Hôtel Transylvanie 3 : on a rencontré le réalisateur Genndy Tartakovsky

Hôtel Transylvanie 3 : on a rencontré le réalisateur Genndy Tartakovsky

À l'occasion du Festival International du film d'Annecy 2018, on a rencontré le réalisateur Genndy Tartakovsky venu présenter en avant-première le troisième volet de sa saga "Hôtel Transylvanie".

Il est un des talents les plus reconnus dans le monde de l'animation. Genndy Tartakovsky célèbre animateur et créateur sur des séries du network comme Les Super-Nanas, Le Laboratoire de Dexter ou encore Star Wars: Clone Wars est venu présenter en avant-première au Festival International du film d'animation d'Annecy, le troisième volet de sa saga Hôtel Transylvanie, Hôtel Transylvanie 3: Des vacances monstrueuses

Vous avez énormément travaillé sur des séries animées comme Le Laboratoire de Dexter par exemple. Travaillez-vous de manière différente sur les séries et sur les films? 

Totalement. Je pense que la principale différence c'est le temps de travail. Quand vous travaillez sur un film le temps est compté et vous n'avez qu'une chance. Le premier week-end de sortie pour un film est d'une importance capitale. Si les gens aiment, c'est gagné, si ils n'aiment pas vous serez remis en cause et tout votre travail sera critiqué. Pour les séries animées c'est vraiment différent. La télévision vous permet un temps plus long. On vous laisse, par exemple, six épisodes pour faire vos preuves. Les gens peuvent ne pas accrocher immédiatement, ils peuvent revenir plus tard et adorer au bout du 3, 4 voir 6 épisodes. La pression n'est donc vraiment pas la même. 

Une autre différence. Au cinéma, toutes les scènes sont importantes car elles sont connectées entre elles. Il y a potentiellement plus de gens qui viendront le voir et d'un point de vu commercial,  il y a plus d'argent mis en jeu. Mais le travail à la télévision est également difficile parce que le travail doit être fait plus rapidement. Je dois dessiner quelque chose et l'envoyer directement. Au cinéma on a plus de temps. Beaucoup de gens doivent regarder avant que ça puisse faire partie du montage final. 

Ici, c'est votre troisième Hôtel Transylvanie. On peut finalement dire qu'il y a quelques similitudes avec les séries, non ? 

C'est assez drôle parce que je n'ai jamais pensé que le film aurait une suite et au second j'ai dit que je ne voulais pas faire un troisième film. Ce qui est assez commun quand on fait un film qui a des suites c'est qu'on ne sait pas, lorsque l'on réalise le premier, si il fonctionnera ou pas. Parfois on pense avoir de bonnes idées, que notre film est bon et puis le public n'aime pas. Et l'inverse est possible. C'est assez mystérieux. Il n'y aucune garantie. 

Pour le premier on fait de notre mieux. Toute l'équipe a mis tout ce qu'elle pouvait dans ce film. C'était mon premier film, j'avais enfin trouvé ma voie, j'étais soutenu par de grands studios et je pouvais enfin, même si je l'avais déjà fait auparavant, me prouver à moi que j'en étais capable. Pour le deuxième on s'est dit "ok le premier a eu du succès, on peut faire revenir nos personnages et raconter une autre histoire". J'avais plus de libertés et j'ai voulu que le film soit d'autant plus grand d'un point de vu technique. Parce que j'aime l'animation et c'est, je pense, ce que je fais de mieux. 

Pour le troisième c'était encore différent. Au début je ne voulais pas le faire parce que je n'avais pas une idée convaincante. Et si vous demandez si je pense à un quatrième je ne répondrais sûrement pas parce que c'est trop dur d'y penser avant que le film soit officiellement sorti. 

Vous parliez de plaire à tout le monde. Comment, lorsque l'on fait un film d'animation comme celui-ci qui se destine à toute la famille, on fait en sorte que les enfants et les adultes puissent comprendre, rire et pleurer ensemble?

C'est assez étrange parce que je fais des films et des séries d'animation pour tout le monde mais je ne pense pas au fait que cela puisse parler aux enfants parce que je ne suis pas un enfant et que je ne sais absolument pas comment un enfant de 6 ou 10 ans pense. Parfois on veut à tous prix se mettre à la place des enfants. On se dit "tiens ils aiment les cow-boy, mettons des cow-boys" et là, les enfants n'aiment pas et n'accrochent pas au film. Donc je fais des films qui me font d'abord ressentir des choses. Si je ris et que mon équipe rit devant une scène je me dis que ça fonctionne et on espère tous, parce qu'on est jeunes dans notre esprit et dans notre cœur, que ça plaira aux enfants également. 

Je me souviens durant l'avant-première du premier Hôtel Transylvanie. Il y a une scène dans le film qui se déroule dans une piscine. Frankenstein monte sur le plongeoir, qui est une tentacule, il saute et se retrouve à plat dans l'eau. Il en perd tous ses membres. Dans la salle, j'ai vu un grand-père et son petit-fils rirent à gorge déployée ensemble. C'est ça la plus grande récompense: quand votre film parle à des personnes de 5 à 75 ans. 

Que ressentez-vous quand vous voyez tous ces gens rirent, de bon cœur, tous ensemble devant votre film qui, quelque mois plus tôt n'existait qu'à travers des idées? 

Je me sens bien (rires). C'est sincèrement le meilleur sentiment que vous pouvez ressentir quand vous faites ce métier. Surtout quand vous êtes animateurs, que vous faites une comédie et que les gens rient à vos blagues. Ici, au festival d'Annecy, le public est parfait parce qu'il est passionné par l'animation. Ils comprennent mieux que n'importe quel autre public. Quand j'ai vu des gens rirent à la scène du dîner romantique entre Dracula et Erika... je me dis qu'ils ont tout compris. On a travaillé sur cette scène pendant six semaines. On ressent vraiment les sentiments de Dracula, sa gêne et son excitation. Les gens ont ri parce que les gestes sont drôles mais aussi parce qu'ils comprennent Dracula et ils comprennent comment on a travaillé sur cette scène. 

Vous parliez de votre travail et de celui de votre équipe. Comment, lorsque vous avez une idée, vous transmettez à votre équipe ?

Je fonctionne en plusieurs étapes. Il y a d’abord le travail sur les storyboard. Quand j'ai une idée, je m’empresse de la dessiner, seule ou avec d'autres animateurs. Quand la production est un peu plus avancée, on commence à faire des essais. On regarde ce qu'on a dessiné et si ça fonctionne comme on l'espérait. C'est un excellent procédé parce que c'est à ce moment là que nos idées prennent vie et c'est à ce moment là que l'on prend conscience si ça fonctionne ou pas, en tant qu'images animées.

Je fonctionne beaucoup au feeling. C'est tout ce que j'ai une fois que mes idées sont mises à l'écran. Si je ris, si je pleure ou si je ressens vraiment des choses je sais que ça fonctionne parce que je suis quelqu'un de très instinctif et j'ai toujours fonctionné comme-ça. 

Dans ce film, Hôtel Transylvanie 3, on voit beaucoup de scènes drôles et colorées mais on y voit également un message assez fort sur la tolérance et l'acceptation des différences entre les humains et les monstres.Un message qui pourrait s'appliquer dans notre société entre des personnes différentes. Est-ce que l'on pense à tout ça à l'avance ? 

En réalité par vraiment parce qu'on ne veut pas prendre la parole à la place d’œuvres plus engagée. Notre film est une comédie qui veut divertir. C'est donc difficile de dire qu'on y a penser et ce serait un mensonge. Mais si le film contient des messages qui parlent aux gens, si ils ressentent ces messages comme moi parfois quand je regarde des films alors c'est qu'ils existent. Par contre, effectivement, on voulait parler de tolérance et d'acception. On voulait montrer que les humains, même ceux qui ont de la haine envers les monstres, pouvaient changer d'avis et les tolérer. Mais notre idée de départ c'était vraiment de raconter les vacances de Dracula et de sa famille sur un bateau de croisière. Ce que je veux dire c'est qu'on commence forcément par travailler sur les personnages et leurs histoires. Les sous-textes sont là et ne sont réels que plus tardivement. 

Quels sont les premiers films de monstres qui vous ont marqué ? 

J'étais assez effrayé par les films de monstres quand j'étais plus jeune. J'en ai donc regardé que très tardivement mais j'ai toujours été fasciné par la mythologie. Mais quand j'ai découvert certains films comme Frankenstein, La Momie ou tous ces films j'ai été très inspiré et beaucoup moins effrayé (rires). 

Vos projets pour la suite?

Je suis en train d'écrire un scénario avec une histoire originale pour mon prochain film qui sera produit par Sony. Probablement une série télévisée arrivera aussi. Parce que j'adore me sentir libre d'aller vers le média que je veux. J'aime bien faire un film et retourner sur des séries télévisées et vice versa. J'ai l'impression d'être plus créatif quand je travaille ainsi. 

 

Propos recueillis par Pauline Mallet au Festival International du film d'animation d'Annecy 2018

 

Ci-dessus la bande-annonce de Hôtel Transylvanie 3, en salle le 25 juillet 2018.