Cannes 2018 : 5050x2020, vers une parité femmes-hommes au cinéma ? (vidéo)

Lundi 14 mai s'est tenue à Cannes une table ronde en cercle restreint, visant à questionner la répartition du pouvoir au cinéma. Le Festival de Cannes, la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique ont signé une charte à l'initiative de l'association 5050 pour 2020, en faveur de la parité femmes-hommes dans les festivals.

Samedi 12 mai, un événement à la symbolique forte avait amené le sujet de l'égalité hommes / femmes sur le tapis (littérallement). 82 femmes avaient posé ensemble sur les marches pour dénoncer les inégalités salariales dans l'industrie du cinéma. Parmi celles-ci, on pouvait facilement reconnaître Cate Blanchett, Kristen Stewart, Agnès Varda, Jane Fonda, Marion Cotillard, Salma Hayek, Sofia Boutella ou encore Leïla Bekhti.

 

Une table ronde internationale

Deux jours plus tard, lundi 14 mai, 10 femmes, représentant chacune une association ou un mouvement, pour la plupart créés à la suite du lancement de Time's up aux Etats-Unis, se sont réunies pour faire passer un message et présenter leurs actions. Parmi elles, Rebecca Zlotowski et Céline Sciamma pour la France. Times Up US et UK, Dissenso comune (Italie), Greek women’s wave (Grèce) et CIMA (Espagne). Pour la première fois, ces mouvements, pour certains très jeunes, se réunissent dans une optique de solidarité internationale.

La ministre de la Culture Françoise Nyssen a inauguré cette conférence 5050x2020 avec un discours fort. Elle a annoncé des Assises de l'égalité femmes-hommes dans le cinéma et salué "très très très chaleureusement cette initiave".

L'initiative 5050x2020 oriente sa démarche vers une réflexion sur la parité qui dépasse la dénonciation des agressions sexuelles, à l'origine de la médiatisation massive de Time's up, suite à l'affaire Weinstein, et son effet domino (#MeToo). Ce collectif a été créé par l'association Le Deuxième regard, constituée de 300 personnalités du cinéma parmi lesquelles les cinéastes Tonie Marshall, Bertrand Bonello, les acteurs Adèle Haenel, Léa Seydoux et Pierre Deladomchamps, des producteurs et distributeurs

 

Des chiffres alarmants

Le 13 mars 2018, lors de la table ronde organisée par le CNC, Femmes et cinéma : la relève, Frédérique Bredin, Présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a présenté les derniers chiffres sur la place des femmes dans la réalisation, la production et la formation dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel, en France.

  • Ces chiffres montrent que l’écart se réduit

La France compte le plus grand nombre de femmes réalisatrices de longs métrages d’Europe : + 63 % en dix ans.
Un film sur deux réalisé par une femme en Europe est réalisé par une Française.
A l’Avance sur recettes, les projets déposés par les femmes sont plus souvent soutenus que ceux déposés par les hommes (11% de taux de réussite chez les femmes contre 9% chez les hommes)
La moitié des premiers films soutenus à l’Avance sur recettes sont réalisés par des femmes. De plus, en 2017, la parité est atteinte au sein des commissions du CNC. 51 % des membres de commissions du CNC sont des femmes

  • Cependant ...

En France, une femme réalisatrice gagne en moyenne 42% moins qu'un réalisateur, une femme productrice 38% moins qu'un producteur. (source : 5050x2020)

En Grèce, seuls 21,5% de femmes composent l'industrie du film, dont 13% dans les métiers du maquillage, de l'habillage et du décor. (source : Greek women’s wave)

En Italie, 88% des films sont faits par des hommes, et 96% sont financés par des hommes. (source : Dissenso comune)

En Espagne, l'industrie du cinéma compte seulement 26% de femmes. (source : CIMA)

 

Une charte pour les festivals

 

  • Contenu de la charte

La charte vise à la mise en applications de deux mesures.

  1. Elle vise à ce qu’en 2020 les conseils d’administration des institutions culturelles soient paritaires.
  2. Elle s'engage à créer un Observatoire de l’égalité dans l'industrie cinématographique. Cet outil publiera les chiffres et analysera les données du cinéma français, afin de favoriser la prise de conscience collective, de quantifier les évolutions.

  • Signature en direct

Un moment fort de cette table ronde a été la lecture de la charte par le délégué général du festival de Cannes Thierry Frémaux, et sa signature par trois acteurs du Festival. Thierry Frémaux lui-même, Paolo Moretti, prochain délégué général de la Quinzaine des réalisateurs et Charles Tesson, actuel délégué général de la Semaine de la critique, ont été les premiers signataires.

 

Un appel à la solidarité

A une question d'un journaliste qui demande s'il n'est pas paradoxal de solliciter Thierry Frémaux pour parrainer ce mouvement, Rebecca Zlotowski répond très pertinemment que les femmes ont besoin des hommes pour pallier les inégalités : "Ils font parti du problème mais aussi de la solution". C'est eux qui ont le pouvoir, y compris le pouvoir de changer les choses.

Toutes les associations engagent à l'unité. En particulier, dans les pays marqués par une organisation patriarcale très forte, comme l'Italie, les femmes sont incitées à se lever ensemble d'une même voix, pour l'égalité. Les différents mouvements présents ce lundi 14 mai ont affirmé la volonté d'amorcer une solidarité internationale entre femmes du cinéma, notamment par la création d'une base de donnée partagée entre tous les pays, afin que plus aucun homme ne puisse avoir l'excuse de n'avoir pas choisi une femme, car ils n'en ont "pas trouvé".

 

Il y a une raison pour laquelle on n'a pas appelé notre mouvement "Girl Power" mais "Time's Up". Plus les voix sont nombreuses et plus chacune de nous peut avancer sans peur. On doit tous prendre part à cette révolution (Time's Up US)