Tueurs sur Netflix : retour sur ce polar inspiré de faits réels et réalisé par un ex-braqueur

Entre faits divers sordides et intrigues politiques

Tueurs sur Netflix : retour sur ce polar inspiré de faits réels et réalisé par un ex-braqueur

Sorti en décembre 2017, "Tueurs" est maintenant disponible sur Netflix. Retour sur ce polar sombre et violent, réalisé par une ancienne figure du grand banditisme belge et qui s'inspire de l'affaire des Tueurs du Brabant.

Tueurs est un film belge, avec un casting solide et une belle promesse : poursuivre le regain du polar noir francophone, et en l'occurence le polar belge. Sorti au cinéma le 6 décembre 2017, ce film qui lorgne ouvertement sur le travail de Michael Mann avec des allures d'Olivier Marchal est plutôt passé sous les radars malgré une honorable réception critique. Pour résumer son argument principal, Tueurs propose un face-à-face entre la figure du banditisme Frank Valken (Olivier Gourmet) et le grand flic Danny Bouvy (Bouli Lanners). Autour d'eux, plusieurs têtes connues du cinéma belge animent une intrigue complexe qui va les entraîner plus de trente ans en arrière, notamment Natacha Régnier, Lubna Azabal et Kevin Janssens.

Un réalisateur du "milieu" et des terribles affaires non-élucidées

Pour le film Tueurs, c'est le scénariste et réalisateur François Troukens qui écrit le scénario et assure la réalisation. Il n'est pas un cinéaste comme les autres, puisque cet homme né en 1969 a été une figure du grand banditisme belge pendant les années 90, enchaînant braquages et cavales. Finalement arrêté à Paris en 2004, il a entamé un retour dans la légalité en suivant en prison des cours de Lettres Modernes. Il s'était par ailleurs approché du milieu de l'écriture et du cinéma durant ses années de cavale - il a notamment assisté au tournage de Swimming Pool en 2003 et s'est affiché au Festival de Cannes -, allant même jusqu'à fonder une maison d'édition au Luxembourg, avec des faux papiers.

François Troukens
François Troukens ©La Nouvelle Gazette

Libéré sous conditions en 2010, il se lance dès 2012 sur son projet Tueurs, mais doit retourner en prison pour avoir rencontré... Joey Starr. Le rappeur et acteur ayant lui-même eu des démêlés avec la justice, il était interdit à François Troukens de rencontrer d'autres "repris de justice", ce qui l'a donc reconduit derrière les barreaux. Mais, férocement déterminé, l'ex-braqueur aspirant réalisateur s'accroche et peut enfin tourner Tueurs en 2016, aux côtés du chef opérateur Jean-François Hensgens.

Tueurs propose un drame original mais qui s'appuie explicitement sur l'affaire des Tueurs du Brabant. Cette affaire criminelle est en réalité une série de braquages particulièrement célèbres et sanglants qui ont pris place en Belgique entre 1982 et 1985, majoritairement dans la province du Brabant, mais aussi à une occasion dans le Nord de la France, à Maubeuge. Ces tueries n'ont jamais été élucidées, et les auteurs n'ont jamais été identifiés, malgré une longue liste de suspects et plusieurs pistes explorées. À ce jour, il existe toujours une cellule de la police fédérale belge dédiée à l'enquête.

Tueurs, entre fiction et faits réels

Le film s'offre donc un cadre très réaliste pour se démarquer en s'inscrivant explicitement dans une affaire aussi réelle que sordide. Mais pour apporter de la matière cinématographique et sublimer ce grave fait divers, les auteurs ont choisi d'y mêler une intrigue politico-judiciaire où les services secrets et la classe politique belge ont leur cartes à jouer... Une idée que la police elle-même n'avait pas exclue à l'époque, et qui a permis à François Troukens d'évoquer les tueries du Brabant et d'y ancrer son histoire sans pour autant transformer ou insister sur les faits réels.

Tueurs
Tueurs ©Rezo Films

Ainsi, plus que cet aspect véritable de Tueurs, le spectateur est invité à se plonger dans un polar classique, très noir, où les forces légales s'opposent à des forces criminelles avec des interprétations convaincantes, dont celle de Lubna Azabal, récompensée du Magritte de la meilleure actrice en 2019. Si Olivier Gourmet et Bouli Lanners ne sont pas Robert De Niro et Al Pacino, et si François Troukens n'est pas Michael Mann, on ressent néanmoins une admiration sincère pour Heat et plus largement une inspiration maîtrisée du polar noir moderne comme l'a par exemple mis en scène Olivier Marchal. Entre gun fights brutaux et dialogues burnés, Tueurs a son charme et il est à redécouvrir depuis le 7 avril 2021 sur Netflix.