Yamakasi : le tournage chaotique du film produit par Luc Besson

Les samouraïs des temps modernes

Yamakasi : le tournage chaotique du film produit par Luc Besson

Le Parkour est désormais une discipline reconnue par tous. Il a notamment été découvert par le grand public en 2001 via le film français « Yamakasi ». Toutefois, le long-métrage a connu un tournage des plus mouvementés.

Yamakasi : plus rapides que le vent

Au début des années 90, un jeune français d’une vingtaine d’années nommé David Belle (qui deviendra plus tard populaire avec la saga Banlieue 13) s’adonne à un concept révolutionnaire inspiré du fameux « parcours du combattant ». Il est ainsi l’initiateur du « Parkour » (ou « art du déplacement » ), une discipline sportive consistant à franchir des obstacles urbains par différentes figures acrobatiques. Apparu principalement dans la banlieue, ce concept devient de plus en plus populaire par le biais de David Belle et de ses co-fondateurs dont certains vont lui apporter une grosse exposition en 2001 avec le film Yamakasi.

Tiré du nom de leur propre groupe d’athlètes (et qui signifie en lingala « esprit fort » ), Yamakasi suit ainsi une bande de jeunes banlieusards qui passent leurs journées à escalader les immeubles et à effectuer des sauts vertigineux. Admirés par les enfants de cités qui veulent leur ressembler, ils vivent cependant un drame lorsque l’un d’eux, à trop vouloir les imiter, chute gravement d’un arbre. Il lui faut alors un nouveau cœur pour bénéficier d’une transplantation cardiaque.

Malheureusement, le coût de l’opération est trop important pour la famille du malade. Les Yamakasi tentent alors tous les moyens nécessaires et illégaux pour obtenir de l’argent.

Un tournage cauchemardesque

Si le film réalisé par Ariel Zitoun ne brille pas par son scénario dément, il se distingue par des scènes d’action absolument spectaculaires. Toutefois, l’envers du décor fut bien plus compliqué. En effet, rappelons que Yamakasi est un film produit par EuropaCorp, la société de production de Luc Besson. Ce dernier avait repéré ce groupe d’acrobates lorsqu’ils étaient figurants sur le plateau de Taxi 2. Il décide alors d’en faire les protagonistes d’un long-métrage entier, qui rend hommage à leur art.

Pour réaliser Yamakasi, Luc Besson fait ensuite appel à l’un de ses protégés Julien Seri qui ne dispose toutefois d’aucune expérience dans le long-métrage (il dirigeait jusqu’ici des clips vidéo et des spots publicitaires). Disposant d’un budget de 6,9 millions d’euros, le jeune metteur en scène se retrouve vite dépassé par les événements. En effet, l’inexpérience de Seri ainsi que celle de son équipe (dont certains sont imposés par la production) rendent la tâche difficile, d’autant que de multiples intempéries empêchent d’obtenir un tournage serein.

Yamakasi
Yamakasi ©EuropaCorp

À bout, suite à des délais de préparation qu’il trouve beaucoup trop courts, le réalisateur de Yamakasi décide alors d’envoyer une lettre à Luc Besson pour l’informer du chaos. Il réclame alors l’interruption temporaire du tournage afin de mieux réorganiser les choses, sans quoi il démissionnerait immédiatement. Le réalisateur de Léon accepte initialement l’interruption de tournage…avant de débarquer quelques jours plus tard sur le plateau pour critiquer ouvertement Seri devant toute son équipe de travail ainsi que les acteurs présents. Une guerre ouverte est alors déclarée entre les deux hommes.

Le combat des chefs

Quelques semaines plus tard, Luc Besson envoie une lettre à Julien Seri dans lequel il l’accuse de prendre du retard sur le projet établi. Il le convoque surtout pour un entretien préalable dont le but est de le « sanctionner ». Cependant, ulcéré par le célèbre réalisateur, Seri décide de ne pas se rendre à cette rencontre. Le couperet tombe : le cinéaste est licencié pour faute grave. Comme le relate BFMTV, le contenu de cette lettre est le suivant :

Malgré tous les efforts déployés par la production, vous n'avez apporté aucun changement ni dans votre travail, ni dans votre comportement. Le plan de travail n'est toujours pas respecté. Ces retards cumulés augmentent considérablement le budget du film. À plusieurs reprises, nous vous avons proposé de faire appel à un cadreur professionnel. Vous avez toujours refusé, préférant procéder au cadrage vous-même. Or, vous n'aviez ni la compétence, ni l'expérience d'un cadreur professionnel : il en résulte un problème de cadrage à l'image. Par ailleurs, vous faites preuve sur le plateau d'un très mauvais esprit auprès des membres de l'équipe, n'hésitant pas à critiquer la société de production. Vous n'avez pas hésité à dire devant toute l'équipe que la production « vous payait un court-métrage de 12 semaines. »

Après ce licenciement, Luc Besson remplace alors Julien Seri par Ariel Zitoun. Le montage en post-prod est alors ubuesque puisqu’il mixe les plans des deux réalisateurs de Yamakasi. Sauf que Zitoun est crédité au générique de fin, mais pas Seri ! Ce dernier fait alors appel à la justice en tentant de bloquer la sortie du film et en réclamant 2,4 millions d'euros de réparation de préjudice. Malheureusement pour lui, il sera débouté, du fait de son contrat qui autorisait la production à utiliser ses plans tournés, en cas de défaillance de sa part.

Nouveau rebondissement

S’il n’obtient pas le report de la sortie de Yamakasi, Julien Seri gagne en revanche aux prud’hommes via une compensation de 54 000 euros. Motif :

Le déroulement des faits montre que M. Seri fera montre d'insuffisances professionnelles répétées, notamment dans la programmation des tâches et le management de son équipe. Cependant, ces insuffisances ne peuvent être constitutives de faute grave, alors que le salarié pouvait rester dans l'entreprise jusqu'à la fin de son CDD. La séparation sera donc qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ironie du sort : les acteurs du film eux-mêmes ont soutenu le metteur en scène, reconnaissant le tournage cauchemardesque du film. Le 2 janvier 2002, la justice tentera d’instaurer une médiation entre les deux hommes Ainsi, le premier réalisateur du film recevra un chèque d’un montant inconnu, histoire de régler définitivement le litige subi. Il sera même appelé pour réaliser et scénariser Les Fils du Vent, second film qui mettra en avant les fameux Yamakasi.