Canneséries 2019 : NOS4A2 et la surprise espagnole Perfect Life

Canneséries 2019 : NOS4A2 et la surprise espagnole Perfect Life

CinéSérie débarque sur la Croisette pour CanneSéries, le petit frère du Festival de Cannes qui s'intéresse au merveilleux monde de la production télé. On a pu voir des épisodes de "Perfect Life", "Junichi", "Beecham House" et la nouvelle création horrifique d'AMC, "NOS4A2."

En ce troisième jour du festival CanneSéries, c'est le programme espagnol Perfect Life (Déjate Llevar en VO) qui ouvre les hostilités. Sélectionnée en Compétition Officielle, cette série suit trois femmes, Maria, Esther et Cristina, au moment où elles remettent en question leur vie, leur trajectoire, leurs attentes pour le futur. La première est larguée par son futur mari lorsqu'ils s'apprêtent à faire une demande de crédits. La seconde, artiste, ne sait pas trop comment se positionner dans cette industrie si particulière et la troisième peine à combiner sa vie personnelle et professionnelle, pas soutenue entièrement par son mari tout aussi débordé. Ces trois femmes vont s'affranchir des limites imposées par la société, et parfois par elles-mêmes, pour se redécouvrir intimement et oser ce qu'elles n'auraient pas osé.

Dès sa première scène, Perfect Life annonce la couleur et embarque immédiatement son auditoire. Sous les yeux de la notaire, Maria, trop psychorigide, se fait larguer sur fond de discorde en rapport avec le lavement anal. La série se veut moderne et débridée sur des sujets contemporains, en embrassant avec panache la trajectoire de ses trois héroïnes. Sans forcément les juger - elles le font très bien toutes seules - mais en les décrivant sans travestir la réalité. Perfect Life se moque d'elles, avec elles. Une vraie belle écriture qui rend complice et impliqué dans leurs (més)aventures. Chacune a sa complexité, ses contradictions. C'est ce qui les rend si vivantes, si attachantes. Les deux premiers épisodes montrés en avant-première sont un détonnant mélange d'humour (parfois noir), de sensibilité, d'humanité. L'alchimie entre les trois actrices principales saute aux yeux et on se laisse embarquer dans leur quotidien en un rien de temps. À l'époque #MeToo, les sincères élans féministes de cette série espagnole font un bien fou.

Après Perfect Life, direction le Japon avec Junichi, co-création de Eiji Kitahara, Mitsunobu Kawamura et du récemment palmé Hirokazu Kore-Eda. Junichi, un mystérieux jeune homme d'une vingtaine d'années erre où le vent le mène. Toutes les femmes qui le rencontreront tomberont sous son charme. Mais aussitôt immiscé dans leur vie, le bellâtre s'évapore dans la nature. Chaque épisode s'intéresse à la rencontre entre lui et une femme différente. Sur un tempo assez lent, des sentiments forts sont esquissés avec une pudeur récurrente dans les productions japonaises. Il y est question de fascination, de stimulation des sens, sans pour autant en faire trop. Ce qui peut vite réduire Junichi à un objet télé assez futile. Ces petites histoires s'incarnent aussi rapidement qu'elles s'évaporent sous nos yeux.

Une première mondiale pour NOS4A2

Mais la série que l'on attendait tous en ce jour était NOS4A2, la nouvelle création horrifique d'AMC qui débutera aux USA le 2 juin prochain. Adaptée d'un roman de Joe Hill (le fils de Stephen King), on y découvre dedans les méfaits du redoutable Charles Manx (Zachary Quinto), un kidnappeur d'enfants qui les transporte dans le monde faussement merveilleux de Christmasland. Le tueur aspire l'âme des enfants et laisse les restes dans cet univers qu'il a inventé où il est interdit d'être malheureux. En parallèle, Vic (Ashleigh Cummings), une adolescente, se découvre un pouvoir unique qui va lier sa destinée à celle de Manx, et des enfants. Le pilote a été projeté Hors-Compétition et le résultat valait plutôt le détour. Nous aurions aimé en voir plus tant cette introduction est ponctuée de points mystérieux. La série débute avec quelques touches de fantastiques mais est surtout une réflexion sur l'adolescence, le passage à l'âge adulte. Plusieurs thèmes cohabitent, venant même au premier plan, pour laisser Manx en retrait. Ce n'est évidemment qu'un pilote, donc il est trop tôt pour poser des jugements hâtifs mais la série a la carrure pour happer.

On ne peut en dire autant de Beecham House, dont le premier épisode a été diffusé juste avant NOS4A2. Ce show anglais nous transporte en Inde au XVIIIème siècle, quand Anglais et Français se disputent les richesses de territoire. John Beecham s'installe dans le pays pour travailler dans le commerce mais va avoir du mal à se faire accepter par les autorités locales. La série ne doit son ampleur qu'à la qualité de ses décors qui immergent dans la culture indienne. Le reste ? Une écriture au stabilo, Tom Batteman et Grégory Fitoussi qui jouent à qui froncera le plus les sourcils, une mise en scène plate sans idées, un assemblage de lieux communs... Pas grand chose à retenir de cette mise en bouche aussitôt vue, aussitôt oubliée.