Anthony Marciano : "Play a été conçu comme une thérapie"

Anthony Marciano : "Play a été conçu comme une thérapie"

À l'occasion de la sortie en salles le 1er janvier 2020 du film "Play" avec Max Boublil, nous avons rencontré le réalisateur Anthony Marciano pour une interview nostalgie.

En 1993, Max a 13 ans quand on lui offre sa première caméra. Pendant 25 ans il ne s'arrêtera pas de filmer. La bande de potes, les amours, les succès, les échecs. Des années 90 aux années 2010, c'est le portrait de toute une génération qui se dessine à travers son objectif.

Six ans après Les Gamins, le réalisateur Anthony Marciano retrouve son complice Max Boublil pour un nouveau long-métrage entre rires et émotions. Dans Play, en salles le 1er janvier 2020, il dresse le portrait de sa génération, née dans les années 80, et nous renvoie avec nostalgie dans cette période que beaucoup d'entre nous semblent regretter.

Play : interview d'Anthony Marciano

Depuis quand ce film trotte-t-il dans votre tête ?

Sans vraiment avoir l’idée de ce film, je repense régulièrement à des passages de mon adolescence en me rappelant que je ne les revivrai plus jamais. J’ai cherché à faire un film personnel et je ne voyais pas de sujet plus personnel que celui-ci.

Comme dans « Les Gamins » il est beaucoup question de regrets, de la peur du temps perdu, de l’urgence à le rattraper. Pourquoi ces sujets vous obsèdent-ils ? 

C’est peut-être par peur de grandir, d’accepter de se rapprocher à chaque fois un peu plus de la mort. Je ne sais pas si j’ai la réponse ou si je la trouverai chez un psy, mais ce film a été conçu comme une thérapie : graver enfin ces moments sur une bande, que je pourrai me repasser jusqu’à la fin de mes jours.

Pourquoi avoir eu envie de recourir au found footage ?


Je ne voulais pas simplement faire un film sur les années 90/2000 en cataloguant les évènements . Je voulais proposer au public mon plus grand fantasme : celui de pouvoir revivre les moments clefs de nos vies. La caméra subjective me permettait d’inclure le spectateur dans l’histoire, d’effacer la mise en scène, d’en faire un vrai moment de vie. Une réalisation plus classique aurait mis une distance entre le film et le spectateur que je ne souhaitais pas.

Les plus jeunes acteurs du film n’ont pas connu les années 80, comment ont-ils réagi en découvrant comment vivait la jeunesse de cette époque ?


En réalité ils vivent exactement les mêmes choses aujourd’hui. A aucun moment je n’ai senti d’incompréhension. Et c’est d’ailleurs ce que l’on comprend en montrant le film aujourd’hui dans plusieurs salles en France : les jeunes viennent nous dire à quel point ce qu’ils voient à l’écran colle à ce qu’ils vivent aujourd’hui. Et ils nous disent souvent aussi à quel point c’est étrange de voir ce qui les attend ensuite.

Dans les années 80/90, tous les souvenirs étaient conservés dans des K7, il y en avait moins, mais nous avions l’assurance de les garder. Aujourd’hui nous filmons beaucoup plus de moments mais sur smartphones, ce qui rend la chose plus éphémère. Trouvez-vous ça inquiétant ?


Avant de faire ce film, j’ai justement sorti mes vieilles K7 Hi8 et VHS pour me documenter. Et je me suis rendu compte qu’à l’époque je filmais aussi quantité de choses inutiles. Donc je ne pense pas qu’il y ait de grosse rupture ici. La vraie différence est que nous n’avions pas toujours la caméra sur nous, quand aujourd’hui on peut dégainer quand on veut et on l’on veut. Je pense aussi que la culture du selfie a beaucoup changé notre façon de nous filmer : on cherche d’avantage à se mettre en scène, mois à filmer ce qu’il se passe autour de nous. Sans dire que je trouve ça inquiétant, il peut y avoir parfois un côté pathétique dans cette démarche.


Quels ont été les événements marquants de votre jeunesse ?

La finale de la coupe du monde en 98 garde une place très particulière dans mes souvenirs. Je savais qu’on vivait quelque chose d’unique, comme un moment suspendu dans le temps, qu’on ne serait pas près de revoir. Et 20 ans après, le destin m’a contredit. Il y a beaucoup d’autres événements gravés dans ma mémoire, mais je pense que le 11 septembre a été un tournant dans ma vie, comme pour beaucoup de gens ; comme l’impression que le monde ne serait plus jamais comme avant.

Que diriez-vous à votre vous de 15 ans ?

J’ai eu l’occasion de beaucoup me revoir à 15 dans mes K7, donc je n’aurais qu’une phrase : « coupe toi ces horribles cheveux et rase toi ce vilain petit bouc! ».