Fahrenheit 451 : rencontre avec Michael Shannon, Sofia Boutella et Ramin Bahrini

Fahrenheit 451 : rencontre avec Michael Shannon, Sofia Boutella et Ramin Bahrini

L'équipe de "Fahrenheit 451" était à Cannes pour présenter l'adaptation de Ray Bradbury par HBO. Michael Shannon, Sofia Boutella et Ramin Bahrini répondent à nos questions.

Avec Fahrenheit 451, HBO et le réalisateur Ramin Bahrini livrent une nouvelle adaptation de l'oeuvre éponyme de Ray Bradbury. Avant eux, c'est notamment François Truffaut qui en offrait en 1966 une vision personnelle. Très différent, du roman comme du film qui le précède, Fahrenheit 451 version 2018 se déroule cette fois-ci à Cleveland dans un monde dystopique. Là, les pompiers sont chargés de brûler tous les livres, désormais interdits par la loi. Guy Montag, interprété par Michael B. Jordan, va commencer à douter de sa profession et être de plus en plus attiré par cet interdit. Il sera alors tiraillé entre son supérieur Beatty (Michael Shannon) et la jeune rebelle Clarisse (Sofia Boutella).

Profitant de la présentation du film hors compétition à Cannes, nous avons pu rencontrer une grosse partie de l'équipe. Michael Shannon, Sofia Boutella et Ramin Bahrini on ainsi participé à une table ronde pour discuter, autant de questions actuelles sur le monde, en rapport avec les thématiques de Bradbury, que d'éléments plus personnels, du rapport qu'ils ont aux réseaux sociaux et du travail d'acteur.

Sur leur rapport aux livres et le fait de devoir les brûler

Michael Shannon : Je viens d’un milieu assez cultivé. Mon grand-père était un homme brillant, il étudiait les livres, et mon père était professeur. Pour autant, le fait de les voir brûler les livres ne m’a pas vraiment touché. Ce n’était pas comme si on brûlait les dernières copies des livres. Par contre les scènes d’incendies étaient longues et fatigantes. Je faisais juste attention à ne pas être déshydraté.

Ramin Bahrani : Pour moi c’était très douloureux car ce sont de vrais livres qu’on a brûlé. Mais à un moment donné, ça devenait fascinant à regarder. On a fait plusieurs prises en plus. C’était surtout difficile de les choisir, mais j’ai opté pour certains de mes livres préférés dans des langues différentes.

Sur les personnages de Michael Shannon et de Sofia Boutella

M.S : Pour moi, c’est un personnage en plein conflit. Il essaie d’exister dans un système qui ne donne pas beaucoup de possibilités. C’est soit vous suivez le mouvement, soit vous devenez un rebelle. De plus, il a été élevé en tant que pompier et n’a toujours connu que ça. Mais étant quelqu’un de haut placé, il a été directement exposé à ce qu’il est supposé détruire. Il est donc fasciné par cet interdit. C’est cet élément que j’ai vraiment trouvé intriguant.

Sofia BoutellaClarisse est une survivante et elle agit en contradiction avec l’endroit d’où elle vient. Elle est complexe parce qu’elle s’inquiète pour les autres, et en même temps s’en fiche, car elle a un côté égoïste. Je n’avais pas beaucoup de scènes pour établir son caractère. Du coup, j’ai surtout cherché à comprendre le lien entre les trois personnages. Les trois sont très seuls et recherchent une connexion humaine. C’est important de comprendre autant les autres que son propre personnage, car on est en corrélation les uns avec les autres.

Sur l'influence des technologies sur le monde

M.S : Comme tout le monde j’espère qu’on pourra améliorer les choses, mais cela semble compliqué. Notamment avec les nouvelles technologies qui amènent à dénaturer la vérité. C’est quelque chose que Ramin a dû intégrer dans l’histoire.

R.B : Cela me semblait important avec cette adaptation d’inclure la question d’internet. Il y a cette scène où Montag demande si les pompiers ont toujours brûlé des livres. Et on lui répond que oui, en lui sortant une recherche internet. C’est ce qu’il se passe aujourd’hui. On veut des réponses en allant sur les réseaux sociaux par exemple, et on se retrouve avec des informations données grâce à un algorithme, des articles qu’on ne lit même pas, sauf le titre, et qu’on like et partage par principe. C’est inquiétant je trouve. Les gens devraient se remettre à lire. Aussi bien ce qu’ils approuvent que l’inverse. Il devrait y avoir des débats. Mais on est dans un système où on n’a plus d’opinion, on ne fait que liker et liker.

S.B : Le film résonne beaucoup avec notre époque. Ne serait-ce que la question des fausses informations. On n’est pas loin de la propagande, c’est inquiétant. Mais en même temps, je ne vois pas le film comme une critique des réseaux sociaux, mais plus un avertissement. Ce n’est pas quelque chose de mauvais en soi, mais il faut prêter attention à la manière dont on s’en sert.

Sur le choix d’être acteur

M.S : Quand j’ai commencé, c’était comme un hobby. Quelque chose d’amusant à faire après l’école. Je passais beaucoup de temps seul, donc le simple fait de participer, avec des gens, à la création d’une œuvre, de faire parti d’une communauté, a eu quelque chose de très revigorant. Et c’est ce que je retiens le plus, encore aujourd’hui. C’est aussi pour cela que je me focalise davantage sur les autres que sur moi. Je suis toujours très soucieux du réalisateur par exemple.

S.B : J’ai arrêté de danser il y a cinq ans parce que je voulais simplement jouer et qu’il n’y ait pas de confusion possible avec la danse. C’est une excellente opportunité de pouvoir faire autre chose que des cascades et de la danse, et de se focaliser sur le jeu. D’ailleurs, c’était génial avec Atomic Blonde de ne pas me retrouver impliquée dans toutes les cascades. Je laissais Charlize Theron s’occuper de cette partie. D’ailleurs, elle est géniale dedans. Danser était vraiment difficile. Et je m’en rends encore plus compte aujourd’hui, car quand on joue, on n’est pas seul. Dans la danse, c’est une succession de répétitions et il faut constamment faire attention à son corps. À côté, être sur un plateau est plutôt reposant.

Je retiens tout de même tout ce que la danse m’a apporté, notamment au niveau du rythme et du langage corporel. Ce sont des éléments auxquels je prête beaucoup attention depuis. J’apprends beaucoup de la personnalité des gens en observant leur manière de bouger. Pas uniquement en danse, ne serait-ce que quelqu’un qui marche.

Sur les nouveaux mouvements féministes comme MeToo

S.B : On veut toutes la même chose, mais je pense qu’il faut y aller étape par étape. On a vu beaucoup de changement en moins d’un an. Je ne sais pas combien de temps ça prendra, mais les choses vont évoluer je pense. Ca prend du temps pour une raison assez simple, c’est que c’est un monde dirigé par les hommes. Ce qui n’est pas normal, mais c’est le cas. Et justement lorsque j’étais danseuse, je trouvais les choses assez différentes. J’ai grandi dans un ballet avec une professeure extrêmement forte. J’ai vraiment évolué dans un monde composé de femmes fortes.

Sur l’œuvre d’origine et l’adaptation de François Truffaut

M.S : Moi je n’ai pas vu le film de Truffaut. Et en réalité Ray Bradbury n’a pas eu un impact particulier dans ma vie. Je n’ai lu Fahrenheit 451 qu’après avoir été approché par Ramin.

R.B : Adapter Fahrenheit m’a mis une grosse pression. J’adore le livre ! Je l’avais lu au lycée et il est resté ancré en moi depuis. Je ne savais pas trop comment faire au début, donc je me suis tourné vers ce qu’avait pu faire Bradberry justement. Déjà, il a approuvé la version de Truffaut, qui change beaucoup de choses. Ensuite, il a adapté lui-même son livre, avec une pièce et une comédie musicale dans lesquelles il change des éléments importants. Donc je me suis dit que je pouvais faire des modifications sans dénaturer son œuvre. Mais je devais toujours garder en vu ses thématiques. Par rapport à Truffaut, j'aime beaucoup son film et je le respecte énormément. Mais il était plus focalisé sur l’histoire d’amour, tandis que de mon côté, je voulais me diriger davantage vers la relation d’amitié brutale entre les hommes : Montag et Beatly.

Sur le risque d’adapter une telle œuvre

R.B : Il y a toujours un risque, autant qu’avec mes trois premiers films. Mais si je me suis lancé dans ce travail, c’est que je n’aime pas rester dans le même confort. J’aime développer de nouvelles choses, tout en essayant d’y mettre les thèmes qui me tiennent à cœur. Dans tous mes films vous pouvez retrouvez des gens de couleur, des questions de pouvoir et de corruption, comment on choisit de vivre et de se comporter… Pour cette raison, je ne voulais pas que le film semble être dans le futur, mais plutôt dans un monde parallèle. Je voulais qu’on sente que le film peut se dérouler en ce moment même, uniquement par de légers changements, dans les costumes et les décors. Pas énormément évidemment. Les voitures, ce sont les mêmes. Ca ne m’intéressait pas de faire des voitures volantes. Et c’est aussi pour cette raison que j’ai localisé le récit à Cleveland.

Fahrenheit 451 est disponible depuis le 20 mai 2018 sur HBO et OCS. Ci-dessous la bande-annonce.