Les Frères Sisters : pourquoi Jake Gyllenhaal a pris de court Jacques Audiard ?

« Tout cela était très nouveau pour moi et très impressionnant. »

Les Frères Sisters : pourquoi Jake Gyllenhaal a pris de court Jacques Audiard ?

"Les Frères Sisters" est le premier film entièrement tourné en anglais de Jacques Audiard. Une expérience impressionnante pour le réalisateur, bluffé par les méthodes de ses acteurs, à commencer par celles de Jake Gyllenhaal.

Les Frères Sisters : Jacques Audiard s’essaie au western

L’impulsion pour transposer à l'écran Les Frères Sisters ne vient pas de Jacques Audiard mais de John C. Reilly et son épouse, la productrice Alison Dickey. Alors que le cinéaste planche sur le scénario de Dheepan, le couple lui propose d’adapter le roman de Patrick deWitt. Après s’être consacré au long-métrage récompensé par la Palme d’or à Cannes en 2015, le réalisateur se penche sur ce western.

Peu familier du genre mais amateur de ceux d’Arthur Penn (Le Gaucher, Little Big ManMissouri Breaks), Jacques Audiard signe une œuvre dans la lignée de celles du metteur en scène américain. Il s’éloigne du mythe flamboyant de l’Ouest et construit des personnages ambigus, drôles, violents et mélancoliques.

Au-delà de l’époque et des décors dans lesquels il est ancré, le point central du récit est la relation entre Charlie et Eli Sisters. Ces tueurs à gages incarnés par Joaquin Phoenix et John C. Reilly portent un lourd héritage familial. Le premier a un penchant pour la bouteille et se revendique comme le leader du tandem. Le second a perdu son droit d’aînesse. S’il est redoutable dès qu’il s’agit de mettre le doigt sur la gâchette, il est davantage dans la réflexion en comparaison avec le cadet, et fait parfois preuve d’une candeur désarmante. C’est par exemple le cas lorsqu’il apprend à se servir d’une brosse à dents, tandis que son petit frère revendique bruyamment leur réputation, ivre.

Les Frères Sisters
Les Frères Sisters © UGC

Malgré leurs tempéraments opposés, les Sisters passent tout leur temps ensemble, se soutiennent et ne manquent pas d’efficacité lors de leurs affrontements. Employés par le Commodore (Rutger Hauer), ils ont pour mission de retrouver le chimiste Herman Kermit Warm (Riz Ahmed), qui aurait mis au point une formule pour dégoter de l’or dans les rivières. Mais ce dernier ne cesse de leur échapper, aidé par le détective John Morris (Jake Gyllenhaal), qui était pourtant censé leur prêter main forte.

Une autre manière de travailler

Tourné principalement en Roumanie et en Espagne, en partie pour ne pas subir la pression d’une production américaine, Les Frères Sisters est le premier film entièrement anglophone de Jacques Audiard. Pour donner vie à ses protagonistes, le cinéaste fait appel à des pointures établies à Hollywood. Le réalisateur découvre d’ailleurs de nouvelles habitudes de travail, comme il l'explique lors d’un entretien pour OCS :

Ils opèrent, presque génétiquement, une distinction entre acteur et comédien, que nous n’opérons pas forcément. D’ailleurs on a ces deux vocables. Je crois qu’eux ont développé la spécificité de l’acteur de cinéma. (…) Elle est faite d’un véritable savoir, presque "technique". Ils savent ce dont ils vont avoir besoin pour le rôle. Ça peut passer par le costume, le placement. (…) Ils anticipent déjà le mouvement et le raccord.

Les Frères Sisters
Les Frères Sisters © UGC

Quand Jake Gyllenhaal laisse Jacques Audiard bouche bée

Durant la promotion du long-métrage, Jacques Audiard assure avoir été pris de court par Jake Gyllenhaal. La star lui a fait une demande très spécifique dès leur premier échange. Après s’être renseigné sur son rôle et sur l’époque, l’acteur l'a interrogé sur la façon de s'exprimer de son personnage. John Morris est un détective cultivé. Ayant étudié dans les premières universités de la Côte Est, il a un goût prononcé pour les lettres et aime écrire. Cité par Allociné, le réalisateur raconte :

Heu, merci bien, mais comment répondre à ça ? Bref, il est allé bosser un mois avec un linguiste, et il est revenu avec un script en phonétique ! Il ne lui manquait plus que le costume. C’était la première fois que je vivais ça. Ils viennent avec la démarche du personnage, ils ont déterminé comment il s’assied, comment il se comporte en société, s’il regarde ou non ceux à qui il s’adresse. (…) Tout cela était très nouveau pour moi et très impressionnant.

Une expérience "électrisante" pour Jacques Audiard, récompensée par quatre César : Meilleur réalisateur, Meilleure photographie, Meilleurs décors et Meilleur son.