Dans "Rouge", Zita Hanrot incarne une infirmière qui découvre que les activités de l'usine où elle travaille ont un impact terriblement néfaste sur la santé de ses salariés. Un drame écologique pour lequel Farid Bentoumi s'est longuement documenté, s'inspirant notamment de l'affaire des boues rouges de Gardanne.
Rouge : un thriller environnemental doublé d'un drame familial
Deuxième long-métrage de Farid Bentoumi après Good Luck Algeria, Rouge débute avec le retour de Nour (Zita Hanrot) dans sa ville d'origine. Après un accident dans son hôpital qui fait l'objet d'une enquête, l'infirmière démissionne et intègre l'usine dans laquelle son père Slimane (Sami Bouajila) a travaillé toute sa vie.
Nour s'aperçoit rapidement que son prédécesseur n'a pas mené les examens de santé des employés avec régularité. Certains d'entre eux souffrent de graves problèmes. En parallèle, elle découvre qu'Emma (Céline Sallette), une journaliste indépendante, mène une enquête sur les déchets toxiques de l'entreprise, rejetés en pleine nature.
L'infirmière se retrouve face à un dilemme : doit-elle garder le silence autour d'un potentiel scandale pour ne pas mettre en péril les métiers des salariés ou faire éclater la vérité pour sauver leur avenir ?
Olivier Gourmet complète la distribution de ce film poignant et alarmant, sorti en 2021. Un drame familial rythmé comme un thriller, qui doit beaucoup à ses interprètes et à la force de son sujet, que Farid Bentoumi choisit en s'inspirant d'une véritable affaire.
Un changement d'univers pour Farid Bentoumi
À l'origine, le réalisateur envisage d'ancrer son récit dans le secteur de la gestion des ordures. Mais il abandonne étant donné que ce milieu est "très surveillé et contrôlé", comme il l'explique dans le dossier de presse :
Il n’y a plus d’affaires de pollution, donc plus d’actualité.
En continuant ses recherches, Farid Bentoumi tombe sur le scandale de l'usine de Gardanne et de ses déchets toxiques dans la Méditerranée. Il ajoute à ce sujet :
Cela fait plusieurs années que le gouvernement et la préfecture leur demandent d’arrêter de polluer la mer. Mais cette usine, c’est aussi 500 emplois à la clé, ce qui n’est pas rien dans un endroit comme Gardanne déjà marqué par le chômage. Lorsque j’ai vu les photos de cette usine et ses boues rouges, j’ai trouvé ça très frappant en termes cinématographiques. J’ai transposé mon histoire dans ce type d’usine qui existe aussi ailleurs dans le monde.
Les boues rouges de Gardanne
Spécialisé dans la production d'alumine, oxyde métallique notamment utilisé dans la conception des écrans LCD et extrait à partir de la bauxite, le site de Gardanne - près de Marseille - est pointé du doigt en 2014 par Ségolène Royal. À l'époque, l'usine de l'entreprise Alteo concerne 1000 emplois directs ou indirects dans la région.
Ses porte-paroles indiquent que ses rejets ne sont absolument pas nocifs. Pourtant, dans les endroits où les déchets sont déversés, ils attaquent la faune et la flore, meurtries par les boues rouges. Par ailleurs, plusieurs habitants des alentours souffrent ou ont souffert de pathologies comme des maladies cardiovasculaires, des cancers ou des problèmes neuromusculaires, comme le rapporte alors France 3.
Plusieurs recherches montrent également la toxicité de ces poussières rouges, qui contiennent des métaux lourds et affichent un taux de radioactivité inquiétant. En 1966, Alteo commence à déverser ses déchets dans la Méditerranée, à quelques kilomètres au large de Cassis. Dans les années 90, des biologistes révèlent les impacts de cette pollution, qui dévaste le corail et les poissons.
Une fiction inspirée de faits réels
En 1996, un arrêté préfectoral impose à l'entreprise de stopper ses rejets de boues en mer à compter de 2015. La société met en place un système de filtrage en 2007, qui lui permet de stocker la partie solide de ses déchets. En 2016, Alteo reçoit l'autorisation de pouvoir continuer à déverser ses liquides filtrés en mer jusqu'en 2022, ce qui provoque une nouvelle vague de contestation. Fin 2020, Alteo est en redressement judiciaire. UMS, groupe spécialisé dans la logistique minière, rachète ensuite l'industriel.
Si le site de Gardanne est l'une des principales inspirations pour Rouge, Farid Bentoumi rappelle qu'il s'est aussi documenté sur d'autres usines :
Je me suis ensuite beaucoup documenté sur d’autres histoires d’usines polluantes, d’autres destins de lanceurs d’alerte. Rouge n’est pas un documentaire, c’est une fiction, librement inspirée de différents faits réels.