Dunkerque : les secrets du réalisme unique du film

Dunkerque : les secrets du réalisme unique du film

"Dunkerque", le chef-d'oeuvre de Christopher Nolan, raconte l'évacuation des troupes alliées de Dunkerque pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est le résultat d'un tournage particulier, où le réalisateur a mis toute son expérience, sa personnalité, et une exigence démente pour atteindre un très grand réalisme.

Film-événement sorti au coeur du mois de juillet 2017, Dunkerque est une production exceptionnelle de Christopher Nolan, qui a prouvé avec ce film et après Interstellar qu'il était un cinéaste d'une constance impressionnante, à l'aise dans tous les genres. Faux film de guerre, vrai film à suspense, influencé aussi bien par les oeuvres d'Hitchcock que par Speed pour sa tension et son format compte-à-rebours, Dunkerque est un très grand succès critique et une réussite commerciale, avec plus de 525 millions de dollars de recettes au box-office mondial pour un budget de 100 millions de dollars. Une très belle performance qui en fait le plus grand succès mondial pour un film portant sur la Seconde Guerre mondiale.

Dunkerque fait le récit de l'opération Dynamo, une vaste manoeuvre d'évacuation des forces alliées prises au piège sur les plages et le port de Dunkerque, entre le 26 mai et le 4 juin 1940. Coupés de leurs bases arrières, les centaines de milliers de soldats anglais et français seront secourus par des bateaux de l'armée mais aussi par toute une flotte d'équipages civils, des navires allant de la barque de pêche au yacht en passant par des voiliers de plaisance et bien d'autres.

Pour mettre en scène ce désastre militaire et ce sauvetage miraculeux, Christopher Nolan s'est particulièrement impliqué, afin d'offrir une vision personnelle de l'histoire doublée d'un réalisme époustouflant.

Dunkerque, le film le plus personnel du réalisateur ?

Christopher Nolan est né en 1970 à Londres, et dans l'imaginaire collectif britannique, l'épisode de Dunkerque a valeur de mythe moderne. Le cinéaste est lui-même passionné par le sujet, et il sait de quoi il parle : il a, avec sa femme Emma Thomas et un ami, réédité la traversée de la Manche depuis l'Angleterre jusqu'à Dunkerque à bord d'un petit voilier. Un périple de dix-neuf heures sur une mer déchaînée qui l'aura marqué, comme il le rapportait en 2017 à l'Express :

La Manche est une unité de lieu idéale. Il y a une quinzaine d'années, nous l'avons traversée en voilier avec ma femme, Emma, qui est aussi la productrice de mes films. La mer était déchaînée. C'était éprouvant et effrayant. Mais nous voulions nous mettre à la place de ces héros. Depuis, je suis hanté par cet événement. Il a fallu que j'attende d'avoir 45 ans pour réaliser un film d'une telle ampleur, qui requiert savoir-faire et expérience.

Par ailleurs, Christopher Nolan a fait confiance aux siens pour traduire cette incroyable opération. On sait que le réalisateur travaille traditionnellement et étroitement avec son frère Jonathan Nolan, mais pour des petits rôles dans Dunkerque, il fait appel à d'autres membres de sa famille : son oncle John Nolan et sa tante par alliance Kim Hartman, ainsi que leur fille et leur fils- et donc ses cousins, Miranda et Tom Nolan. Miranda Nolan figurait déjà dans Inception et The Dark Knight Rises et Tom Nolan dans Batman Begins.

Il y a donc une dimension de vérité de l'expérience que Christopher Nolan cherche à développer, et il va y parvenir grâce à une production "à l'ancienne" et une très grande rigueur de la reconstitution historique du film.

Des milliers de figurants et des vrais bateaux de l'opération

Harry Styles, qui joue dans Dunkerque un jeune soldat anglais, rapporte une anecdote qui traduit bien l'exigence du cinéaste. Le premier jour de tournage, il se présente en costume à Christopher Nolan. Ce dernier l'examine de la tête aux pieds, et lui fait remarquer que ses lacets sont mal faits. En effet, à l'époque, les soldats britanniques laçaient leurs bottes en boucles et non en croix...

Dunkerque

Dans ce même souci de réalisme, Christopher Nolan refuse de procéder numériquement pour créer ses plans où l'on peut voir plusieurs centaines de soldats. Ce n'est pas moins de 6000 figurants qui ont été engagés pour le tournage de Dunkerque. Pour son influence réaliste et pour son exactitude quant à la reconstitution des costumes et des accessoires, Christopher Nolan cite Il faut sauver le soldat Ryan comme une inspiration majeure. Par ailleurs, il a suivi les conseils de Steven Spielberg et de Ron Howard pour les séquences navales, notamment pour  le cadrage à l'épaule visant à recréer la sensation de roulis.

Pour Nolan, un maximum de réalisme implique un minimum d'effets spéciaux, il a donc cherché dès le début à coller au plus près des types de bateaux et d'avions engagés lors de l'opération Dynamo. Ce sont des dizaines et des dizaines de bateaux qui ont été mobilisés, Nolan précisant même dans une interview au Telegraph que jusqu'à 62 bateaux sont sortis une même journée de tournage. En plus d'au moins sept grosses unités navales militaires, onze navires ayant réellement participé à l'évacuation des troupes en 1940 ont été utilisés pour le film !

Dunkerque
Hilfranor - yacht utilisé pendant l'opération Dynamo

Enfin, parce que Dunkerque se passe sur terre, sur mer, et dans les airs, Christopher Nolan a exigé le même réalisme pour les scènes de cockpit. Comme les scènes avec Tom Hardy et Jack Lowden ne pouvaient être toutes tournées en vol, et que le réalisateur refusait l'usage d'un fond vert ou bleu, il a fait installer un cockpit de Spitfire sur une plateforme au sommet d'une falaise en Californie, ce qui permettait de filmer le ciel et les airs comme si on y était... mais sans voler. Un des brillants secrets de fabrication qui participent à l'impressionnante qualité et au profond réalisme de Dunkerque.