Zita Hanrot (Annie Colère) : "Une femme m'a dit que j’allais « assassiner une vie humaine »"

Zita Hanrot (Annie Colère) : "Une femme m'a dit que j’allais « assassiner une vie humaine »"

À l’affiche de «Annie Colère » de Blandine Lenoir, Zita Hanrot joue Hélène, une infirmière militante au MLAC, et India Haïr incarne Claudine, une des toutes premières femmes gynécologue. On les a rencontrées pour qu’elle nous parle de ce film choral et de l’importance de son sujet.

Annie Colère, un film sur une lutte aussi importante que méconnue

Créé en 1973, le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception a grandement participé à l’adoption de la loi Veil en 1975, qui a légalisé l’avortement. Dissous à la suite du vote de la loi, le MLAC aura sensibilisé la population, organisé un circuit d'accompagnement pour les femmes désireuses d'avorter et oeuvré pour sortir la pratique de la clandestinité. Une histoire méconnue mais pourtant essentielle dans l’histoire des droits des femmes et des luttes collectives dans la société française, à laquelle rend hommage Blandine Lenoir dans son film Annie Colère. Nous avons rencontré deux de ses actrices, India Hair et Zita Hanrot.

Annie Colère
Annie Colère ©Diaphana Distribution

Rencontre

Vous faites partie du grand casting féminin d’Annie Colère, qui explore un sujet méconnu. Comment avez-vous abordé ce film ?

India Hair : L’écriture de Blandine m’a bouleversée, sa manière de voir une classe de femmes, comment s’est passée cette transmission. Je ne connaissais rien au MLAC - j’ai d’ailleurs été en colère de ne pas l’avoir appris plus tôt ! Elle m’avait dit que Zita et Laure étaient là, et j’avais très envie de bosser avec elles.

Zita Hanrot :  On s’était rencontrées sur La Vie scolaire sur le plateau, on s’était très bien entendues. Elle m’a dit qu’elle écrivait quelque chose et qu’elle pensait à moi. Quand elle m’a parlé du sujet, j’étais très enthousiaste. Ces thèmes me plaisaient. J’avais un très bon a priori et en lisant le scénario je me suis rendue compte que ce serait très choral. Donc j’ai dit oui très vite, pour le fait d’être avec plein d’autres actrices, de découvrir ce sujet dont je ne savais pas grand chose. Toutes les intuitions que j’avais à la lecture se sont vérifiées sur le plateau. La joie, la troupe, la solidarité, la confiance, c’était un vrai ressenti pendant la fabrication de ce film.

À l'écran comme sur le plateau, l'enjeu était donc cette solidarité ?

I. H. : Quand j’ai rencontré Blandine, je me suis rendue compte que ça libérait la parole de travailler sur ce sujet. J’étais enceinte, puis mon bébé était dans le film, on avait toutes envie de parler de nos expériences, dans une grande expérience collective. On le ressent aux présentations publiques d'Annie Colère, les spectatrices sont touchées par la douceur qu’il y a entre nous.

Annie Colère
Annie Colère ©Diaphana Distribution

Z. H. : Qu’on ait vécu ou pas un avortement, les femmes ont toutes en commun d’avoir subi, à un endroit, une violence faite à leur corps. Que ce soit des insultes, des regards déplacés, un examen médical invasif, un accouchement où la méthode est imposée.

Il y a une expérience commune de la douleur, ainsi que la connaissance intime de son corps et des enjeux autour de celui-ci, dont la transmission est essentielle.

Malgré le fait que la loi Veil existe, Annie Colère sort dans un contexte de régression sur le sujet…

Z. H. : J’ai conscience que c’est un droit menacé. J’ai fait une expérience avant le tournage d'Annie Colère, je me suis fait passer pour une adolescente sur un forum, où je disais que je voulais avorter. Et en fait c’est un site qui, sous couvert de faciliter l’accès à l’avortement, essaye d’en dissuader.

J’ai échangé avec une femme qui me disait que j’allais « assassiner une vie humaine ». Son discours était hyper dangereux. Ce type de discours existe bien plus qu’on ne le pense, donc l’accès à l’avortement est encore fragile et menacé.

India : Je crois qu’il n’y a qu’une thèse sur le MLAC, si on cherche en ligne on trouve très peu de choses. On ne connaît pas cette histoire, ce qui est assez fou. J’aurais aimé le voir il y a 20 ans, et je le montrerai à ma fille, parce qu’on ne peut plus être passifs une fois qu’on a vu ça. Il faut qu’il soit montré le plus possible.