Shaun le mouton - La ferme contre-attaque : Rencontre avec les réalisateurs Richard Phelan et Will Becher

Shaun le mouton - La ferme contre-attaque : Rencontre avec les réalisateurs Richard Phelan et Will Becher

Après une virée en ville mémorable, Shaun le mouton s’offre une envolée dans l’espace avec "Shaun le mouton le film : La ferme contre-attaque", au cinéma le mercredi 16 octobre. À l’occasion de la sortie de cette suite menée tambour battant, nous avons eu la chance de rencontrer les réalisateurs Richard Phelan et Will Becher, deux spécialistes de l’animation made in Aardman, qui signent ici leur premier long-métrage.

Quatre ans après sa première aventure au cinéma, Shaun le mouton est de retour dans un deuxième volet intitulé La ferme contre-attaque. Aux commandes de cette nouvelle production Aardman, Richard Phelan et Will Becher succèdent à Mark Burton et Richard Starzak. S’il s’agit de leur premier long-métrage, les réalisateurs travaillent depuis de nombreuses années au sein du studio britannique basé à Bristol.

Connaissant donc parfaitement Shaun, Bitzer et le reste de la bande, Richard Phelan, Will Becher et leur équipe ont eu la brillante idée de les confronter à une jeune extraterrestre de passage dans leur ferme pour continuer de les faire vivre à l’écran. Prénommée LU-LA, cette adorable créature apporte un vent de nouveauté dans l’univers de Shaun le mouton et permet à Aardman d’explorer un endroit vaste qui ne cesse d’alimenter notre imaginaire : l’espace. De la création de ce personnage attachant au défi de réaliser un film d’animation sans dialogue à l’heure actuelle, les réalisateurs sont revenus avec nous sur la genèse de Shaun le mouton le film : La ferme contre-attaque, ainsi que sur leur envie de faire un film de science-fiction.

Shaun le mouton le film : La ferme contre-attaque est la première suite des studios Aardman. Comment est née l’idée de ce film et pourquoi avoir voulu poursuivre les aventures de Shaun en particulier ?

Richard Phelan : Quand nous avons terminé le premier film, nous avons eu une réunion sur ce que nous pouvions faire d’autre, étant donné que Shaun a déjà eu énormément d’aventures parce qu’il était dans Wallace & Gromit : Rasé de près, et il avait aussi une série télévisée extrêmement populaire. Nous avions le sentiment qu’il avait un énorme potentiel pour d’autres histoires. Nous nous sommes donc demandé ce que l’on pouvait faire d’autre avec lui. Dans le premier film, il quittait la ferme pour une aventure en ville.

Donc, cette fois-ci, on s’est dit qu’il fallait ramener quelqu’un dans la ferme, et lors d’une des nombreuses discussions, quelqu’un a suggéré un alien. Nous sommes tous de gros fans de science-fiction et les fermes isolées font partie du folklore autour des ovnis. On s’est donc dit qu’on pouvait totalement intégrer un alien dans Shaun le mouton. Nick Park était dans la pièce et a dit : « Vous pourriez l’appeler Farmageddon  ». On l’a immédiatement écrit en se disant que c’était un titre drôle, et ensuite on s’est dit : « Construisons ce grand récit de science-fiction ».

Cela fait de nombreuses années que vous travaillez tous les deux pour Aardman. Comment vous êtes-vous retrouvés à la réalisation du film ?

Will Becher : On a tous les deux travaillé sur le premier film, Richard à l’écriture et moi à l’animation. Et avant ça, on a tous les deux travaillé sur la série. Je pense que c’est aussi parce que nous avons tous les deux fait des études dans la réalisation. Les films que nous avons réalisés à cette période nous ont permis d’entrer chez Aardman. Le studio sait depuis longtemps que c’est ce que nous voulons faire. L’évolution s’est faite naturellement, notamment parce que nous connaissions très bien cet univers. Nous avons prouvé, à travers plusieurs projets, que nous avions l’envie de raconter des histoires à la manière d’Aardman. J’ai réalisé des épisodes de la série, juste avant de travailler sur Cro Man, et j’ai beaucoup travaillé avec Nick . Il a vraiment été une sorte de guide pour moi, comme un mentor.

Richard Phelan : J’étais concepteur de story-board sur la série, et aussi scénariste, et puis j’ai été en charge de superviser l’histoire de Shaun le mouton : Les Lamas du Fermier , donc je pense qu’il s’agit d’une progression naturelle. J’ai toujours fait part de mon envie de devenir réalisateur, et j’ai eu de plus en plus de responsabilités au fil du temps. Puis, ce film est arrivé.

Shaun le mouton est à l’origine le héros d’une série télévisée dotée d’épisodes très courts. Comment réussir à faire passer le personnage et son univers dans un format étiré ?

Will Becher : Eh bien, Mark Burton et Richard Starzak ont passé énormément de temps à développer le premier film. À l’époque où The Artist est sorti, le film leur a en quelque sorte donné la confiance nécessaire pour faire un long-métrage avec Shaun, qui a remporté un franc succès dans le monde entier. Le public n’a eu aucun souci avec l’absence de dialogues, et s’est attaché aux personnages et à l’histoire. Donc nous savions depuis le premier film qu’il serait possible de faire ce film.

Nous voulions développer un nouvel aspect de cet univers. La ferme contre-attaque parle de la relation entre deux amis qui se rencontrent pour la première fois. Et LU-LA est comme une version extrême de Shaun, alors elle lui plaît vraiment. Et puis, en plus de cela, on a continué de développer la rivalité entre Shaun et Bitzer, qui sont comme deux frères. Shaun doit aussi apprendre à être responsable. C’était l’essence du film et nous avions le sentiment que l’aborder à travers une thématique de science-fiction nous permettrait de sortir Shaun du monde dans lequel nous l’avions déjà vu, de l’éloigner de la ferme. Nous avions confiance en ce genre si riche et en l’essence du film, ainsi que son cœur émotionnel universel. Nous avons senti que ça allait marcher.

"Shaun le mouton le film : La ferme contre-attaque" : Interview des réalisateurs Richard Phelan et Will Becher.

Au vu des grosses productions récentes, qui débordent de CGI pour bon nombre d’entre elles et qui sont souvent de plus en plus longues, La ferme contre-attaque apparaît comme une bouffée d’air frais avec son récit ramassé, l’animation en stop-motion et l’absence de dialogues. Réaliser un tel film vous paraît-il risqué à l’heure actuelle ?

Richard Phelan : Non je pense que le risque était sur le premier film réalisé par Mark et Richard. Le challenge que nous avons réalisé à l'époque était : pouvons-nous raconter une histoire sans dialogues ? Trouverons-nous un public ? Ça été le cas, et le film a très bien marché et a été nommé aux Oscars. Alors on s’est dit que l’on pouvait développer cet univers, ces personnages et raconter de nouvelles histoires. On a donc développé une nouvelle histoire pendant trois ans, avant de filmer la moindre image. Nous avons ensuite fait des projections test, pour nous assurer que le public serait au rendez-vous. Et c’était le cas. Ah ce moment-là, on s’est dit « ok, ça peut marcher ».

Will Becher : Le fait que l’animation soit en stop-motion ne nous a pas du tout inquiété, parce que le studio évolue. À chaque nouveau film, nous sommes plus ambitieux. En fait, c’était vraiment excitant de traiter de la science-fiction en stop-motion. C’est quelque chose que le studio n’avait jamais fait auparavant.

Comment avez-vous développé le graphisme de LU-LA, l’extraterrestre extrêmement attachante, qui ne ressemble pas aux aliens que l’on a déjà pu voir au cinéma ?

Richard Phelan : À l’origine, le brief pour ce personnage était de prendre les attributs de la personnalité de Shaun et de les amplifier. LU-LA est encore plus curieuse, et encore plus chaotique. Elle représente tout ce qui pourrait l’attirer.

Nous avons ensuite laissé la liberté à nos concepteurs graphiques d’essayer ce qu’ils voulaient. Et un des membres de l’équipe a dessiné un ovni classique des années 50, agrémenté d’une fusée. Et ça donnait une très belle silhouette. Elle se tenait parfaitement à côté de Shaun et nous nous sommes dit « c’est bon ». Et on a continué de développer le design, encore et encore. Notre artiste couleur, Aurélien a ensuite exploré différents tons pour voir à quel point elle pourrait être éclatante, car Shaun devait la voir et se dire instantanément : « Je veux passer du temps avec elle ».

"Shaun le mouton le film : La ferme contre-attaque" : Interview des réalisateurs Richard Phelan et Will Becher.

Le film est parsemé de références savoureuses aux classiques de la science-fiction, comme E.T. ou 2001, L’odyssée de l’espace. Était-ce un moyen pour vous de rendre hommage à certains de vos cinéastes favoris tout en initiant le public plus jeune à ce genre ?

Richard Phelan : Complètement, nous avons grandi à la même époque et les films de Steven Spielberg et Robert Zemeckis ont eu une énorme influence sur nous. Ce que nous avons essayé de faire, c’était de capturer les sensations que nous ont procuré ces films pour les retranscrire au public. L’objectif était de dire : « C’est comme ça que nous avons vécu ces films enfants et nous voulons le partager avec vous ». En tant que réalisateurs, nous voulions également partager notre amour pour le travail de Stanley Kubrick. C’est un cinéaste tellement important.

Will Becher : Je pense aussi que les films de science-fiction sont tellement spectaculaires au cinéma. C’est très bon de pouvoir faire un film que les enfants vont pouvoir regarder et qui leur donnera une part de la magie que nous avions ressentie en voyant ces films.

Pensez-vous que LU-LA pourrait elle aussi avoir droit à son propre film, étant donné que son univers n’est que partiellement révélé dans La ferme contre-attaque ?

Richard Phelan : Je ne serais pas surpris si l’on revoit LU-LA dans d’autres films.

Will Becher : Peut-être, si le public s’attache à elle. Jusqu’à présent, nous avons eu de très bons retours à son égard. Elle est adorable, elle est comme Shaun. C’est le genre de personnage que l’on aimerait être parce qu’elle peut faire ce qu’elle veut sans aucune responsabilité. Elle est innocente et cherche simplement à s’amuser.

Après les pirates, la préhistoire et maintenant l’espace, quels sont les autres univers sur lesquels vous aimeriez travailler avec Aardman ?

Richard Phelan : Oh… Je ne sais pas, je pense que l’on se concentre avant tout sur les personnages. Je pense que nous aimons tous les genres et toutes les périodes de l’histoire, tout cela nous fascine et je ne saurais pas définir exactement où j’aimerais aller. Je veux aller partout ! En ce moment, au studio, nous développons Chicken Run 2, qui aura une saveur très particulière. Le premier ressemblait beaucoup à un film sur la Seconde Guerre mondiale, et celui-ci sera différent.

Will Becher : Je veux juste me reposer. Et puis, peut-être, dans un mois, me dire « ok, il est temps de s’y remettre ».

De son écriture à la post-production, en combien de temps a été fait La ferme contre-attaque ?

Richard Phelan : Un peu plus de trois ans, à peu près. Nous avons passé deux ans sur la pré-production, le récit et l’écriture, puis nous avons storyboardé le film, encore, encore et encore, pour être certains qu’il fonctionne. Après, le tournage prend environ un an.

Will Becher : C’est à peu près la même chose pour la plupart des films Aardman. Ici, étant donné qu’il n’y a pas de dialogues, c’est légèrement différent. Nous tournons un peu plus vite mais étant donné que le film était plus ambitieux techniquement, ça a finalement été un peu plus long. Le travail de recherche a été plus long pour ce film que pour les précédents, car nous avons utilisé des techniques de pointe et l’univers que nous avons construit est plus vaste.

Pourquoi Aardman n’avait jamais fait de suites pour le cinéma auparavant ?

Will Becher : Vous savez, je pense que c’est dû au fait que nous avons été très occupés, depuis Chicken Run. Et ce n’est pas un énorme studio. Il s’agit en fait d’un groupe de créatifs à Bristol, et dès que le premier Shaun le mouton le film a été terminé, nous avons enchaîné sur les projets suivants. Cette suite a pris plus de trois ans, et je ne pense pas que nous aurions pu en faire une plus tôt, étant donné qu’il y a énormément d’idées qui naissent au sein du studio.

Peut-on espérer retrouver Shaun, Bitzer et les autres au cinéma ?

Richard Phelan : Nous développons sans cesse de nouvelles idées pour Shaun le mouton. Alors oui, j'ai vraiment hâte de le voir à nouveau sur grand écran.

Will Becher : Les personnages ont une relation très attachante, c’est une relation familiale qui constitue le cœur de cet univers. Et je pense qu’il y a encore tellement d’histoires que nous pouvons raconter

Propos recueillis par Kevin Romanet.

Shaun le mouton le film : La ferme contre-attaque, en salles le 16 octobre 2019.