Le Mans 66 sur France 2 : focus sur les libertés historiques prises par le film

Découvrez la réalité qui a inspiré le film

Le Mans 66 sur France 2 : focus sur les libertés historiques prises par le film

Avec "Le Mans 66", James Mangold s’intéresse à la rivalité entre Ford et Ferrari. Un long-métrage passionnant qui n’hésite pas à prendre des écarts avec la réalité pour mettre en avant les personnalités singulières de Carroll Shelby et Ken Miles, incarnés par Matt Damon et Christian Bale. [ATTENTION SPOILERS !]

Le Mans 66 : un grand spectacle rutilant

Après avoir offert un somptueux chant du cygne à Wolverine avec Logan et avant de se consacrer aux nouvelles aventures d’Indiana Jones, James Mangold signe Le Mans 66 en 2019. Un grand spectacle hollywoodien qui, en retraçant l’une des plus célèbres rivalités de l’histoire de la course automobile, met en avant la passion et l’acharnement de ses deux personnages principaux.

Le film démarre au début des années 60. Face à une situation financière compliquée, la Ford Motor Company cherche un moyen de se renouveler. Lee Iacocca (Jon Bernthal) soumet alors à Henry Ford II (Tracy Letts) l'idée de s’imposer dans la compétition automobile, notamment grâce à un éventuel rachat de Ferrari. Mais les négociations avec le constructeur italien virent au désastre.

Profondément vexé par le comportement d’Enzo Ferrari (Remo Girone), Henry Ford II décide de lancer la création d’un véhicule capable de détrôner son concurrent aux 24 Heures du Mans. Pour cela, il fait appel à l’ingénieur Carroll Shelby (Matt Damon), qui a remporté la course en 1959. Avec l’aide du pilote Ken Miles (Christian Bale), Shelby va mettre au point la Ford GT40 Mk II. Et s’il fait preuve d’un talent indéniable et unique au volant du bolide, Miles s’attire très vite les foudres de sa hiérarchie.

Le Mans 66
Le Mans 66 © Walt Disney Studios Motion Pictures

Tandis que le directeur commercial Leo Beebe (Josh Lucas) fait tout pour l’écarter, l’athlète au caractère bien trempé peut compter sur le soutien total de son ami Carroll Shelby. Ensemble et malgré les coups bas, ils parviennent à entrer dans la légende, en partie grâce aux 24 Heures du Mans de 1966. Caitriona Balfe et Noah Jupe complètent la distribution de Le Mans 66, récompensé par les Oscars du Meilleur montage et du Meilleur montage sonore.

Des changements au service des personnages

En plus de retranscrire à merveille la fureur et le danger des courses, Le Mans 66 repose également sur le développement de protagonistes pugnaces, qui luttent au sein d’une entreprise colossale pour imposer leur vision. Pour accentuer certains traits de caractère de Carroll Shelby et Ken Miles, les scénaristes Jez et John-Henry Butterworth, ainsi que Jason Keller, se sont permis des écarts avec la réalité.

Parmi eux figurent la façon dont Carroll Shelby persuade les dirigeants de Ford de laisser Ken Miles courir pour les 24 Heures du Mans de 1966. Il propose alors un marché à Henry Ford II au cours d’une balade en bolide un brin nauséeuse pour le patron de la firme, après avoir enfermé son bras droit Leo Beebe dans son bureau : si son pilote remporte les 24 Heures de Daytona, il pourra participer à la compétition emblématique.

Le Mans 66
Le Mans 66 © Walt Disney Studios Motion Pictures

Shelby va jusqu’à miser sa propre société pour convaincre Ford. Un épisode qui n’a pas eu lieu, mais qui appuie sur le tempérament de casse-cou du personnage et sur sa confiance aveugle en Ken Miles. Et contrairement à ce qu’affirme Le Mans 66, ce n’est pas Lee Iaccocca qui est allé à la rencontre de Carroll Shelby pour développer un nouveau modèle, mais le second qui a proposé ses services au premier, le développement de la Ford GT 40 ayant déjà largement débuté. L’ancien pilote devait remédier au manque de résultats.

Deux amis bagarreurs ?

Interrogé par CBS News lors de la sortie du film, Charlie Agapiou, ancien collaborateur de Ken Miles, évoque ses souvenirs de sa relation avec Carroll Shelby. Il explique n’avoir jamais assisté à une dispute entre le coureur britannique et l’ingénieur, et encore moins à une bagarre comme celle du long-métrage :

Contrairement au film, il me semblait qu’ils étaient de très bons amis. Je ne les ai jamais vraiment vus dans une dispute ou quelque chose comme ça. Je ne les ai jamais vus en venir aux mains.

L’importance d’un antagoniste

Les réticences de l’état-major de Ford vis-à-vis de Ken Miles ont par ailleurs été intensifiées. Dans le film, le pilote se voit empêcher de courir aux 24 Heures du Mans de 1965. En réalité, il a bien participé à la compétition au côté de Bruce McLaren aux commandes de la Ford GT Mk II. Le duo a été contraint d’abandonner après 45 tours.

Enfin, dans Le Mans 66, Leo Beebe impose à Ken Miles de franchir la ligne arrivée de l’ultime course aux côtés des autres membres de l’écurie Ford. Une décision que ne conteste absolument pas Carroll Shelby, avant de la regretter amèrement. Dans l’ouvrage intitulé Go Like Hell : Ford, Ferrari, and Their Battle for Speed and Glory at Le Mans d’A.J. Baime, l’ingénieur décédé en 2012 déclare, cité par Slate :

Je serai toujours désolé d’avoir convenu avec Leo Beebe et Henry Ford de faire arriver les trois voitures en même temps. Ken avait un tour et demi d’avance et il aurait gagné la course. Cela lui a brisé le cœur. Puis nous l’avons perdu en août (de l’année 1966, nldr).

En 2019, plusieurs proches et collaborateurs de Leo Beebe assurent au Philadelphia Inquirer que son traitement dans le long-métrage est loin d’être conforme à sa personnalité. Mais là encore, le fait de le présenter comme un antagoniste ne fait qu’amplifier les ressorts dramatiques de Le Mans 66.