Laure est un garçon manqué de 10 ans. Arrivée dans un nouveau quartier, elle va faire croire à Lisa et sa bande qu'elle est un garçon. Facile. L’été va ainsi se dérouler en toute innocence et ignorance… jusqu’au jour où Laure se retrouve confrontée à son mensonge.
Un si petit mensonge…
Avec ses grands yeux clairs, la jeune Laure (confondante Zoé Héran) a toujours l’air de s’excuser d’être là. Engoncée dans un corps et une identité qu’elle ne maîtrise pas encore et qui la gênent, elle préfère mentir sur ce qui pourrait n’être qu’un point de détail (son « genre ») et privilégier ce qui fait d’elle une enfant espiègle et attachante. Après tout, qu’est-ce que ça change ? Serait-elle si différente si elle jouait au foot en robe ou portait les cheveux longs ? Tout n’est malheureusement pas si simple, et pour un mensonge, c’est un véritable chemin de croix qui va commencer pour la petite fille.
En 2007, naissance des pieuvres, premier long-métrage bluffant, avait introduit Céline Sciamma dans la cour des cinéastes à suivre, alliant rigueur de mise en scène et acuité psychologique dans le traitement de ses personnages. Coup d’essai, coup de maître. C’est dire si l’attente de son deuxième film risquait d’être vénéneuse.
… pour un grand film
C’est pourtant en seulement quelques plans que Sciamma balaie nos éventuels espoirs et inquiétudes. S’attachant à chaque pas, chaque peur de Laure, Tomboy nous renvoie - avec une rapidité et une facilité désarmantes - aux joies et aux affres de l’enfance, nous replongeant, penauds, dans une réalité étrangement pas si lointaine où la moindre interrogation, la moindre bêtise, le moindre mensonge, peut prendre des dimensions tragiques.
Car ce qui compte et motive un étonnant suspense tout au long de film, c’est n’est pas tant l’identité (potentiellement sexuelle) de Laure, que la façon dont elle l’accepte et le cheminement qu’elle va devoir suivre pour y parvenir. Qu’importe que Laure soit une fille ou un garçon, ou bien qu’elle se révèle à l’avenir hétéro ou homosexuelle : il s’agit avant tout pour elle d’être Laure. Cela semble peu, mais c’est énorme. Pour elle comme pour n’importe quel enfant.
Filmant à hauteur de gosses, suivant leur rythme effréné, Céline Sciamma (aidée par un casting de gamins d’une qualité rarement vue en Hexagone) ne sacrifie rien à son propos. Toujours aussi exigeante dans ses choix de mise en scène comme dans la dynamique de son style, elle signe avec Tomboy un instantané juste, drôle et parfois cruel sur une enfance pas toujours facile à vivre, mais qu’on ne finit plus de regretter.
Le DVD
C’est un DVD plutôt simple que l’on peut découvrir cette semaine dans les bacs pour la sortie de Tomboy. Ainsi, aux côtés du film (qui se suffirait d’ailleurs presque à lui-même), on ne retrouvera qu’un bonus. Mais un bonus qui vaut son pesant de cacahouètes puisqu’il s’agit d’une rencontre (d’une vingtaine de minutes) avec la cinéaste Céline Sciamma, interview édifiante et concise sur son travail de casting puis d’improvisation cadrée avec les enfants, ses exigences d’écriture et de mise en scène ou encore la thématique et les ouvertures multiples du propos de son film. Aussi rigoureux que son film, merci.
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Eléonore Guerra (22 Septembre 2011)