Wonder Wheel en Blu-ray : des existences en roue libre

Suite à une sortie plutôt timide dans les salles françaises en début d’année, « Wonder Wheel » s’apprête à proposer son atmosphère estivale à temps pour débuter fièrement ce nouvel été. Pour cause, le Blu-ray et le DVD seront disponibles dans les bacs dès le 27 juin grâce à AB Vidéo.

Difficile de citer tous les films de Woody Allen. À 82 ans, le cinéaste compte une cinquantaine de réalisations incluant Annie Hall (1977), Tout le monde dit I love you (1996) et Blue Jasmine (2013). Il s’érige ainsi comme l’un des réalisateurs phares du cinéma américain. Incontournable, c’est aussi pour la visée psychanalytique de ses long-métrages qu’il se fait remarquer. Il n’hésite pas à se servir de ces médias pour aborder des problèmes sociétaux, ainsi que la complexité et la diversité des relations humaines. Malheureusement, Wonder Wheel n’a pas su trouver son public et fut boudé par les grandes cérémonies alors qu’Allen se retrouve aux prises d’un scandale. Pour un budget estimé à 25 millions de dollars, les recettes internationales s’élèvent quant à elles seulement à 15,3 millions. Coup dur pour le scénariste qui est pointé du doigt comme « à bout d’imagination ».

Wonder Wheel : du théâtre à ciel ouvert

Coney Island, station balnéaire, durant les années 1950. C’est dans ce contexte que prend place Wonder Wheel. Narré par un jeune maître-nageur prénommé Mickey (Justin Timberlake) désireux de devenir dramaturge, le récit ne manque pas de touches dramatiques. Il le dit lui-même : il est un « amoureux du drame ». De là peuvent s’expliquer des situations et des personnages parfois un tantinet stéréotypés et extrêmes. Mais difficile d’en être certain avec Allen qui n’en est pas à sa première écriture d’un type lourdaud et plutôt pitoyable car n’ayant pas fait de hautes études.

Le spectateur est confronté à une ouverture haute en couleur, dans un univers où joie et rires se mêlent grâce aux attractions et à la plage polluée de touristes et d’habitants du coin. Pourtant, sous la surface, la réalité est bien plus cruelle que ne le laissent penser les premières images ponctuées d’une musique dans la veine de celles utilisées à chaque générique des films du cinéaste. Débarque du passage sous la grande roue, Carolina (Juno Temple), une demoiselle d’environ 25 ans, armée de plusieurs bagages et à la recherche de son père avec qui elle a coupé les ponts depuis son mariage désormais arrivé à son terme. En fuite pour assurer sa propre protection, elle se sait menacée par son ex-mari qui n’est autre qu’un gangster. Lors de sa quête, elle fait la rencontre de la nouvelle femme de ce dernier : Ginny (Kate Winslet).

Serveuse, la protagoniste travaille dans un restaurant du bord de mer. Pour elle, cela n’est qu’un rôle qu’elle joue. Ancienne actrice rêvant de faire son retour sur scène, l’audience fait la connaissance d’une femme brisée par une vie et un mariage qui ne lui conviennent pas. Amère, il lui faut hausser le ton pour empêcher son mari, Humpty (Jim Belushi), de vider chaque bouteille qui croise son chemin et remettre son fils pyromane, Richie (Jack Gore) sur le droit chemin. Épuisée et à bout de nerf par ce quotidien qui lui provoque des maux de tête insoutenables, l’arrivée de la jeune fille est la cerise sur le gâteau. Tout ne cesse de se dégrader dès lors.

Ginny se livre à une relation extra conjugale avec Mickey, et ne tarde pas à fonder des espoirs quant à un avenir en commun malgré leur différence d’âge conséquente. Seul l’amour qu’ils se livrent comptent, et elle s’y livre corps et âme. Malgré son infidélité, le personnage n’est pas délivré négativement et justifie ses actions par un passé qui la hante et un présent qui la tourmente. Au contraire, il s’agit d’une échappatoire idéale qui lui permettrait de remettre les compteurs à zéro et de se vouer à une existence épanouie et loin de la monotonie à laquelle elle est actuellement confronté. Un vent d’espoir, de confiance, envers un futur radieux. Tristement, ce paysage s’assombrit tandis que le maître-nageur fait la connaissance de Carolina. Le coup de foudre est immédiat. Si elle n’est pas pire que ces hommes qui la maltraitent physiquement et psychologiquement, Ginny commet un crime aux conséquences désastreuses alors qu’elle n’est obnubilée que par une chose : la vengeance.

Les éditions commercialisées

Édité en Blu-ray et DVD par AB Vidéo, Wonder Wheel ne dispose pas d’édition collector ou même exclusive au marchand FNAC. À vrai dire, aucun pays à l’international a pris le parti de proposer un steelbook ni du contenu exclusif par exemple. Le peu de succès rencontré par le long-métrage lors de sa sortie en salle, couplée au buzz autour de son réalisateur, n’a probablement pas joué en sa faveur.

De gauche à droite : Blu-ray, Blu-ray + Copie digitale (USA)

Test Vidéo/Audio

Filmé à l’aide de caméras Sony CineAlta, Wonder Wheel a été finalisé en 4K. Étonnant donc qu’avec un master sous le coude, Universal (l’éditeur américain) ait décidé de ne pas l’exploiter en commercialisant un disque de cette même définition. Regrettable aussi car si l’œuvre cinématographique impressionne, c’est avant tout par la qualité de sa photographie signée Vittorio Storaro. Il ne s’agit pas de sa première collaboration avec le cinéaste puisque tous deux se sont déjà rassemblés pour Café Society (2016). La filmographie de l’homme est tout aussi impressionnante qu’elle comprend des classiques tels qu’Apocalypse Now (1979) et Le dernier empereur (1987) qui lui ont tous deux rapportés un Oscar.

Le film offre une myriade de couleurs grâce à une palette explosive mais non pas moins savoureuse. Les teintes primaires sont particulièrement poussées, notamment lors des prises de vue de la plage, de la grande roue et autres attractions. Cette forte saturation peut parfois légèrement prendre le pas sur le réalisme, mais elle sait aussi se montrer plus douce afin de contrebalancer. Le jeu des couleurs est intéressant à analyser lors du visionnage, puisqu’elles reflètent l’état d’esprit des personnages. Une des scènes les plus parlantes est lorsque Ginny conte son histoire à Mickey, sous la jetée. Le gros plan qui s’arrête sur son visage est splendide et révélateur. Alors qu’elle parle avec fougue et passion d’une jeunesse et d’un amour insouciant, son faciès est éclairé d’un rouge vibrant. Mais, dès lors que la femme aborde sa chute, son éclat faiblit peu à peu pour être remplacé par un bleu dramatique. Wonder Wheel regorge de ce type de jeu visuel que le Blu-ray parvient à restituer sans peine.

De façon plus globale, l’image est tout simplement immaculée. Ses arrière-plans sont fouillés, les détails ne manquent jamais à l’appel (cheveux, textures des vêtements et de la peau…), et la profondeur excellente. Difficile d’imaginer une qualité supérieure, si ce n’est sur un support 4K avec la fonction HDR qui apporterait d’autant plus de peps à un long-métrage déjà visuellement étourdissant.

En ce qui concerne le son, AB Vidéo gâte son public puisque l’éditeur propose une piste DTS-HD 5.1 et DTS-HD 2.0 en français ET en anglais. Elles sont aussi accompagnées d’une audiodescription étonnamment encodée en DTS-HD 2.0 (habituellement, elles sont fournies en Dolby Digital 2.0). Que dire de ces pistes, en particulier la version originale en 5.1 ? Et bien, Wonder Wheel repose avant tout sur ses dialogues qui demeurent centrés et parfaitement clairs, qu’ils soient prononcés sur le ton de la confidence ou hurlés à tue-tête. Si la partie vidéo est sensationnelle, l’audio est lui bien plus limité de par nature. À vrai dire, il n’y a pas de musiques à proprement parler. Le spectateur est avant tout transporté dans cet univers grâce à plusieurs titres dont Coney Island Washboard interprété par The Mills Brothers. Tout de même, l’œuvre cinématographique dispose d’effets surround et de basses satisfaisants pour son genre, notamment grâce aux sons d’ambiance.

Test Bonus

Le spectateur n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent en matière de suppléments mais, une fois de plus, cela n’est pas exclusivement du ressort d’AB Vidéo. En effet, l’éditeur propose une featurette identique à celle du disque américain. Dommage qu’un film aussi récent ne s’accompagne ni de scènes coupées, ni de commentaire audio. La réputation de Woody Allen a eu raison de Wonder Wheel.

  • Making of (3:10 min) : ce titre n’est pas vraiment adapté à ce qui est ici présenté. En vérité, il s’agit surtout d’un extrait du panel de questions/réponses dirigé lors de l’Avant-première du film. Une poignée d’acteurs reviennent sur leur personnage, mais livrent aussi diverses anecdotes à l’intérêt parfois plutôt limité.
  • Bande annonce (1:31 min) : en HD.

Conclusion

Note de la rédaction

« Wonder Wheel » n’est pas LE chef-d’œuvre de Woody Allen pour sûr. Malgré tout, il s’apprécie de par sa photographie travaillée et les performances réussies de son casting (notamment Kate Winslet). Le Blu-ray parvient sans mal à retranscrire cette atmosphère atypique d’une station balnéaire des années 1950, mais décevra les curieux à la recherche d’analyse et autres bonus. Barème : Film ★★★ / Blu-ray ★★★★★ / Bonus ★

Sur la bonne voie

Note spectateur : Sois le premier