Canneséries 2019 : Now Apocalypse et une sombre enquête belge

Canneséries 2019 : Now Apocalypse et une sombre enquête belge

Notre seconde journée à CanneSéries aura été bien chargée. L'Allemagne des années 1900 de "Bauhaus - A New Era" puis la Belgique actuelle de "The Twelve", sans oublier la première mondiale de "The Rook" et les folies de Gregg Araki, venu présenter "Now Apocalypse".

Un beau soleil illuminé en ce début de journée à Cannes. Un temps idéal pour un programme blindé. En matinée, le festival nous a réservé deux heures devant Bauhaus - A New Era, une série allemande située en 1919. Au lendemain de la terrible Première Guerre Mondiale, Walter Gropius devient le directeur d'une école d'art, Bauhaus. L'homme souhaite rompre avec les méthodes à l'ancienne et s'entoure de nouveaux professeurs pour former les talents de demain. Une vision qui ne plaît pas aux anciens, attachés aux traditions, aux fondements de leur culture. Gropius va créer la controverse dans la société allemande en créant un espace d'apprentissage comme le pays n'en avait jamais vu auparavant. Création artistique, politique, évolution des moeurs, féminisme... La série brasse un large panel de thèmes différents. Très bien servie par des acteurs au top, dont un August Dielhl aux faux airs de Michael Shannon, Bauhaus - A New Era manque peut-être d'un peu plus de créativité dans son approche formelle pour épouser les propos du scénario. On a l'impression que le fond dépasse la forme. Ce qui n'est pas un défaut, mais nous aurions souhaité que les deux aspects se portent mutuelle. Néanmoins, cette série carrée, avec des beaux personnages et un sujet bien traité a séduit le public du Grand Théâtre Lumière qui a réservé à l'équipe présente dans la salle une belle ovation à la fin des deux épisodes.

La journée s'est poursuivie avec The Twelve, une création belge sur une femme, Fri Palmers, doublement accusée de meurtre. Douze citoyens sont tirés au hasard le jour de procès pour composer un jury d'assises. Cette poignée de personnes va mêler ses propres problèmes à son expérience dans le tribunal. Le postulat de base ne révolutionne pas le sous-genre du récit de tribunal mais la série arrive à nous attraper par l'efficacité de sa narration. Malgré le fait que le scénario charge parfois trop la mule sur la vie privée des membres du jury populaire ou que leur développement individuel soit inégal (du moins dans les deux épisodes vus), la retranscription de l'affaire évoquée dans l'ordre chronologique marche du tonnerre. Une vraie série de scénaristes qui se font un plaisir à distiller les éléments avec précision pour relancer l'intérêt en permanence. Fri Palmers gagne en complexité à mesure que les différents témoignages interviennent, installant le doute dans la tête du téléspectateur qui ne sait plus sur quel pied danser  - comme le jury. L'actrice Maaike Cafmeyer est absolument impériale en femme rongée par la tristesse. Rien que pour elle, on vous conseille de vous y intéresser (si une diffusion en France intervient).

Vient enfin le temps du double programme du soir, avec The Rook et Now Apocalypse. La première série narre comment Myfanwy découvre, alors qu'elle a perdu la mémoire, qu'elle travaille pour une organisation secrète nommée L'Échiquier. Elle découvre également qu'elle possède un don. À elle de choisir qui elle souhaite devenir. Nous n'avons pu voir que le premier épisode, ce qui limite notre vision sur le long terme. Un pilote qui fonctionne correctement, avec une réalisation convaincante, mais sans non plus nous faire rêver. Il faudra attendre d'en voir plus pour savoir si les scénaristes lâchent les chevaux.

La soirée se terminait par le retour de Gregg Araki, présent sur le Pink Carpet avec ses acteurs, de qui nous n'avions plus de nouvelles depuis 2014. Deux épisodes de Now Apocalypse étaient montrés. Suffisant pour comprendre que le style fonctionne toujours sur nous. En l'espace de quelques secondes, on replonge dans son univers pop, coloré, déjanté. Araki filme des adolescents, et surtout Ulysse, qui se pose un tas de questions sur leur existence. De plus, le héros a des visions inquiétantes qui annoncent l'Apocalypse. Vraie catastrophe à venir ou simple métaphore ? Les amateurs du réalisateur ne seront pas perdus, on retrouve l'essence de son cinéma, tant et si bien que l'on pense visionner une suite spirituelle à Kaboom. Gregg Araki jouit toujours de sa fidèle liberté (le sexe a une place importante et n'est pas édulcoré). Son style débridé ne prend pas une ride, sa pertinence pour parler de la jeunesse actuelle non plus. Le format 30 minutes est parfaitement adapté à la narration bondissante. La surprise n'est pas immense mais le charme est évident.