Arrête-moi si tu peux : quand le jeune Steven Spielberg se prenait pour Frank Abagnale

Un film plus personnel qu’il n’y paraît

Arrête-moi si tu peux : quand le jeune Steven Spielberg se prenait pour Frank Abagnale

Steven Spielberg a fait ses premiers pas dans l’industrie hollywoodienne au sein des studios Universal. Le cinéaste a raconté à de nombreuses reprises s’être immiscé dans les locaux sans autorisation. Un récit un tantinet exagéré, à l’image de celui de la vie de Frank Abagnale Jr. dans "Arrête-moi si tu peux".

Arrête-moi si tu peux : escroc mais pas trop

Après une incursion dans la science-fiction de Philip K. Dick avec Minority Report, Steven Spielberg s’oriente vers un registre plus léger avec Arrête-moi si tu peux, du moins sur la forme. Sorti en France en 2003, le long-métrage s’inspire de la vie de Frank Abagnale Jr. et surtout du récit qu’il en a fait. Le film est en partie basé sur son autobiographie Catch Me If You Can, paru en 1980.

Leonardo DiCaprio prête ses traits à ce personnage hors-norme. Profondément marqué par la séparation de ses parents Paula (Nathalie Baye) et Frank Sr. (Christopher Walken), le futur escroc fuit le domicile familial à l'adolescence. Cette rupture marque le point de départ de ses nombreuses usurpations d’identité. Le jeune homme se fait passer pour un pilote de ligne, mais aussi un médecin et un avocat, et se spécialise dans la création de chèques falsifiés entre les années 60 et 70.

Lorsque l’agent du FBI Carl Hanratty (Tom Hanks) découvre les méthodes du faussaire, un jeu du chat et de la souris se met en place. Au cours de cette longue traque, l’enquêteur et sa proie parviennent à nouer des liens d’amitié, Carl comprenant vite la solitude du jeune Frank.

Arrête-moi si tu peux
Arrête-moi si tu peux © Universal Pictures

Martin Sheen, Amy Adams et Jennifer Garner complètent la distribution de cette version édulcorée de la vie de Frank Abagnale Jr. Sa capacité à duper ses semblables, le faussaire l’aurait également mise à profit pour son autobiographie.

Une légende bien loin de la réalité ?

Dans son ouvrage The Greatest Hoax on Earth : Catching Truth While We Can publié en 2020, Alan C. Logan démythifie le parcours raconté par Frank Abagnale Jr. Le journaliste explique que la plupart de ses "exploits" relèveraient de son imagination. Invité dans le podcast The Pulse de WHYY en avril 2021, il déclare, cité par GQ :

Ce qui s'est réellement passé, c'est que, déguisé en pilote de TWA (Trans World Airlines), ce qu'il n'a fait que pendant quelques semaines, (Abagnale) s'est lié d'amitié avec une hôtesse de l'air nommée Paula Parks. Il l'a suivie sur toute la côte Est, a identifié ses horaires de travail par des moyens trompeurs et a essentiellement traqué cette femme.

Il ajoute à propos de sa fuite, supposée avoir duré plusieurs années :

Le récit d'Abagnale qui dit qu'entre 16 et 20 ans, il était en fuite, poursuivi dans tous les États-Unis et même au niveau international par le FBI, est complètement fictif. Les dossiers publics que j'ai obtenus montrent qu'il était principalement en prison pendant ces années.

Les points communs entre Steven Spielberg et Frank Abagnale Jr.

Le penchant pour le romanesque de Frank Abagnale Jr. a quoi qu’il en soit permis à Steven Spielberg de livrer un long-métrage acclamé par la presse et le public. Le cinéaste partage plusieurs points communs avec son personnage principal. Comme lui, il est meurtri par le divorce de ses parents. La scission au sein de la cellule familiale est une thématique récurrente de sa filmographie, de Rencontres du troisième type à La Guerre des mondes, en passant par E.T. l’extra-terrestre et A.I. : Intelligence artificielle.

Arrête-moi si tu peux
Arrête-moi si tu peux © Universal Pictures

Lors de la promotion d’Arrête-moi si tu peux, Steven Spielberg assure par ailleurs avoir menti à l’adolescence pour tenter d’intégrer les studios Universal. Il affirme, cité par Allociné :

Mes lointains débuts recoupent bizarrement cette histoire. La toute première fois que j'ai tenté de devenir réalisateur de studio, je me suis métamorphosé en cadre... de seize ans et demi. J'ai mis un costume et une cravate, j'ai empoigné un attaché-case et j'ai franchi l'entrée principale d'Universal. Pendant ces trois mois d'été, j'ai arpenté cinq jours sur sept tous les recoins du studio. J'ai été, durant ce laps de temps, rien moins que... Frank Abagnale...

Des débuts légèrement embellis

Un témoignage que le réalisateur fait à de nombreuses reprises au cours de sa carrière, en le modifiant plus ou moins comme le rapporte le site Snopes, spécialisé dans la vérification des faits. En réalité, son père Arnold lui aurait organisé une rencontre par le biais d’un intermédiaire avec Chuck Silvers, assistant du directeur de montage chez Universal TV. À l’époque, la future icône hollywoodienne est en première année de lycée et âgée de seize ans. Chuck Silvers déclare ainsi au biographe Joseph McBride, pour un ouvrage publié en 1997 :

Je lui ai montré la postproduction, le montage, les Moviolas. Je me souviens qu’il a dit qu’il avait déjà vu des Moviolas. Nous avons passé le reste de la journée à parler et à marcher. Il m’a dit : 'Je fais des films'. Il m’a parlé des films qu’il avait fait.

Chuck Silvers et Steven Spielberg entretiennent par la suite une correspondance. Et au cours de l’été 1964, le premier propose au second d’être assistant de bureau non rémunéré pour les studios Universal. Au cours de cette expérience formatrice, le jeune homme ne possède pas de pass permanent. Néanmoins, il parvient tout de même à entrer chaque jour dans les locaux. De quoi lui inspirer une anecdote mémorable qu’il embellit au fil des années, à mesure que son nom devient incontournable…