Will Hunting : quand Harvey Weinstein ne voulait plus payer Robin Williams

Will Hunting : quand Harvey Weinstein ne voulait plus payer Robin Williams

Alors qu'un mois plus tôt il était un des gagnants de la 70e cérémonie des Oscars et qu'il rapportait encore beaucoup d'argent au box-office, "Will Hunting" quitte les salles nord-américaines fin avril 1998. Une décision qui a largement surpris, résultat d'une manoeuvre financière à la limite de la malveillance d'Harvey Weinstein.

Will Hunting coupé dans son élan

Le vendredi 5 décembre 1997, Will Hunting débute par une sortie limitée dans les cinémas nord-américains. Le succès est immédiat et la distribution s'élargit rapidement. À partir du 9 janvier 1998, Will Hunting est à la programmation de 1787 cinémas. Un nombre qui culminera à 2,203 la semaine du 27 février. Sur un budget de 10 millions de dollars, le film de Gus Van Sant va en rapporter dix fois plus au box-office américain, et encore 87 millions à l'étranger, pour un box-office total s'établissant à 225 millions de dollars de recettes.

Un score impressionnant pour un film indépendant, mais qui aurait pu l'être encore plus si sa distribution américaine ne s'était pas brusquement arrêtée le dernier week-end d'avril 1998.

Will Hunting
Will Hunting ©Miramax

Pourquoi Will Hunting, produit et distribué par la société des frères Weinstein Miramax a-t-il été retiré des salles si tôt, alors qu'il était, un mois plus tôt, une des stars de la 70e cérémonie des Oscars ? En effet, ce soir du 23 mars 1998, Will Hunting était arrivé au Shrine Auditorium de Los Angeles avec neuf nominations aux Oscars, et en repartait avec l'Oscar du Meilleur scénario original pour Ben Affleck et Matt Damon, et celui du Meilleur acteur dans un second rôle pour Robin Williams.

Une performance qui lui assurait a priori encore de beaux jours dans les cinémas, et donc encore plus de recettes au box-office. Mais, pour une raison assez mesquine, Harvey Weinstein en a décidé autrement...

"Will Hunting a été pénalisé par cupidité"

C'est Kevin Smith, réalisateur de films cultes comme Clerks, Les Employés modèles, Dogma et Jay et Bob contre-attaquent, ami de Ben Affleck et Matt Damon et par ailleurs longtemps réalisateur "maison" de Miramax, qui a révélé dans son livre paru en 2021 Kevin Smith's Secret Stash le pourquoi de cette décision, qu'il expliquait ainsi au Daily Beast :

Je me souviens du moment où "Will Hunting" a été retiré des cinémas et ça semblait étrange parce qu'on se disait : "Attendez, il y a tout le buzz des Oscars, pourquoi le retirer alors qu'il rapporte de l'argent ?". Ils ont (les dirigeants de Miramax, ndlr) retiré le film parce que le laisser en salles signifiait plus d'argent pour Robin Williams, alors qu'au moment où il commencerait son exploitation en vidéo, le partage n'était pas aussi favorable pour Robin. Il a été pénalisé par cupidité.

Harvey Weinstein ne voulait pas que le succès profite trop à Robin Williams

En tant que co-producteur de Will Hunting, Kevin Smith avait un accès privilégié à certains détails, dont ceux relatifs à la rémunération de Robin Williams. À l'époque, celui-ci est un des acteurs les plus populaires d'Hollywood, surfant sur les succès de Madame Doubtfire et Jumanji, et a donc des prétentions salariales élevées. Trop élevées pour le budget de Will Hunting. L'acteur profite donc d'un back-end deal, c'est-à-dire d'un pourcentage sur les profits générés au box-office. Ce pourcentage est évolutif : plus le film a du succès et encaisse des recettes, plus ce pourcentage grossit.

Sean Maguire (Robin Williams) - Will Hunting
Sean Maguire (Robin Williams) - Will Hunting ©BAC Films

Et selon Kevin Smith, passé les 100 millions de dollars recettes au box-office américain, le partage entre Robin Williams et Miramax approchait le 50/50 sur chaque dollar supplémentaire gagné. Alors que concernant l'exploitation du film en vidéo, le partage était bien moins équitable avec une part pour Williams plus réduite... Ainsi, plutôt que d'aller au bout des recettes potentielles du box-office, qu'il aurait dû en très grande partie partager, Harvey Weinstein a préféré accélérer la fin de l'exploitation en salles pour limiter les gains de Robin Williams. Et se retrouver le plus rapidement possible à prendre la plus grande partie des gains de l'exploitation en vidéo... Un geste dont on s'accordera tous à souligner l'inélégance.