Rémi Bezançon (Un coup de maître) : "Le pognon, ce n'est pas un moteur"

Rémi Bezançon (Un coup de maître) : "Le pognon, ce n'est pas un moteur"

Dans "Un coup de maître", Vincent Macaigne sous la direction de Rémi Bezançon incarne un galeriste aux prises avec son meilleur ami Renzo, peintre en pleine crise existentielle. On les a rencontrés pour parler d'éthique artistique, art contemporain et "buddy movies".

Amitié et peinture dans Un coup de maître

Pour sa septième réalisation, Un coup de maître, Rémi Bezançon a constitué un duo hilarant et émouvant, composé de Bouli Lanners et Vincent Macaigne. Le premier incarne Renzo, artiste peintre autrefois célèbre et aujourd'hui en pleine chute libre. Le second est Arthur, son galeriste et meilleur ami. Dos au mur, endettés, ils vont alors se lancer dans une machination risquée...

Un coup de maître
Un coup de maître ©Zinc.

Drôle, touchante, l'histoire d'Un coup de maître offre un regard amusé mais aussi critique sur le marché de l'art contemporain, tout en développant une belle histoire d'amitié grâce à un duo qui s'en donne à coeur joie dans ce buddy movie franco-belge. On a rencontré Rémi Bezançon et Vincent Macaigne pour en découvrir les coulisses.

Rencontre

Comédie dramatique, plongée dans le monde de l'art, duo de clowns mélancoliques... Comment est né Un coup de maître ?

Rémi Bezançon : J’avais envie de parler de cinéma, mais à travers la peinture. Et récemment, entre Armageddon Time, Les Huit montagnes, The Fabelmans, Babylon, des réalisateurs ont voulu raconter leur passion du cinéma. Et sans avoir forcément connaissance de ces films, j’ai voulu en parler aussi, d'une manière détournée, sans montrer le cinéma.

Vincent Macaigne : C’est comme le film d’Almodovar, Douleur et gloire. Un coup de maître parle d’un artiste en crise, et de son galeriste, producteur, ami, c’est une relation assez universelle. Ça pourrait être aussi un directeur d’hôpital et un chirurgien, un gérant de restaurant et son cuisinier.

Un coup de maître
Un coup de maître ©Zinc.

Rémi Bezançon : C’est aussi l’histoire d’un homme qui sauve un autre homme, et en le sauvant il se sauve lui-même.

Vincent Macaigne : Sans oublier quelque chose de l’ordre de l’amusement. S’amuser de l’art contemporain. Qu’est-ce que le marché de l’art, interroger son absurdité.

Rémi Bezançon : Quand on voit ce que font des mecs comme Jeff Koons, Damian Hirst, ce sont de petites industries. Aujourd’hui, on spécule énormément sur ça, dans un milieu très fermé. Le monde de l’art a pris une direction très compliquée.

La relation entre Arthur et Renzo illustre en partie l'opposition entre une éthique de l'art et sa commercialisation. Dans quelle mesure, en tant qu'artistes, vivez-vous cette ambivalence ?

Rémi Bezançon : Je dirais que Vincent - tu permets je parle de toi pour parler de moi (rires) -, Vincent est quelqu’un qui est dans son travail, qui a une éthique. Il ne va pas accepter de jouer dans des films simplement parce qu’il y a un gros chèque. Je pense qu’on est pareils.

Quand j’ai commencé à faire du cinéma, on m’a proposé des pubs, pour des voitures par exemple. J’ai dit non, je n’avais pas envie. On se retrouve sur le fait que le pognon, ce n’est pas un moteur. Quand je vois ce que Vincent fait au théâtre, il y a une intégrité, c’est une histoire de tripes.

Vincent Macaigne : Mais des "Arthur", j'en ai rencontré et il y en a qui se battent, et certains pour mes spectacles en l’occurence. Aussi, en tant que réalisateur, ça peut m’arriver d’être un "Arthur" pour mes acteurs et à l’inverse je peux être un "Renzo" en tant qu'acteur. C’est mouvant.

Arthur Forestier (Vincent Macaigne) - Un coup de maître
Arthur Forestier (Vincent Macaigne) - Un coup de maître ©Zinc.

Rémi Bezançon : Arthur et Renzo, c’est un peu ma productrice et moi. On se connaît très bien, il nous est arrivé de nous parler mal, de se raccrocher au nez. C’est intègre, au sens où il n’y a pas de courbettes. Avec Bouli, ce que j’ignorais d’abord, c’est qu’il a fait les Beaux-arts de Liège et voulait être peintre. Il venait juste de se remettre à la peinture quand je lui ai proposé le film. Je pense qu’il a aussi des principes forts, il est très intègre. C'est quelqu’un d’engagé, hyper-écolo, je vois pas mal de points communs avec Renzo.

Un coup de maître est une comédie dramatique au sens fort, où se mêlent l'humour et la mélancolie. L'un ne va pas sans l'autre ?

Rémi Bezançon : J’adore faire rire les gens, mais je ne saurais pas faire une pure comédie. La tragédie-comédie m’intéresse plus, avec un ton où l’on peut rigoler de la mort, du suicide, avec des choses qui ne sont pas gaies. C’est l’humour que j’aime, et cet humour on le rapproche de l’émotion. C’est parcourir tout cela qui m’intéresse au cinéma. Toledano et Nakache le font très bien.

Votre film est animé par un formidable duo de personnages et de comédiens, dans la tradition du buddy movie. Quels sont vos favoris du genre ?

Rémi Bezançon : Je pense à 48 heures… Les films avec Eddie Murphy sont souvent des bons buddy movies.

Vincent Macaigne :Un fauteuil pour deux !

Rémi Bezançon : C’est  un film fabuleux.

Vincent Macaigne : Il faudrait faire un remake. Je trouve que Jean-Pascal Zadi a un truc d’Eddie Murphy. Il a une forme de bonhommie comparable.

Rémi Bezançon : J’adore aussi les films de Francis Veber, qui ne sont quasiment que des buddy movies. L’Emmerdeur, La Chèvre, Les Compères

Vincent Macaigne : Les personnages d'Un coup de maître sont néanmoins plus proches de ceux de Toledano et Nakache que de ceux de Veber. Renzo n’est pas Jacques Brel non plus ! (rires)