd'hui et les déclarations qu'il a pu avoir tout au long de sa carrière.

Sebastien Stan - The Apprentice
Sebastien Stan - The Apprentice

Mais avant d’arriver au sommet des États-Unis, Donald va devoir apprendre aux côtés de Roy, incarné par Jeremy Strong, dans son élément tant The Apprentice peut rappeler la série Succession - dans laquelle il joue. L’acteur se permet d’en faire des caisses, sorte de rencontre d’Al Pacino et de Nicolas Sarkozy pour un résultat drôlissime. On pense aussi au Loup de Wall Street (2013), dans le ton, le rythme, dans certains choix de réalisation (l’usage de musiques bien connues comme Yes Sir, I Can Boogie de Baccara) et dans la transformation de Trump, similaire à celle de Jordan Belfort dans le film de Martin Scorsese. L’interprétation de Sebastian Stan est au passage d’un très haut niveau, l’acteur évitant (lui) de trop en faire.

Le Tony Montana de l’immobilier

Néanmoins, en montrant l’origine de Donald Trump, l’homme qu’il était avant de devenir le milliardaire et le politicien qu’on connaît, The Apprentice prend le risque de le rendre trop humain. Presque sympathique, ou du moins empathique. On découvre en effet un jeune homme désireux de réussir et qui subit le poids de son père. Un garçon qui a des idées et qui voudrait qu’on lui donne sa chance pour les concrétiser. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Cette empathie pour ce personnage n’est pas si éloignée de celle qu’on peut avoir pour Tony Montana dans la première partie de Scarface (1984), lorsqu’il n’est encore qu’un petit criminel, réfugié cubain, qui rêve d’autre chose que d’avoir les mains dans la merde.

Comme dans le film de Brian De Palma, le plus important réside dans la bascule du protagoniste. Et comme pour Tony Montana, la bascule de Donald Trump apparaît aussi bien physiquement que dans son rapport à sa femme. Après avoir confié à Ivana Trump (Maria Bakalova, très juste) qu’il n’a plus aucun désir pour elle, cette dernière hallucine d’être rejetée par cet homme bedonnant, qui peine à cacher sa calvitie et au teint orange. S'ensuit un viol d’Ivana pour faire, définitivement, de Donald Trump le monstrueux porc qu’on s'attendait à voir.

Mais si Scarface ou Le Loup de Wall Street ont montré l’ascension et la chute de ces hommes pourris par leurs ambitions capitalistes et libérales, The Apprentice s’arrête avant. Dans un dernier plan, Ali Abbasi montre le regard de Donald Trump, avec dans ses yeux le reflet du drapeau américain et de la ville de New York. Il n’y manquerait plus que l’inscription The World is Yours (Le monde est à toi) qu’observait en son temps Tony Montana. La suite, pour l’un comme pour l’autre, on la connaît.

The Apprentice était présenté au 77e Festival de Cannes en Compétition Officielle. Le film sortira prochainement en salles.