Melvil Poupaud (Les Jeunes amants) : "J'ai toujours rêvé de tourner avec Fanny Ardant"

Rencontre avec Carine Tardieu et Melvil Poupaud

Melvil Poupaud (Les Jeunes amants) : "J'ai toujours rêvé de tourner avec Fanny Ardant"

C'est une histoire d'amour comme on en voit rarement, une romance tendre dont la douceur compose avec l'amertume de la réalité, et qui fait le coeur battant du film "Les Jeunes amants". On a rencontré Carine Tardieu et Melvil Poupaud pour parler de cette histoire, de son origine, de ses beaux personnages et de son tournage.

Les Jeunes amants : l'amour, le vrai

Les Jeunes amants raconte l'histoire de Shauna et Pierre, une histoire d'amour entre un père de famille de 45 ans et une femme de 26 ans son aînée. Avec finesse et élégance, sa réalisatrice Carine Tardieu fait un film où la différence d'âge, tout en étant centrale dans la réalité de cette passion, n'est en réalité que prétexte à un récit plus profond sur l'amour et sur ce qu'il révèle des individus.

Un film qui a par ailleurs une origine particulière, où co-existent l'amour et la mort. On a eu la chance de rencontrer Carine Tardieu et Melvil Poupaud, émouvant dans le rôle de Pierre, pour leur poser quelques questions.

Rencontre

Carine Tardieu, vous avez co-écrit tous vos films, mais pour Les Jeunes amants il vous a fallu faire avec une genèse particulière.

Carine Tardieu : C'est une histoire qui est arrivée à la mère de Sólveig Anspach, qui à l'âge de 75 ans avait rencontré un homme beaucoup plus jeune, un médecin. Elle a vécu cette passion amoureuse et charnelle de manière très intense, ce qui avait bouleversé Sólveig. Sa mère l'avait littéralement convoquée pour lui dire : "j'ai rencontré un homme, et il a ton âge". Sólveig était très émue et heureuse pour sa mère, quand bien même à ce moment elle n'avait pas elle une vie sentimentale aussi épanouie.

Sólveig se savait mourante, ou en tout cas très malade, au moment de lancer ce projet de film avec la scénariste Agnès de Sacy. Elles ont écrit un premier jet, très rapide, c'était une course contre la montre. Elles n'ont pas pu arriver au bout mais Sólveig voulait, juste avant sa mort, avoir la promesse que le film se fasse malgré tout, et qu'une femme le réalise. Sólveig est décédée, et peu de temps après Agnès et son producteur m'ont proposé de réaliser Les Jeunes amants.

Comment avez-vous reçu cette proposition ?

C. T. : Après un premier mouvement de recul, j'ai fini par dire oui, à la condition d'en faire une histoire un peu plus lumineuse. Au début, l'histoire que j'avais lue était plus crépusculaire, je l'ai amenée je crois vers plus de lumière. Ce qui m'a touché, c'est vraiment cette idée que tant qu'on est vivants, on peut tout expérimenter, pas seulement que l'amour d'ailleurs. Il n'y a pas d'âge pour se découvrir, pour expérimenter de nouvelles choses.

Les Jeunes amants
Shauna (Fanny Ardant) - Les Jeunes amants ©Diaphana Distribution

Finalement, Shauna, je me suis imaginé que ce pouvait être comme sa première vraie histoire d'amour. Le peu qu'elle dit d'elle, on comprend qu'elle a eu un mari, mais que ce n'était pas non plus dingue, qu'elle s'est consacrée principalement à son travail, et tout d'un coup elle découvre ce que c'est d'être aimée, avec passion. Je trouve que cette histoire a une valeur universelle, puisque de toute façon, peu importe l'âge, tomber amoureux c'est fragilisant, quelque soit le passé et ce qu'on a vécu avant.

Melvil Poupaud, vous incarnez Pierre, qui tombe amoureux de Shauna. Comment avez-vous construit ce personnage sincère mais aussi énigmatique ?

Melvil Poupaud : On a construit Pierre avec Carine, avec l'idée que c'était à la fois un type qui assurait, qui était un homme solide, installé dans sa famille et son couple, bon père de famille, et puis aussi un bon médecin. Une figure rassurante en somme, mais on se rend compte petit à petit qu'il est plus fragile qu'il y paraît, avec une blessure sur laquelle il a mis un couvercle. Pour faire tenir ces apparences, il s'est mis de côté, a encaissé les coups en silence, et cette rencontre avec Shauna va révéler cette fragilité. Donc rassurant, viril, solide, mais aussi touchant et un côté enfantin qui se révèle.

Les Jeunes amants
Les Jeunes amants ©Diaphana Distribution

Quant à ma relation avec Fanny Ardant, elle m'a toujours beaucoup attiré, en tant que cinéphile et spectateur. Et comme acteur j'ai toujours rêvé de tourner avec elle. Quand j'étais plus jeune, je m'imaginais que je pourrais jouer son fils, mais ça ne s'est pas fait. Je me souviens, quand je faisais Laurence Anyways, Xavier Dolan me disait : "tu pourrais être un peu comme Fanny Ardant, être ce genre de femme".

C'est une actrice qui m' a toujours inspiré, et là c'était comme une bénédiction d'avoir ce rôle avec elle, toutes ces scènes, jouer l'amour et avoir cette proximité. Elle a une place à part et elle me semble être dans sa carrière et sa vie de femme très épanouie. Encore meilleure, plus charmante et plus étonnante qu'elle l'a jamais été. Je crois que Carine a réussi à capter un des plus beaux moments de sa carrière.

Avez-vous chacun un moment chéri sur ce tournage, une séquence en particulier dont vous gardez le souvenir ?

M. P. : Je retiendrais notre premier baiser avec Fanny, dans cette petite ruelle, avec sa fille qui nous surprend. On venait de passer deux mois ensemble, c'était un tournage qui a eu quelque chose de magique, tout le monde était très content d'y être. On sortait du confinement. Il y avait l'histoire de Solveig, la rencontre avec Fanny, le tournage a été gracieux. Le finir dans cette ruelle, s'embrasser, c'était la nuit donc on avait passé la soirée à discuter, on avait bu un verre de vin... C'était un beau moment de cinéma. Les grand projecteurs dans la rue, Paris, c'était magique.

C. T. : Il y en a plein, mais puisque Melvil a parlé de la fin du tournage, je vais parler de son début. Les premières choses qu'on a tournées c'était l'Irlande, et la première séquence était les retrouvailles entre Pierre et Shauna, dans la maison. Je voyais au combo et dans les rushs que tout fonctionnait déjà.

Il y a à chaque premier jour de tournage un peu de fébrilité, on fait connaissance, on se présente mais on a un peu peur. Mais j'ai le souvenir que là tout s'est enclenché de manière simple et douce, et finalement je trouve que le tournage de ces séquences est aussi de l'ordre d'un premier baiser. Cette première fois qui donne la sensation de ce que pourrait être la suite.