The Square en Blu-ray : un musée dans votre vidéothèque

Palme d’or du Festival de Cannes 2017, « The Square » a quitté les salles françaises afin de rejoindre les foyers. Distribué par M6 Vidéo, le Blu-ray est disponible depuis le 28 février 2018.

Avant de réaliser The Square, Ruben Östlund s’est fait connaître en dirigeant Happy Sweden (2008) et Snow Therapy en 2014. Pourtant, la consécration critique n’a été atteinte que suite à la sortie de son dernier long-métrage. Remarquée à Cannes, la production aux quatre nationalités (Allemagne, Danemark, France, Suède) a aussi été nominée aux Césars, aux Oscars et aux Golden Globes 2018 en tant que Meilleur Film Étranger. Parmi tant d’autres, ces récompenses attestent que The Square a su s’imposer dans le paysage cinématographique international.

The Square : de l’ordre naît le chaos

Considérée comme un « drame satirique », l’œuvre suit les mésaventures d’un dénommé Christian (Claes Bang). Conservateur d’un musée d’art moderne, celui-ci s’apprête à lancer une nouvelle exposition intitulée « The Square ». En quoi consiste-t-elle ? En dépit de sa simple forme rectangulaire, elle véhicule une signification forte. Effectivement, les visiteurs se tenant au sein de ce sanctuaire ont pour mission de faire preuve d’altruisme et de bienveillance à l’égard de son voisin. S’enchaînent des complications comprenant le vol du portable et des papiers de l’homme, ainsi qu’une campagne publicitaire désastreuse.

Par le biais de la vidéo promotionnelle diffusée sur YouTube, Östlund critique l’appétit des médias pour le sensationnalisme. Des images chocs et percutantes pour créer le buzz. C’est la stratégie qu’adopte l’agence de relations publiques en mettant en scène une enfant sans-papiers au physique nordique. Après avoir attisé l’empathie des internautes à son égard, la fillette meurt dans une explosion à l’intérieur du square. Il n’en faut pas plus pour faire trembler la Toile qui, si elle proteste, témoigne par conséquent de son intérêt envers le macabre. Car, après tout, si ce n’est le bouche-à-oreille, qu’est-ce qui justifie les 30 000 lectures en si peu de temps ? Cette hypocrisie générale est un trait de caractère battu tout au long de The Square via différentes situations.

Le passage le plus culte du métrage de 2h31 est sans nul doute celui de l’homme-singe. Si le spectacle amuse dans un premier temps, les rires s’estompent peu à peu tandis que la performance tourne au cauchemar. Muets, tête baissée, les invités se retranchent en eux-mêmes pour mieux ignorer ce qui les entoure. Cet individualisme en est à son paroxysme lorsqu’Oleg (Terry Notary) s’en prend à une femme d’une vingtaine d’années. Celle-ci a beau appeler à l’aide alors qu’il est à deux doigts de l’agression sexuelle, personne ne bouge le petit doigt. Plusieurs individus finissent par se manifester lorsque, à terre après avoir été tirée par les cheveux, le viol n’est plus qu’une question de secondes.

Dans une société contemporaine de plus en plus connectée et indifférente à son entourage, le sens de la communauté se perd. À sa place s’installent la peur, la lâcheté, l’égocentrisme et l’égoïsme. Si cette prise de position de la part du réalisateur se justifie, son approche est on ne peut plus clivante. Le film s’étend en longueur, les scènes s’enchaînent en créant un tout obscur, et les personnages peinent à se dépêtrer de leur froideur. Le casting joue cependant avec perfection, et Elisabeth Moss (The Handmaid's Tale) incarne sûrement l’un des protagonistes les plus intéressants de par sa personnalité décalée.

Qu’y a-t-il à acquérir ?

Filmé en 3.4K à l’aide d’une caméra Arri Alexa XT, l’équipe de production s’est contentée d’un master final en résolution 2K. Autrement dit : si un Blu-ray 4K avait été proposé à la vente, il se serait agi d’un simple agrandissement. Ce choix est regrettable puisque le visuel offert par The Square est tout simplement époustouflant et soigneusement travaillé. Tant pis.

De gauche à droite : DVD, Blu-ray + DVD, Édition FNAC Blu-ray + DVD, Édition FNAC Intégrale DVD Ruben Östlund

Seuls un DVD et la fameuse galette bleue ont été édités. S’il n’existe pas d’édition collector à proprement parler, deux exclusivités FNAC sont à noter. La première est le digipack combo comportant une masterclass inédite avec le réalisateur (42 min), et la seconde est une intégrale DVD regroupant ses cinq œuvres cinématographiques. Elle dispose du même supplément.

Une exposition exemplaire

Afin de rendre hommage à l’investissement dédié à la photographie très graphique du métrage, M6 Vidéo ne pouvait que mettre les bouchées doubles. Pari réussi pour le distributeur qui partage une image tout en finesse. Le piqué global est précis, et le niveau de détails ne déçoit jamais. La palette colorimétrique parvient à retranscrire les atmosphères changeantes. Qu’elles adoptent des tons froids tirant sur le bleuté, ou chauds comme lors de la scène de l’homme-singe, le Blu-ray n’est jamais largué. Enfin, les contrastes sont poussés et les noirs se maintiennent sans se boucher.

Quant au son, le disque offre l’audio original et le doublage français en DTS-HD 5.1 et en DTS-HD 2.0. D’un naturel assez calme, posé, The Square mise sur l’audibilité de ses dialogues et sur ses ambiances intimistes. Plusieurs scènes surprendront tout de même par leur dynamisme. Les basses et la spatialisation s’en donnent par exemple à cœur joie durant la soirée électro qui devrait transformer votre salon en véritable discothèque.

Il n’est pas possible de visualiser dans sa langue étrangère sans l’incrustation des sous-titres dans la langue de Victor Hugo. Le manque de visibilité lors de la sélection dans le menu des langues est problématique pour les plus petits écrans.

Des bonus manquants à la galerie

Le bilan est plutôt morose quant aux bonus dédiés à ce détenteur de la Palme d’Or. Bien que prometteurs sur le papier, ces derniers laissent un goût amer d’inachevé. Leur diversité est malgré tout appréciée, mais ils ne sont pas aussi informatifs que l’entretien avec Ildikó Enyedi (Corps et Âme), ou encore le commentaire audio de Robin Campillo (120 battements par minute).

  • Making of d’une scène d’anthologie (12 min) : introduite par un bref échange avec Ruben Östlund, cette featurette revient sur les répétitions et les trois jours de tournage de la scène de l’homme-singe. Il s’agit d’un condensé d’images prises sur le vif. Le spectateur assiste donc aux tests de cadrage, et aux différents essais d’angles à adopter. Une concertation autour de la mise au point lors du deuxième jour de tournage est montrée, suivie d’un témoignage de l’acteur Terry Notary filmé le lendemain.
  • Essais et scènes de casting (4:57 min) : moins pertinent mais intéressant, ce bonus offre des extraits des auditions de Claes Bang, Martin Sööder et Daniel Hallberg, Elijandro Edouard, ainsi que de Christopher Læssø accompagné de Bang.
  • Dans les coulisses (2:32 min) : si le titre laisse imaginer une seconde forme de making of, détrompez-vous puisqu’il s’agit seulement de 30 (belles) photographies prises lors du tournage. L’absence de chapitres ne permet pas d’en rechercher une avec plus de précision que la touche avance rapide.
  • Exposition « The Square : Tableaux critiques » (1:06 min) : tandis que la formulation surprend, ce n’est rien à côté du premier document qui apparaît : une lettre d’Emmanuel Macron. Le président de République y fait part de ses félicitations quant à l’obtention de la Palme d’or. S’ensuit des avis (tous positifs) de médias professionnels tels que Le Monde et Le Parisien, présentés sous forme d’exposition.
  • Cannes 2017 : interviews (9:11 min) : retour sur la genèse de l’œuvre avec Ruben Östlund, dont l’inspiration provient d’une installation artistique. Elisabeth Moss et Claes Bang se prennent aussi au jeu et abordent le processus de casting et leur premier jour. L’acteur principal en profite également pour délivrer une anecdote. Il a lui-même écrit le discours que Christian prononce sur les marches.
  • Ébauches d’affiches internationales (1:05 min) : onze affiches sont dévoilées. À nouveau, le bonus n’est pas chapitré.

Conclusion

Note de la rédaction

« The Square » n’est définitivement pas accessible à tous. Son Blu-ray, lui, fera l’unanimité grâce à ses prestations visuelles et sonores impeccables. Bien que vastes, les bonus manquent d’informations et sont trop brefs pour un film aussi satiriquement travaillé. Barème : Film ★★★ / Blu-ray ★★★★★ / Bonus ★★

Sur la bonne voie

Note spectateur : Sois le premier