Une affaire de femmes : retour sur l’histoire vraie à l’origine du film

Un destin tragique

Une affaire de femmes : retour sur l’histoire vraie à l’origine du film

Dans "Une affaire de femmes", Isabelle Huppert pratique des avortements clandestins et illégaux dans la France occupée. Son personnage, Marie Latour, s’inspire de Marie-Louise Giraud, "une faiseuse d’anges" condamnée à mort pour ses actes.

Une affaire de femmes : "une faiseuse d’anges" dans la France occupée

Dix ans après Violette Nozière, Claude Chabrol dirige à nouveau Isabelle Huppert pour Une affaire de femmes. Le réalisateur et la comédienne se retrouvent par la suite sur Madame Bovary, La Cérémonie, Rien ne va plus, Merci pour le chocolat et L’Ivresse du pouvoir.

Pour cette deuxième collaboration librement inspirée de l’ouvrage éponyme de Francis Szpiner, publié en 1986, l’actrice prête ses traits à Marie Latour. Dans la France occupée, cette femme vit modestement avec ses deux enfants. Un jour, elle accepte de venir en aide à une amie qui veut avorter. Comprenant qu’elle peut tirer profit de cette activité, Marie propose ses services à d'autres femmes, ce qui lui permet de sortir sa famille de la pauvreté.

Une affaire de femmes
Une affaire de femmes ©MK2

Après le retour de son mari Paul (François Cluzet), elle s'associe également avec Lucie (Marie Trintignant), une prostituée à laquelle elle loue une chambre de son appartement pour ses passes. Elle entame par ailleurs une liaison avec Lucien (Nils Tavernier), un collabo. Méfiant vis-à-vis de ses activités illégales et meurtri par son adultère, Paul finit par mettre la vie de son épouse en péril.

Lolita Chammah, Dominique Blanc et Dani complètent la distribution de ce drame, pour lequel Isabelle Huppert remporte un prix d'interprétation à la Mostra de Venise. À sa sortie, le long-métrage, critique sur l’hypocrisie et la délation dans la France pétainiste, suscite la colère du Vatican à cause des propos blasphématoires prononcés par Marie dans la conclusion. Dans un cinéma de Montparnasse, des catholiques intégristes font exploser une bombe lacrymogène au cours d’une projection d’Une affaire de femmes, ce qui provoque la mort d’un spectateur cardiaque. À la même période, des attentats similaires sont perpétrés en guise de révolte contre La Dernière tentation du Christ de Martin Scorsese.

Marie-Louise Giraud, l’une des dernières femmes françaises guillotinées

Claude Chabrol se base sur la vie de Marie-Louise Giraud pour son film, qu’il coécrit avec Colo Tavernier O’Hagan. Née le 17 novembre 1903 à Barneville, dans le Calvados, cette serveuse de restaurant aide une jeune voisine de 18 ans à avorter pendant la Seconde Guerre mondiale.

Marie-Louise Giraud propose ensuite ses services à d’autres femmes contre une rémunération, ce qui lui permet de s’acheter une maison à Cherbourg. D’après Le Monde, elle se convainc d’avoir "un don". Ses patientes prennent contact avec elle par l’intermédiaire de trois voyantes. En janvier 1942, selon le site actu.fr, l’une d'elles succombe à une septicémie après 15 jours de lutte contre l’infection.

Quelques mois plus tard, en octobre 1942, une lettre anonyme dénonce "la faiseuse d’anges". Après son arrestation, Marie-Louise Giraud reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Elle aurait ainsi déclaré :

Je regrette ce que j'ai fait. Je vous promets de ne plus recommencer.

Des excuses qui s'avèrent cependant insuffisantes pendant son procès, durant lequel le président Paul Devise insiste sur l’immoralité des actes commis par l’accusée. Après sa condamnation à mort, le maréchal Pétain refuse de gracier Marie-Louise Giraud, considérée comme "un assassin de la patrie". Le 30 juillet 1943, elle est guillotinée à l’âge de 39 ans dans la cour de la prison de la Roquette, à Paris, pour avoir pratiqué 27 avortements. Elle repose désormais au cimetière d’Ivry, dans le Val de Marne.

Comme Marie Latour dans Une affaire de femmes, Marie-Louise Giraud louait des chambres à des prostituées à Cherbourg. Et comme le personnage, elle était mère de deux enfants.