Jusqu’à la garde : Denis Ménochet a mis du temps à se remettre de son rôle

Un profond malaise

Jusqu’à la garde : Denis Ménochet a mis du temps à se remettre de son rôle

Denis Ménochet incarne un ex-mari et un père violent dans "Jusqu’à la garde". Un rôle extrêmement complexe, duquel le comédien a eu du mal à se détacher après le tournage.

Jusqu’à la garde : un drame étouffant

Sorti en 2018, Jusqu’à la garde débute avec une confrontation entre deux parents divorcés, Miriam (Léa Drucker) et Antoine (Denis Ménochet), face à une juge. Cette dernière lit le témoignage de leur fils Julien (Thomas Gioria), qui explique vouloir rester auprès de sa mère et de sa grande sœur Joséphine (Mathilde Auneveux). Effrayé par son père, le jeune garçon ne souhaite plus le voir. Une demande qui laisse Antoine désemparé et dans l’incompréhension.

S’il débute comme un drame, le premier long-métrage de Xavier Legrand prend progressivement la forme d’un thriller, jusqu’à un final extrêmement violent et anxiogène. La présence et les réactions d’Antoine, qui apparaît comme bon lui semble dans la vie de son ex-compagne et de son fils, deviennent de plus en plus inquiétantes.

Jusqu'à la garde
Jusqu'à la garde © Haut et court

Distillant d’abord une tension sourde qui finit par éclater, Jusqu’à la garde traite des violences conjugales en adoptant le point de vue d’un adolescent, restituant ainsi ses craintes et son mal-être. En 2019, il s’impose comme l’un des grands vainqueurs aux César, récompensé dans quatre catégories : Meilleur film, Meilleure actrice pour Léa Drucker, Meilleur scénario original et Meilleur montage.

Un bourreau qui pense être victime

Avec Jusqu’à la garde, Xavier Legrand retrouve les personnages de son court-métrage Avant que de tout perdre, déjà porté par Léa Drucker, Denis Ménochet ainsi que Mathilde Auneveux, et auréolé d’un César. Dans ce dernier, Miriam tente de fuir Antoine avec ses deux enfants en se rendant sur son lieu de travail, un hypermarché dans lequel il vient les rechercher.

Le film dévoile donc ce qui suit cette séparation brutale. Pour construire le délitement de la cellule familiale, la peur de Julien et l’explosion progressive du père, le cinéaste s’appuie sur trois longs-métrages pendant l’écriture, en plus de son long travail de documentation : Kramer contre Kramer, La Nuit du chasseur et Shining.

Dès le début de Jusqu’à la garde, Antoine se présente comme une victime qui ne comprend pas la tournure des événements. Ce qui lui permet de légitimer ses actes dans la suite du récit, jusqu’à l’insoutenable conclusion. Durant la promotion, le réalisateur assure, cité par Allociné :

C'est un rôle dur où il (Denis Ménochet) doit aborder de front la violence, la manipulation, la noirceur sans qu'on perde son personnage, sans qu'on le rejette et qu'on refuse de le comprendre. Il doit se glisser dans la peau d'un homme malheureux, en butte à lui-même, qui essaye de se faire aimer, mais vit dans le déni. (…) Il porte en lui cet alliage de virilité robuste et de blessure enfantine qu'on retrouve souvent chez les hommes qui violentent leur femme.

"J’ai mis un mois à m’en remettre"

Le personnage d’Antoine plonge Denis Ménochet dans un profond malaise, comme l’acteur le confie à 20 Minutes en 2018. Sur le tournage, le comédien fait tout pour ne pas effrayer son jeune partenaire Thomas Gioria :

Je lui balançais des vannes dès que Xavier coupait les prises pour ne pas lui faire vraiment peur. Je n’aimais pas les sentiments que mon personnage remuait en moi et je craignais toujours de traumatiser mon jeune partenaire.

Une fois les prises de vues terminées, Denis Ménochet sort difficilement du rôle et se surprend à avoir des réactions inhabituelles, notamment au cours d’un séjour en Bretagne qu’il s’accorde afin de faire le vide. Lors d’un entretien pour OCS, il révèle à ce sujet :

J’ai mis un mois à m’en remettre. (…) J’ai été en Bretagne, voir mes parents, qui m’ont pas reconnu au début. (…) C’est des moments où quand tu as des frustrations, d’un seul coup tu sens que ça monte vite et tu te dis : 'Ah, c’est pas moi ça'.

Le comédien est également conscient que les rôles aussi forts sont très rares. Au même titre que les interprétations aussi écrasantes et terrifiantes que la sienne.