Portrait de l'actrice Daphné Patakia, du théâtre grec au cinéma français

Portrait de l'actrice Daphné Patakia, du théâtre grec au cinéma français

C'est une Daphné Patakia agréable et attentive, aux grands yeux envoûtants et au large sourire, que nous avons rencontrée à l'occasion de la sortie du film "Sur la branche". Portrait d'une jeune actrice qui, de "Benedetta" à "OVNI(s)", en passant par "Les Cinq Diables", a déjà marqué les esprits par sa présence.

Daphné Patakia : "Au début c'était dur"

Née en Belgique de parents Grecs, l'actrice Daphné Patakia a un parcours pour le moins atypique. Déjà, son enfance s'est avérée particulière. Bien que grandissant en Belgique, la Grèce était omniprésente dans son quotidien. Matins, midis et soirs, chaque jour de la semaine et même le week-end.

En effet, la comédienne allait à l’école grecque, entendait cette langue à la télévision comme à la maison, avait droit à des cours de danse traditionnelle le samedi, et participait le dimanche à des pièces de la compagnie de théâtre montée par ses parents avec des amis.

Résultat, aussitôt son BAC en poche, la jeune femme fait ses valises et s'envole pour Athènes dans le but d'y faire du théâtre. Devenir actrice étant un rêve et une évidence pour elle, ayant baigné là-dedans depuis toute petite.

Ma mère était fan de théâtre donc j’y allais beaucoup petite. C’était les moments joyeux de mon enfance. On faisait ça en famille et entre amis. Donc c’était évident pour moi de continuer de faire cela de manière professionnelle. Mes parents ont quand même insisté pour que j’aille à l’université. J'y suis restée un jour.

Daphné Patakia - Djam ©Les Films du Losange
Daphné Patakia - Djam ©Les Films du Losange

Reçue au Conservatoire d'Athènes, Daphné Patakia apprend le métier sur les planches avant de "basculer petit à petit vers le cinéma". C'est cet intérêt pour le cinéma, mais également la crise en Grèce, qui la motive à repartir dans l'autre sens et à pousser jusqu'en France, à Paris, en dépit à l'époque de ses difficultés en français - qu'on ne soupçonnerait plus aujourd'hui.

À 23 ans je suis arrivée à Paris. Je parlais un peu français mais niveau vocabulaire ou syntaxe c’était la catastrophe. Au début, c’était très dur. Je ne connaissais personne donc j’errais dans les rues. Je me disais que j’allais devoir retourner en Grèce pour faire des petits boulots. Mais finalement j’ai eu de la chance. J’ai eu des propositions et ça s’est enchaîné.

Apprendre de Virginie Efira

Une chance, qui vient d'abord de sa rencontre avec Tony Gatlif qui lui offre le premier rôle de Djam (2017) et une danse du ventre mémorable. Elle ne tarde pas ensuite à enchaîner avec la série de Canal+ Versailles (2018) où elle incarne Éléonore d'Autriche. Elle découvre alors rapidement une autre façon de travailler. Plus cadrée. Et tandis qu'en Grèce, en raison du manque de moyens, Daphné Patakia s'était habituée à œuvrer à différents postes, la voilà soudain sur des plateaux où les acteurs sont, selon elle, "trop chouchoutés".

Je me suis retrouvée à peindre des décors ou à déplacer des choses pour aller plus vite. Et là (en France, ndlr), d’un coup, je me suis sentie trop protégée. Avec un côté très hiérarchisé que je ne trouve pas forcément nécessaire.

Après plusieurs rôles, notamment dans le court-métrage Nimic (2019) de Yórgos Lánthimos, Daphné Patakia est dirigée par Paul Verhoeven dans Benedetta (2021). Apparaissant alors aux côtés de Virginie Efira, la comédienne en tire de précieux enseignements.

Avec Virginie Efira c’était intéressant de voir comment elle pouvait rire avant une scène, raconter une anecdote, et juste après, action, elle avait les larmes aux yeux. Pour moi, c’est plus compliqué. Pour pleurer, il faut que je me mette en situation. Ça m'a impressionné son rapport très ludique au métier.

La même année que Benedetta, Daphné Patakia participe à une autre série de Canal+ avec OVNI(s). Son rôle de Véra Clouseau, standardiste étonnante et originale, lui va à ravir. La comédienne nous paraissant naturellement très expressive et pleine de vie. Un rôle aux antipodes de celui de Nadine dans Les Cinq Diables (2021), mais qui pourrait se rapprocher de celui de Mimi dans Sur la branche (2023).

Sur la branche : ce brin de folie qui lui va bien

Ainsi, Daphné Patakia passe d'un genre à l'autre et montre sa capacité à alterner entre personnages sombres et héroïnes lumineuses. Dans Sur la branche, Mimi est de cette seconde catégorie. Une femme bipolaire qui, après sa sortie d'hôpital, fait la rencontre d'un avocat désabusé et en galères. C'est son brin de folie qui la pousse alors à traîner l'homme grincheux pour qu'il défende un petit arnaqueur qui clame son innocence.

Bien qu'elle trouve en Mimi des connexions avec le principe même du métier d'actrice, Daphné Patakia se considère très différente d'elle, "ennuyeuse" même comparé aux personnages qu'elle interprète habituellement.

J’ai l’impression d’être plutôt ennuyeuse et que ma vie n’est pas très intéressante. C’est à travers les films que je peux explorer des choses que je n’ose pas faire en vrai. Je pense aussi que je ne suis pas assez courageuse pour tenter des trucs fous. Donc je le fais par procuration à travers mes personnages.

Face-à-face avec Benoît Poelvoorde

Des personnages haut en couleur qui ont tous des différences et des particularités. Si Daphné Patakia cherche cette originalité dans ses rôles, elle insiste sur le fait que son envie pour un film vient généralement surtout du réalisateur et du scénario. Avec Sur la branche, c'est "l'écriture très pointue, l'humour du film et le mélange des genres" imaginés par la réalisatrice Marie Garel-Weiss qui l'ont convaincue.

Il y a à la fois un aspect comédie romantique et film d’enquête. J’aimais bien également le côté obsessionnel de Mimi qui me touche beaucoup. Le fait qu’elle aille au bout de ses obsessions, qu’elle se prenne pour une super-héroïne. Le fait qu’elle n’a pas de filtre aussi, ce qui la rend déroutante.

Daphné Patakia et Benoît Poelvoorde - Sur la branche ©Pyramide Distribution
Daphné Patakia et Benoît Poelvoorde - Sur la branche ©Pyramide Distribution

Avec ce rôle, Daphné Patakia a également pu cette fois observer Benoît Poelvoorde dans ses œuvres, et dont les improvisations se sont avérées un défi pour elle.

Comme le français n’est pas ma langue maternelle, improviser peut être risqué pour moi. Mais avec Benoît Poelvoorde c’est intéressant. Comme il improvise beaucoup, on n’est jamais sur ses marques, on est déstabilisé. Il est très imprévisible et ça oblige à être présent, à avoir ses sens aiguisés.

Sur la branche est à découvrir en salles le 26 juillet. À peine quelques semaines après Tout le monde m'appelle Mike (5 juillet) dont Daphné Patakia tient un des premiers rôles. La suite s'annonce également riche pour la comédienne puisqu'elle a déjà terminé un important tournage, et a enchaîné avec un autre pendant que nous écrivions ces lignes. Tant mieux. À peine l'a-t-on quittée qu'il tarde de la revoir à l'écran.