Jeanne Balibar, égérie intellectuelle du cinéma français

Jeanne Balibar, égérie intellectuelle du cinéma français

Jeanne Balibar, qui a reçu vendredi le César de la meilleure actrice pour "Barbara", est une comédienne singulière, égérie depuis les années 90 d'un certain cinéma d'auteur.

Une récompense comme celle-ci, c'est toujours en partenariat avec un très grand personnage. Merci Barbara!

a lancé Jeanne Balibar en recevant sa récompense pour ce rôle remarqué dans le vrai-faux biopic de la dame en noir réalisé par son ex-compagnon Mathieu Amalric.

C'est la cinquième fois que l'actrice à la voix grave et langoureuse et au phrasé particulier, également comédienne de théâtre et chanteuse, était nommée pour un César depuis 1997.

Elle l'avait auparavant été deux fois dans la catégorie meilleur espoir féminin (Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle) et J'ai horreur de l'amour), et deux fois dans celle de la meilleure actrice dans un second rôle (Ca ira mieux demain et Sagan).

Dans Barbara, qui met en scène une actrice possédée par le personnage qu'elle doit incarner, la comédienne de 49 ans étonne à chaque instant par un jeu qui la transforme physiquement en Barbara, jusqu'à maîtriser le débit de parole de la chanteuse, offrant une composition troublante de ressemblance.

J'avais huit ans lorsqu'on m'a offert un premier 45 tours d'elle. Lorsqu'on est actrice, on se construit aussi avec les artistes qu'on a aimé écouter et regarder. J'avais un lien avec elle.

a confié Jeanne Balibar, formée au Conservatoire National d'Art Dramatique.

Depuis ses débuts dans les années 90, la comédienne à la fois cérébrale et physique, fille du philosophe Etienne Balibar et diplômée de Normale sup, a tourné avec Arnaud Desplechin, Jacques Rivette, Jeanne Labrune ou Olivier Assayas.

Tête bien faite dans un corps de mannequin, cette brune longiligne au visage anguleux disait en 1997 qu'"elle aimerait jouer les rigolotes mais que si on lui proposait un vrai rôle de bac+7, elle n'était pas sûre de refuser".

Des endroits mystérieux

Jeanne Balibar tourne pour la première fois au cinéma dans "La Sentinelle" de Desplechin en 1992. Elle est remarquée par le metteur en scène de théâtre Jacques Lassalle, qui lui fait jouer Elvire dans un "Dom Juan" monté à Avignon en 1993. La Comédie-Française l'engage comme pensionnaire de 1993 à 1997.

Après quelques rôles au théâtre - dont la patronne assassinée des "Bonnes" de Jean Genet en 1995 -, elle tourne à nouveau avec Desplechin en 1996 dans "Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)", aux côtés de Mathieu Amalric, avec qui elle aura deux enfants.

Suivront notamment "J'ai horreur de l'amour" de Laurence Ferreira Barbosa, "Mange ta soupe" de Mathieu Amalric, "Dieu seul me voit" de Bruno Podalydès ou "Fin août, début septembre" d'Olivier Assayas.

Jacques Rivette tombe sous son charme magnétique pour "Va savoir", en compétition à Cannes en 2001. Raoul Ruiz, Michael Winterbottom ou Anne Fontaine ont également dirigé la comédienne, capable d'être tour à tour envoûtante et déjantée.

L'actrice a également exercé ses talents du côté de la chanson. Elle a publié deux albums, "Paramour" et "Slalom Dame", multipliant les collaborations en studio et sur scène, notamment avec Dominique A et Rodolphe Burger.

Elle continue à monter régulièrement sur les planches où elle n'hésite pas à prendre des risques.

Ces dernières années, elle a joué notamment sous la direction de Frank Castorf ("La Dame aux camélias", 2012, "Les Frères Karamazov", 2015) et Stanislas Nordey ("Par les villages", 2013).

"En fait, j'aime bien me sentir rien du tout : ni chanteuse, ni actrice, ni rien du tout...", avait-elle confié à l'AFP en 2006. "Je ne connais rien à rien, mais j'essaie de trouver des endroits mystérieux où ma sensibilité s'accroche à celle des autres".