Privé d’une sortie au cinéma en France, « Sur le chemin de la rédemption » demeure malgré tout l’un des meilleurs films de l’année 2017. Paul Schrader, son réalisateur, est même convaincu qu’il s’agit du meilleur long-métrage de la décennie, et pas seulement par prétention…
Sur le chemin de la rédemption : la crise de foi d’Ethan Hawke
À la demande du magazine Film Comment, Paul Schrader établissait en janvier dernier son top 10 des films de la décennie qui vient de s’écouler. Dans ce dernier figurent Sils Maria, Ida, Douleur et Gloire, The Tree of Life, Boyhood ou encore The Irishman. Pour la première place de sa liste, le réalisateur a choisi nul autre que le magnifique Sur le chemin de la rédemption, son dernier film en date si l’on met de côté le nouveau montage de La Sentinelle intitulé Dark.
Il ne vaut d’ailleurs mieux pas se fier à cette appellation que le réalisateur a qualifié « d’épouvantable » auprès de Première, mais plutôt à son titre original First Reformed. Le récit se déroule dans l’une des premières églises réformées des États-Unis. En proie à des douleurs de plus en plus difficiles à supporter, le révérend Ernst Toller (Ethan Hawke) est en pleine crise spirituelle et tente de retrouver un semblant d’espoir dans chacun de ses rituels quotidiens.
Ses convictions sont chamboulées lorsque Mary (Amanda Seyfried) vient de lui demander son aide. Son mari, un activiste oeuvrant pour la préservation environnementale, est en pleine dépression et est terrorisé à l’idée d’avoir un enfant. Dans la foulée, le révérend Toller découvre que son église est en partie financée par une multinationale douteuse.
Le film-somme de Paul Schrader
Paul Schrader est donc extrêmement fier de son film et il faut dire que les propositions cinématographiques aussi personnelles, radicales et iconoclastes se font rares aux États-Unis. Ayant reçu une éducation calviniste, le cinéaste et scénariste s’interroge sur l’implication de Dieu dans les dégâts que l’homme a infligés à Sa Création et sur un éventuel pardon face à un point de non-retour écologique.
Tout en prenant à bras-le-corps les problématiques sociétales actuelles, qu’elles relèvent du sacré ou de la science, le réalisateur clame à nouveau son amour pour le cinéma interrogateur et dépouillé de Robert Bresson, et notamment pour Journal d’un curé de campagne. Tout au long du film, le révérend couche ses angoisses sur le papier, comme le faisait Travis Bickle dans Taxi Driver, le premier scénario de Paul Schrader. Comme dans le film de Martin Scorsese, le personnage s’enlise lui aussi progressivement et devient obnubilé par son besoin d’une action radicale et concrète.
Bénéficiant d’une maîtrise formelle impressionnante - la scène où le révérend tente de raisonner l’activiste et d’une puissance folle, au même titre que le final bouleversant - Sur le chemin de la rédemption est un long-métrage peu aimable mais honnête, à travers laquelle la colère et les doutes du réalisateur de Hardcore résonnent avec une grâce qu’il n’avait probablement jamais atteinte jusqu’alors. Raison pour laquelle il le considère comme son chef d’œuvre, comme il l’expliquait lors d’une conversation passionnante avec Nicolas Cage :
(Le film) rassemble beaucoup de choses. Avant de devenir scénariste, j’ai écrit un livre intitulé Transcendental Style in Film (qui s’intéresse à la notion de sacré dans les films de Robert Bresson, Yasujiro Ozu et Carl Theodor Dreyer, ndlr) - c’était mon entrée dans ce monde. Ensuite, le premier script que j’ai écrit était Taxi Driver. Ce film rappelle ces deux choses. (…) Je ne sais pas trop quoi faire maintenant. J’espère que ce n’est pas mon dernier film, mais si c’est le cas, c’est un très bon dernier film.
Sur le chemin de la rédemption est à voir ou revoir sur Netflix.