Spy Game, jeu d’espions : pourquoi Robert Redford a imposé un changement majeur dans le scénario ?

Quand Tony Scott dirigeait Brad Pitt et Robert Redford...

Spy Game, jeu d’espions : pourquoi Robert Redford a imposé un changement majeur dans le scénario ?

Long-métrage qui amorce le renouveau du film d’espionnage américain au début des années 2000, "Spy Game, jeu d’espions" est une confrontation passionnante entre un maître et son élève, incarnés par Robert Redford et Brad Pitt. Le premier a d’ailleurs tenu à supprimer une facette de son personnage, refusant catégoriquement de paraître jaloux du second.

Spy Game, jeu d’espions : la seconde jeunesse de Tony Scott

Tony Scott est un réalisateur qui manque cruellement au cinéma d’action, et au cinéma de manière générale. Au début des années 2000, le Britannique débute une deuxième carrière et signe certains de ses plus beaux films, dont Man on Fire et Domino. Des longs-métrages à contre-courant d’une industrie policée, où l’absence de compromis, la rage et le désespoir se fondaient totalement dans sa mise en scène expérimentale et furieuse.

Sorti en 2001, Spy Game, jeu d’espions n'est pas aussi radical que les deux films précités mais marque probablement le début de la seconde jeunesse cinématographique de Tony Scott. Avec ce long-métrage, le réalisateur tape sur l’impérialisme américain et conteste ses interventions, que ce soit au Vietnam ou au Moyen-Orient. Un propos gommé à la suite des attentats du 11 septembre 2001, qui plongent les États-Unis dans une phase de deuil et remettent en question sa toute-puissance.

Spy Game, jeu d'espions : Robert Redford a demandé la suppression d'une sous-intrigue que Tony Scott appréciait.

Universal hésite même à sortir le film et change complètement l’axe de la promotion, mettant l’accent sur des notions patriotiques que Spy Game s’amuse justement à démonter. Tony Scott doit de son côté retravailler certaines séquences, à commencer par celle de l’attentat de Beyrouth dont les images sont trop évocatrices.

Adieu au triangle amoureux

Pour d’autres raisons, Robert Redford a quant à lui insisté pour supprimer une sous-intrigue qui plaisait particulièrement au réalisateur. Spy Game prend la forme d’une confrontation entre deux générations. Arrêté en Chine alors qu’il tentait de faire évader une prisonnière, l’espion Tom Bishop (Brad Pitt) met en péril les relations diplomatiques entre le pays et les États-Unis, à quelques jours de la venue du président américain. Des dirigeants de la CIA se réunissent pour savoir s’ils tentent de le faire libérer, alors que leur décision semble déjà prise. Ils n’ont que 24 heures avant son exécution. Le jour de sa retraite, Nathan Muir (Robert Redford), le formateur de Bishop, fait tout pour les convaincre de sauver son poulain.

Dans Spy Game, deux visions du monde se percutent. L’une est représentée par Robert Redford, parfait en vieux briscard ambigu et lucide, et l’autre par Brad Pitt, qui passe progressivement de l’idéalisme à la sagesse. Le point de rupture entre le maître et son élève est la rencontre entre Bishop et Elizabeth Hadley (Catherine McCormack), une humanitaire britannique recherchée pour meurtre et acte de terrorisme.

Spy Game, jeu d'espions : Robert Redford a demandé la suppression d'une sous-intrigue que Tony Scott appréciait.

Tandis que le jeune espion tombe amoureux d’elle, Nathan Muir se méfie. À l’origine, ce dernier était censé avoir vécu une romance avec Elizabeth, comme l’explique Aubry Salmon dans l’ouvrage Tony Scott - Le Dernier samaritain. Le personnage aurait dû saboter la relation entre Bishop et Hadley par pure jalousie. Un triangle amoureux qui n’est pas sans rappeler celui de Revenge, autre long-métrage de Tony Scott dans lequel Anthony Quinn se montre particulièrement sadique lorsqu’il découvre que Madeleine Stowe, sa compagne, a une liaison avec Kevin Costner. Mais ne voulant pas ternir son image et paraître envieux de son jeune partenaire, Robert Redford s’est opposé à cette facette du personnage, obligeant le cinéaste à couper quelques scènes au montage. Ce qui n’empêche pas Spy Game, jeu d’espions d’être un film passionnant et profondément moderne, pour de multiples autres raisons.