Alan Moore est sans doute considéré comme l'un des plus grands auteurs de comics de sa génération. Il a participé à donner ses lettres de noblesses au médium durant plusieurs décennies. Pourtant, ceci ne l'empêche pas d'avoir un avis bien tranché et très négatif sur l'omniprésence des films de super-héros dans les salles obscures.
S'il y a bien un nom à connaître en ce qui concerne les auteurs de comics, c'est sans doute celui d'Alan Moore. Avec Frank Miller, il a, dans les années 1980, donné naissance à une vague au sein de l'industrie qu'on nomme aujourd'hui, l'Âge sombre des comics. Il a été l'un des premiers à transformer les bandes dessinées américaines en œuvres profondes qui abordent sans détour des sujets politiques ou philosophiques. Alan Moore a ainsi signé, au cours de sa carrière, de nombreuses œuvres devenues cultes : Watchmen, V pour Vendetta, Killing Joke ou encore La Ligue des gentlemen extraordinaires. Après avoir enchaîné les succès, l'auteur se détournera de l'industrie des comics, considérant que celle-ci n'est plus ce qu'elle était dans les années 1980, pour retrouver son indépendance.
On peut aussi remarquer que beaucoup de ses travaux ont été adaptés au cinéma. Alan Moore s'en est cependant toujours écarté, considérant qu'il est inutile d'essayer d'adapter des comics sur un écran puisqu'il s'agit de deux médiums différents. Il refuse d'ailleurs toujours d'apparaître lors des génériques de ces longs-métrages ou de toucher les droits d'auteur qui en découleraient. Plusieurs fois, il s'est attaqué aux différentes adaptations de ses comics, les considérant comme de très mauvaise qualité et ne reflétant pas le message qu'il voulait transmettre.
"Une immobilité culturelle" selon Alan Moore
Comme le relève aujourd'hui ScreenRant, l'auteur de Watchmen est aussi très critique en ce qui concerne les films de super-héros en général. Lors d'une interview réalisée en janvier 2017, à l'occasion de la sortie de son roman Jerusalem, et publiée sur le site Alan Moore World, il fustige l'omniprésence des héros tirés de comics dans les salles de cinéma :
Les films de super-héros semblent encourager le public à ne pas sortir de l'enfance ou du XXème siècle, ce qui doit paraître rassurant. La popularité de ces films me fait penser à une sorte d’arrêt émotionnel délibéré et auto-imposé, associé à un état d'immobilité culturelle anesthésiante que l’on peut aussi observer dans les bandes dessinées, les films, la musique populaire et, en fait, dans tous les domaines culturels.
Plus tard dans l'interview, Alan Moore déplore le manque de diversité dans ces films et va même plus loin en comparant les films de super-héros au film Naissance d'une nation de Griffith :
Ces livres et ces personnages emblématiques sont encore des rêves de suprémacistes blancs. En fait, je pense qu’un point de vue intéressant est de considérer "Naissance d'une nation" de Griffith comme le tout premier film de super-héros américain et le point d'origine de toutes ces capes et masques.
Pour rappel, Naissance d'une nation est un long-métrage sorti en 1915, abordant le thème de la guerre de sécession et de la création du Ku Klux Klan. Il est très controversé car privilégie le point de vue sudiste et fait l'apologie des suprémacistes blancs. Comparer ce long-métrage aux films de super-héros n'est donc pas anodin. Alan Moore est cependant un coutumier du fait : dans une interview donnée à Arte, il comparait déjà le succès des films Marvel au box-office avec l'élection de Donald Trump et le Brexit. Ceci reste en accord avec son oeuvre phare, Watchmen, qui amorçait déjà la critique du phénomène des super-héros.
Cependant, quoi qu'en dise Alan Moore, les films issus de franchises de comics continuent d'attirer du monde dans les salles : Avengers : Endgame est devenu le plus gros succès de tous les temps (sans compter l'inflation) avec presque 2,8 milliards rapportés. En parallèle, Damon Lindelof et HBO ré-inventent Watchmen avec la série qui prend la suite du comic et dont la diffusion est toujours en cours sur OCS.