Qui est Anamaria Vartolomei, révélation de "L'Événement" ?

L'avenir lui appartient

Qui est Anamaria Vartolomei, révélation de "L'Événement" ?

"L'Événement", deuxième long-métrage d'Audrey Diwan et Lion d'or à la 78e Mostra de Venise, met en scène le récit d'un avortement clandestin dans les années 60. Un récit sublimé par la jeune actrice Anamaria Vartolomei, que nous avons eu la chance de rencontrer à l'occasion de la sortie du film.

L'Événement, un film et une actrice d'exception

Un film a-t-il déjà mieux porté son titre ? Le deuxième long-métrage d'Audrey Diwan, après Mais vous êtes fous, adapté du récit autobiographique d'Annie Ernaux, se nomme L'Événement, et il est - sans jeu de mots - un grand événement cinématographique. De la finesse de l'écriture à sa mise en scène magistrale, la réalisatrice livre une oeuvre très forte sur l'avortement dans les années 60, sur le corps féminin aussi, sur la solitude et le désir politique d'indépendance.

Pour incarner son histoire, c'est la jeune actrice Anamaria Vartolomei qui prête ses traits à Anne, personnage principal du film. Née le 9 avril 1991 à Bacău en Roumanie, L'Événement est le dixième film de l'actrice franco-roumaine, dix ans après My Little Princess d'Eva Ionesco. Après être apparue chez Frédéric Beigbeder, Martin Provost ou encore Marc Dugain, elle s'impose brutalement mais avec une infinie grâce comme une très grande actrice dans le film d'Audrey Diwan, un corps et une personnalité pour lesquels on invente du cinéma.

Une jeunesse de cinéma

Si rien n'était prémédité, son destin a quelque chose de tout tracé. En effet, sa rencontre avec le cinéma en tant que spectatrice n'était pas innocente. Le premier souvenir d'un cinéma "sérieux" d'Anamaria est en effet un film de Stanley Kubrick, qu'elle a regardé pour préparer son tout premier rôle.

J'étais très jeune, je venais d'avoir dix ans, et c'était pour préparer "My Little Princess" d'Eva Ionesco. Elle m'a demandé de regarder "Lolita" de Stanley Kubrick, et je pense que c'est le film qui m'a alors le plus marqué. Moi je regardais "Shrek", des dessins animés, peut-être des comédies mais pas des films aussi sérieux.

My Little Princess
My Little Princess ©Sophie Dulac Distribution

De spectatrice à actrice, elle enchaîne donc sur son rôle dans My Little Princess, une première expérience de tournage dont elle retient la bienveillance et la délicatesse mise en oeuvre.

Vu l'âpreté et la violence du sujet, ça a été un tournage très heureux et ça m'a donné envie de continuer. Enfin, je me suis dit que j'avais envie de recommencer. Et c'est quelques années plus tard, vers les 14-15 ans, que je me suis vraiment dit que je voulais faire ce métier, que ce serait ça et rien d'autre. Je garde de ce film un très bon souvenir. Et je pense que mon âge m'a protégée, dans le sens où si ça m'avait été proposé vers 17-18 ans, j'aurais peut-être eu un autre regard, j'aurais sûrement plus conscientisé l'hyper-sexualisation, la violence du sujet, ce rapport mère-fille malsain, alors qu'enfant je voyais ça comme un jeu, je continuais à suivre l'école et je jouais à la Nintendo entre les prises, donc c'était très équilibré.

Une filmographie qui s'accélère

Après cette première expérience, on la retrouve dans Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf, trois ans après. Puis en 2016, le rythme s'accélère, avec trois films dans la même année : Ma Révolution, L'Idéal et Éternité. Si Anamaria ne veut pas retenir une seule expérience parce qu'elle considère hautement toutes les autres, elle garde tout de même une affection particulière pour L'Idéal. Pas pour son rôle, relativement limité dans son exploration de jeu, mais parce qu'elle y a fait une rencontre décisive, le directeur de la photographie Gilles Porte.

Un lien assez fort s'est créé, et on s'est retrouvés ensuite sur L'Échange des princesses de Marc Dugain. Il est devenu en quelque sorte, depuis, mon mentor. Il a un regard tellement juste et tellement rare, j'aime beaucoup me fier à ses conseils, ses avis. Gilles m'envoie parfois des petits messages qui me boostent et me donnent confiance. À chaque fois que je le vois, j'aime échanger et parler de cinéma avec lui. Il compte beaucoup pour moi, en tant que jeune femme et jeune actrice.

Sa rencontre avec Audrey Diwan pour L'Événement

On en vient logiquement à l'autre grande rencontre de sa jeune carrière, la plus importante peut-être, celle qui lui offre le formidable rôle d'Anne dans L'Événement. Une performance majeure, qui prend source dans une première rencontre avec Audrey Diwan lors du casting. Une rencontre où elle raconte avoir perçu tout de suite l'exigence de la réalisatrice, en travaillant trois scènes-clés du film. D'abord celle où elle découvre les changements de son corps dans un miroir, puis une scène de drague et enfin celle où un médecin lui annonce qu'elle est enceinte. Un peu plus tard, elles se revoient, au moment où sort Mais vous êtes fous.

J'ai été très surprise, et rassurée en voyant son premier film, parce qu'elle filme tellement bien ses acteurs. Elle est sans fioritures, dans l'épure, très précise et très concise. J'aime beaucoup son travail, et j'avais hâte de commencer L'Événement. Puis il y a eu le confinement, et ce temps imposé a été fédérateur, on s'est appelées quasi quotidiennement pour échanger des références de films, de livres, des références très différentes mais essentielles. Le Fils de Saul pour la mise en scène, Elephant pour le côté immersif, et surtout Rosetta. Rosetta nous est resté, pour son côté "petit soldat", la détermination du guerrier qui perd ses alliés, tombe, mais se relève toujours.

L'Événement
L'Événement ©Wild Bunch Distribution

Une préparation étendue et une part de surprise

Anamaria Vartolomei raconte ce long processus, les répétitions en présentiel après le confinement, l'ancrage dans les années 60, le phrasé de l'époque, trouver la musicalité du film et sa relation avec les autres actrices du film. Une préparation étendue qui, selon elle, a fait qu'une fois arrivé le tournage, plus de la moitié du travail était faite. Mais cette préparation avait fait l'impasse sur certaines séquences, pour que subsiste un élément de surprise, à même de faire naître la spontanéité et l'authenticité de son rôle.

C'est aussi ce qui est beau dans le cinéma, arriver sur le plateau et se laisser surprendre, être disponible au bon moment et voir ce qui arrive.

Parmi ces séquences qu'il ne fallait pas mécaniser en les préparant trop à l'avance, il y a les scènes de douleurs, ainsi que la fabrication d'une scène particulière qu'Anamaria Vartolomei nous raconte ci-dessous en vidéo :

L'Événement d'Audrey Diwan est actuellement au cinéma.