Clovis Cornillac : "Les Vétos est un film doux, populaire et généreux"

Clovis Cornillac : "Les Vétos est un film doux, populaire et généreux"

Clovis Cornillac est à l'affiche du film Les Vétos, réalisé par Julie Manoukian et en salles depuis le 1er janvier. Un film sur le difficile métier de vétérinaire de campagne, mais aussi sur la recherche de sens d'une jeune fille, sur l'identité des gens et des territoires... Nous avons pu rencontrer l'acteur, et échanger avec lui sur Les Vétos, le cinéma populaire, et le monde dépeint dans le film.

Clovis Cornillac peuple le cinéma français depuis des années, avec un registre étendu qui lui a permis de s'illustrer dans différents rôles, de la comédie au film noir, jouant avec aisance la tendresse, la violence, l'humour et le drame. Acteur depuis ses 17 ans, il est aussi réalisateur pour le cinéma et la télévision depuis 2015, et s'est aussi illustré sur les planches de théâtre dans le registre classique et contemporain. Nous l'avons rencontré pour son rôle de vétérinaire de campagne dans Les Vétos, le film de Julie Manoukian sorti le 1er janvier. Il y joue Nicolas, "Nico", un vétérinaire de campagne passionné par son métier mais accablé par ses très lourdes contraintes

Qu'est-ce qui vous a donné envie de rejoindre le projet Les Vétos ? Le personnage ? L'histoire ?

C'est toujours le projet qui m'intéresse, avant le rôle, qui est bien sûr vecteur de beaucoup de choses. Mais pour Les Vétos, j'ai vraiment trouvé le projet original, et j'ai été très surpris de voir qu'on n'avait jamais fait de film sur les vétérinaires, ou alors je ne les ai pas vus. Je me souviens de la série Daktari (1966), mais c'est tout. Alors que c'est un métier qui fait rêver un pourcentage incroyable de gamins ! Donc je me suis dit "chouette, un film sur des vétérinaires", et puis il y a eu la rencontre avec Julie Manoukian, et enfin le travail qu'on a pu faire avec des vétérinaires en campagne.

C'est grâce à ces rencontres que le film revendique cette authenticité ?

On a travaillé en amont avec beaucoup de gens, pour voir comment ils bossaient, on les a suivis en tournée pour s'imprégner et comprendre. Ce n'est pas tant sur le plan technique que sur le plan de l'attitude, de la psychologie. Je ne sais pas ce que fait un vétérinaire mais je suis capable d'en reconnaître un. Et mon boulot, c'est que le spectateur se dise "oui, c'est un vétérinaire".

Les vétos

L'aspect rural était-il primordial ?

Oui, on pourrait faire des films sur des vétérinaires en ville, mais avec l'aspect rural on apprend beaucoup de choses. C'est une des forces du film, Julie Manoukian a réussi à faire un film doux, populaire, et généreux. Et on apprend plein de choses à différentes générations, c'est vraiment intergénérationnel et c'est ce que j'appelle le cinéma populaire "classe". C'est à hauteur d'homme, on a montré le film un peu partout en France et c'était fort de voir la manière dont le film est reçu, sans filtre entre lui et le spectateur, et ça c'est très agréable.

Une des thématiques dans Les Vétos est la redécouverte de territoires qu'on a tendance à oublier.

J'ai cette conviction profonde, peut-être que je suis optimiste mais c'est ma nature, que les campagnes vont se repeupler. Les agriculteurs et les éleveurs, pour qui la vie est très dure, ils ne lâchent ni la terre ni les animaux, et je pense que dans les temps à venir il va y avoir un rééquilibre. Nos enfants le comprennent, on leur laisse une Terre bien abimée, et entre le dynamisme de cette jeunesse, la dématérialisation du travail, on va se rendre compte que plutôt d'avoir un deux-pièces en centre-ville on peut avoir une ferme dans le Morvan, le Gers, l'Ardèche, et se dire qu'on peut repeupler les villages sans tous travailler la terre.

Il y a plein de possibilités, plein de choses à imaginer. C'est peut-être une utopie, mais elle est plus réaliste que celle qui consiste à penser que tout va continuer normalement.

Les vétos

Le parcours d'Alexandra, jouée par Noémie Schmidt, est-il déjà un exemple de ce retour à la terre ?

C'est une autre des forces du film. C'est une jeune femme qui a des choses à régler, elle va trouver du sens à ce qu'elle fait, et c'est le cas de beaucoup de jeunes qui sont dans cette recherche. Elle est très douée, elle se projette dans un laboratoire, à travers le monde. Elle fait de la recherche, donc elle n'est pas en contact avec les gens, et là elle va reprendre contact avec la terre, avec le fait de soigner, de tuer aussi, d'avoir des responsabilités concrètes. C'est une expérience de vie, et cette notion-là est très actuelle.

Au-delà du personnage de Noémie, tout le casting était très chouette, avec Julie on partage cette idée qu'il n'y a pas de "second" rôle, de rôle de complément... Les personnages sont incarnés, donc ce sont des gens. Et puis dans Les Vétos, ce sont tous de très bons acteurs et de très bonnes actrices, et ça donne beaucoup de force au film.

C'est un rôle inédit pour vous, parmi une gamme très large de personnages déjà joués, vous vous définiriez comment ?

Je ne sais pas, j'ai un peu du mal à me rendre compte, je n'ai pas énormément de recul. Si je pense à mon dernier rôle dans Les Chatouilles, c'est un homme plutôt faible, mais sincère et touchant dans sa fragilité... J'ai fait des ordures absolues, j'ai même fait des dessins, parce que quand tu joues Astérix tu joues un dessin ! Donc ce sont des trajectoires et des idées très différentes pour chaque personnage, et je ne mesure pas.

Mais il est certain que j'ai beaucoup aimé ce Nico, comme j'ai aimé tous les personnages que j'ai faits, parce qu'ils n'existent pas, ce sont des êtres de fiction. Entre "action" et "coupez", on les incarne et on y croit, c'est une expérience intime, comme quand on est gamins : "je suis ça", et tu n'as aucun doute.

Vous avez évoqué un grand cinéma populaire, est-ce votre cinéma de coeur ?

J'aime beaucoup le film de genre, mais par définition c'est clivant. Généralement, le genre attire des spécialistes, des gens férus et pointus sur le genre en question. Dans le cinéma populaire, ce qui est le cas pour moi du film Les Vétos, il y a beaucoup de dignité. Le cinéma populaire qui a une idée, du fond, et qui nous rassemble, je trouve ça extrêmement vertueux. C'est un endroit où plusieurs générations partagent la même chose, échangent, vivent quelque chose ensemble.

Il y a un grand cinéma populaire qui rassemble les gens, et je trouve que Les Vétos fait partie de cette grammaire. Il y a plusieurs thématiques, et j'aime qu'un film puisse parler de beaucoup de choses, pour que les gens échangent. Un dira "moi je pense que c'est un film sur la désertification", et un autre "c'est plutôt un film sur la jeunesse et comment cette fille va trouver du sens", encore un autre "c'est un film sur la famille et les difficultés de ne pas être chez soi". Il y a mille thématiques dans Les Vétos, et elles sont posées de manière très élégante.