Séraphine sur Arte : comment le film a fait "revivre" une artiste oubliée

Avec Yolande Moreau, César de la Meilleure actrice

Séraphine sur Arte : comment le film a fait "revivre" une artiste oubliée

Dans "Séraphine", Yolande Moreau prête ses traits à une femme peintre autodidacte, considérée aujourd’hui comme une figure de l’art brut et de l’art naïf. Un drame qui lui vaut le César de la Meilleure actrice et qui met en valeur une œuvre longtemps oubliée.

Séraphine : portrait d’une artiste isolée

Avant leurs retrouvailles sur Où va la nuit et La Bonne épouse, Séraphine marque la rencontre artistique entre le réalisateur Martin Provost et la comédienne Yolande Moreau. Sorti en 2008, le long-métrage retrace une partie de la vie d’une artiste peintre autodidacte.

D’abord servante dans un couvent de Clermont, Séraphine Louis devient ensuite femme de ménage pour des bourgeois de Senlis, dans l’Oise. Dès qu'elle le peut, elle s’adonne en cachette à la peinture. Une vocation qui lui aurait été soufflée par la Vierge. Séraphine dessine des fruits, des fleurs et son travail n’est pas reconnu par les personnes qui l’emploient. Jusqu’à ce qu’il arrive entre les mains du marchand d’art allemand Wilhelm Uhde (Ulrich Tukur), ami de Picasso et Braque, qui révèle au public le Douanier Rousseau.

Séraphine
Séraphine © Diaphana Films

Admiratif des tableaux de Séraphine, le collectionneur l’encourage à suivre cette voie en lui proposant de la rémunérer pour ses œuvres. Elle accepte, pouvant enfin se consacrer pleinement à son art. Très vite, la Première Guerre mondiale débute et le conflit contraint Wilhelm Uhde à prendre la fuite.

Plus de dix ans plus tard, Séraphine vit de nouveau dans la pauvreté, isolée et considérée par beaucoup comme une illuminée. Elle reste néanmoins totalement dévouée à ses tableaux. En 1927, elle recroise la route d’Uhde, désormais installé à Chantilly et impressionné par son évolution.

"Une charge poétique et émotionnelle intense"

En 2009, Yolande Moreau remporte le César de la Meilleure actrice pour son interprétation de Séraphine de Senlis. Sa découverte de l’artiste est une révélation pour la comédienne, mais aussi pour Martin Provost. Le cinéaste raconte pour le dossier de presse du film  :

J’ai trouvé à la bibliothèque Kandinsky l’unique portrait que l’on connaît de Séraphine, exécuté au crayon par un de ses voisins. La ressemblance était plus que frappante. C’était Yolande Moreau. Quand je lui ai montré ce portrait, elle est d’abord restée sans voix puis elle a ajouté, l’air de rien : ‘Ce n’est pas flatteur, mais c’est bien moi !’

Entre moments de grâce, de délire et de dépouillement total, accès de génie ou de folie, l’interprétation de Séraphine est éminemment complexe. L’artiste passe du dénigrement à la reconnaissance, de la misère à un confort de courte durée. Yolande Moreau retranscrit avec justesse la sensibilité exacerbée du personnage, son rapport singulier à la nature ainsi que sa déchéance. L'actrice ne tombe jamais dans les excès ou la caricature. Le réalisateur ajoute à ce sujet :

Yolande ne joue pas, elle incarne Séraphine. Elle réussit à imprimer à l’image, au fur et à mesure du film, une charge poétique et émotionnelle d’autant plus intense et précieuse qu’elle est toujours dans la retenue. Notre travail a justement consisté à toujours rester sur le fil, à ne pas se laisser aller à la facilité, la sensiblerie, l’hystérie qui au cinéma est souvent associée à la représentation de la folie.

Une œuvre sortie de l’ombre

Cette volonté de sobriété, qui passe également à travers une mise en scène épurée, sert avant tout à mettre en valeur le talent de Séraphine de Senlis. De son vivant mais aussi après sa mort en 1942, l’artiste est tombée à plusieurs reprises dans l’oubli. Après son internement à Clermont en 1932 et jusqu'à son décès, elle ne reçoit par exemple aucune visite.

En parallèle de la sortie du film en 2008, le musée Maillol organise une exposition sur l'œuvre de Séraphine. Martin Provost déclare alors :

Séraphine va revivre avec le film. De son vivant, elle n’avait pas eu l’exposition monographique qu’elle avait tant espérée. Je m’étais fait un point d’honneur à la voir à nouveau exposée à Paris. (…) Malheureusement, beaucoup de toiles de Séraphine ont été détruites. A l’époque, beaucoup de gens les croyaient sans valeur. Maintenant, je l’espère, l’œuvre de Séraphine, peut – et va – revivre au grand jour, hors d’un cercle de connaisseurs.

Ce qui semble effectivement être le cas. Entre mai et juillet 2021, la figure de l’art naïf et de l’art brut est à l’honneur à la galerie Dina Vierny, à Paris. Ses lettres, écrites lors de son internement, ont par ailleurs été étudiées et publiées dans Séraphine – Catalogue raisonné de l’œuvre peint, paru chez Lanwell & Leeds Ltd en mars 2021.