Un Amour impossible : les abus de la domination masculine en Blu-ray

Vecteur d’inspiration, le roman « Un Amour impossible » de la française Christine Angot s’est retrouvé propulsé sur la scène théâtrale avant de se faire une place dans les salles obscures. Ce drame sur les liens familiaux ne tombera pas dans l’oubli de sitôt puisqu’il est aujourd’hui disponible sur le marché vidéo en Blu-ray et DVD. Un rendez-vous à ne pas manquer.

Un Amour impossible marque le retour du tandem de La belle saison (2015) alliant la cinéaste et scénariste Catherine Corsini et Laurette Polmanss aussi à l’écriture. Leurs compétences combinées, elles signent l’adaptation cinématographique de qualité du livre éponyme de Christine Angot publié en 2015 aux éditions Flammarion. Les quelques critiques implacables à l’égard de ce dernier n’ont pas suffi à décourager le duo qui se lance dans une réalisation ambitieuse ultérieurement nommée quatre fois aux César 2019.

Un Amour impossible : présentation et critique

Les années 1950 touchent à leur fin lorsqu’une employée de bureau, Rachel (Virginie Efira), tombe sous le charme d’un bourgeois prénommé Philippe (Niels Schneider) durant un bal provincial. La romance, mêlée à une sensualité certaine, s’installe rapidement tandis qu’ils apprennent à se connaître et constatent leurs divergences d’opinions sur bien des points. À commencer par le mariage ! Si lui rêve d’être « libre » et la perçoit comme trop exigeante, elle songe à officialiser sa liaison dans un avenir qu’elle espère proche. Pourtant, elle se tait. La passion se fane dès lors que la blonde tombe enceinte. Le père se défile sous de faux prétextes et refuse de reconnaître son enfant : Chantal (Estelle Lescure). S’ensuit plus d’une décennie au cours de laquelle Rachel va s’efforcer d’établir un équilibre familial sain pour le bien de sa fille jusqu’à ce qu’une terrible vérité vienne fissurer le sol sous ses pieds.

Un Amour impossible met en scène une relation malsaine plus nocive qu’épanouissante dont l’ombre ne cesse de planer au-dessus de la femme en dépit des années qui passent. Pour cause, un personnage masculin manipulateur qui parvient sans peine à la mettre sous sa coupe. À ses yeux Rachel n’est qu’un objet qu’il prend plaisir à malmener – car de classe sociale qu’il juge inférieure - en ayant recours à de la violence symbolique. Cette tendance au rabaissement à peine dissimulé se retrouve peu après leur rencontre alors qu’il la pousse à lire les écrits savants de Friedrich Nietzsche. Philippe est le type cultivé, beau garçon et bon parti qui fait tourner les têtes. Comment ne pas se sentir flattée par son intérêt ? Nul doute que des sentiments sincères ne sont pas innocents dans son aveuglement. En outre, la blonde ne pipe mot en réaction à ses discours antisémites alors qu’il critique son père qu’elle n’a que brièvement connu : « il doit cacher de l’argent, comme tous les juifs ». La peur de le perdre en se faisant entendre. Elle encaisse, se mure dans le silence jusqu’à ce que la conversation dérive. Malgré tout, il n’a cure de ce qu’elle ressent tant qu’il peut passer la nuit à ses côtés, allant jusqu’à accepter de se marier avec une jeune fille financièrement très aisée. Égoïste, intéressé et misogyne. Impossible de s’attacher à lui tant ses caractéristiques sont négatives au risque de le rendre unidimensionnel. Ce qu’il est finalement. Dans le cas où le roman n’est pas autobiographique, lui conférer une once d’humanité aurait sûrement rendu ses actes d’autant plus cruels pour une vision moins manichéenne.

La critique de la domination masculine prend son envol dès que Chantal atteint l’adolescence. Le père renoue avec sa fille, la reconnaît et accepte de passer des week-ends en sa compagnie. Ils voyagent, elle l’idolâtre pour sa connaissance du monde et tout semble parfait… en surface. Rachel se sent rejetée par son enfant devenue agressive qu’elle ne reconnaît plus. Son insécurité reprend le dessus, la dépression la submerge. Qu’est-elle à côté de Philippe ? Qu’a-t-elle encore à lui offrir si ce n’est une existence basique alors qu’il lui promet monts et merveilles ? N’est-elle inutile ? Oui, l’adolescente doit la détester pour son absence de richesse et de culture. Mais une fois de plus, elle se met le doigt dans l’œil. Trop centrée ce qu’elle pense être ses propres défauts, la mère est aveugle à nouveau et ne comprend pas les appels à l’aide qui lui sont envoyés. L’incompréhension, le mépris et la colère s’imprègnent entre elles et les poursuivront jusqu’à un âge avancé, donnant lieu à une scène finale attendue émouvante et en retenue où les non-dits n’ont plus lieu d’exister. Du baume au cœur mais une preuve qu’une expérience traumatisante vous suit toute votre vie.

L’inceste est un sujet tabou encore peu discuté mais qu’Un Amour impossible ne craint pas avec un discours très cash énoncé par Franck (Gaël Kamilindi). Comme pour la protagoniste, l'approche frontale laisse bouche-bée le spectateur qui reste muet à cette annonce (que certains auront d’ores et déjà envisagée) sans fioritures. L’impact n’aurait pas été le même en l’absence d’un casting soigneusement sélectionné. Estelle Lescure et Virginie Efira en particulier sont exemplaires, cette dernière s’illustrant dans un registre dramatique qu’on lui apprécie et qui s’annonce comme l’un des moments forts de sa carrière.

Les éditions commercialisées

Pas de surprise au programme pour la sortie physique d’Un Amour impossible concoctée par Le Pacte. L’éditeur rend accessible à tous un DVD simple ainsi qu’un Blu-ray sans exclusivité(s). Ceux curieux de lire les pages tirées de l’imagination d’Angot devront se diriger vers la librairie la plus proche puisqu’il n’existe pas de coffret réunissant ces différents supports. Mais ce n’est aucunement un blâme puisque chaque galette bleue est à célébrer à l’heure où nombreuses sont les œuvres à ne pas bénéficier du traitement haute-définition en-dehors des plateformes de streaming.

De gauche à droite : DVD, Blu-ray

Test Vidéo/Audio

Un Amour impossible fait partie de ces productions à la qualité visuelle à la fois impeccable et plutôt douce. La précision est de mise avec un piqué inébranlable jamais desservie par la compression nécessaire et les détails foisonnent aussi bien en extérieur qu’en intérieur. Le maquillage de Virginie Efira simulant un état de vieillesse et de fatigue lors de l’ultime partie offre ainsi une complexité remarquable qui ne souffre heureusement pas de la résolution HD. En outre, les habits d’époque se font une joie d’afficher fièrement leurs différents motifs et textures facilitant l’immersion dans la seconde moitié du 20ème siècle. Cependant, nous ne pouvons que spéculer concernant le matériel mobilisé pour capturer les images puisqu’aucune caractéristique n’est disponible sur le site IMDb.

Important à souligner : le travail en post-production est exquis. Avec ses tons jaunes réhaussés, le long-métrage dégage une chaleur rappelant nostalgiquement celle des pellicules 16mm. Celle-ci est par ailleurs idéale durant les vingt premières années abordées par le script en nature de leur ancienneté supposée. Les scènes tenant place dans des paysages de toute beauté tels que la forêt ou face à des étendues d’eau sont ici retranscrites à l’aide de couleurs joliment saturées et d’une luminosité éclatante insufflant un réel gain de vie. Nul doute que ces instants sont les plus flatteurs pour la rétine puisqu’entre quatre murs l’ambiance se veut plus sombre et minimaliste.

La piste française est proposée au format DTS-HD 2.0 et DTS-HD 5.1. Efficace, la spatialisation permet d’envelopper le spectateur dans des atmosphères contraires : festive avec ses rires et clameurs comme lors du passage à la fête foraine, ou dramatique à l’instar de la présence de la protagoniste dans la chambre de Chantal suite à la révélation clé du film où le silence est d’une lourdeur malaisante. Aucun « bang » à en tomber des nues ou à en sauter de son siège n’est présent puisque l’œuvre est de nature intimiste mais la musique composée par Jeanne Lapoirie (120 battements par minutes) accompagne le tout avec succès. Les dialogues sont nets et la voix de la narratrice est agréable voire caressante.

Test Bonus

L’interactivité n’est pas le point fort du Blu-ray mais son unique complément a le mérite d’être très informatif et dynamique grâce à l’entrain de la cinéaste visiblement passionnée par son œuvre.

  • Entretien avec Catherine Corsini (28:27 min) : la réalisatrice répond aux questions réfléchies par Victor Lamoussière. Durant près d’une demi-heure, elle revient sur sa découverte du livre par l’intermédiaire de sa productrice, ses points communs avec l’écrivaine, puis s’attarde sur le processus de production du scénario, à la distribution et aux choix artistiques (photographie, montage, musique).
  • Bande-annonce (2:04 min) : en HD.

Note de la rédaction

Film

Vidéo

Audio

Bonus

« Un Amour impossible » dresse une fresque s’étirant sur une cinquantaine d’années et au cours desquelles Virginie Efira fait ses preuves en se glissant dans la peau d’une femme tourmentée par la culpabilité. L’exploration des époques est un atout donnant du cachet au film grâce à une palette large de coutumes et modes tandis que le sujet de fond sur la condition féminine est abordé avec noirceur. Le Blu-ray est quant à lui une réussite technique pour l’éditeur Le Pacte qui fournit également un supplément indispensable.

Note spectateur : Sois le premier