Curiosa : l'érotisme a un prix

Curiosa : l'érotisme a un prix

CRITIQUE FILM - Pour son premier film, "Curiosa", Lou Jeunet décide de décrire l'initiation à l'amour et à l'érotisme d'une femme... Par à un homme. Les images et la musique peuvent être pop, le propos osé, l'ensemble demeure parfois bien trop sur-joué.

Comment filmer le sexe au cinéma ? Pour le coup, la scénariste et réalisatrice Lou Jeunet a bien compris qu'il fallait trouver un juste-milieu. Entre le frontal (Lars von Trier et son diptyque Nymphomoniac) et la subtilité (Bertrand Bonello et L'Apollonide - Souvenirs de la maison close). Son premier film, Curiosa, dont le fond et la forme sont typiques du cinéma français, tangue entre les deux, à défaut peut-être de se trouver une réelle identité.

Le film fonctionne sur un point de départ classique : un triangle amoureux. Marie de Héredia (Noémie Merlant, au regard perçant) épouse à contre-cœur le poète Henri de Régnier (Benjamin Lavernhe, malheureusement à côté de son texte). C’est de Pierre Louÿs (Niels Schneider, romantique et convainquant) qu’elle est amoureuse. Poète à ses heures perdues, photographe à plein temps... Et "érotomane" comme on dit. C’est avec lui que Marie va découvrir le véritable amour, le sexe, l'érotisme du corps. Le tout, plongé dans un décor d'époque, mais dans des costumes aussi ; tous plutôt bien travaillés et plausibles.

Chocs d'époques

Cependant, d'emblée, quelque chose cloche. La réalisation d'abord est trop moderne pour réellement fonctionner avec ces images. Le problème majeur de Curiosa n'est donc pas forcément son propos. L'éveil sexuel est quelque chose qui a traversé les âges, les générations, mais jamais de la même façon. Ici, le film décrit cette découverte via un corps ingénu, prude, presque innocent, mais à travers les actes d'un homme. Voilà qui est problématique.

Critique Curiosa : l'érotisme a un prix

Puisque le personnage de Niels Schneider a beau être un apollon, il n'est pas moins un amant auquel il est difficile de s'identifier. Est-il amoureux d'elle ou de son corps ? Cache-t-il ses pulsions derrière ses photographies, son art ? Le XIXème siècle est, sur ce point, dépeint avec brio. On ne pouvait pas mieux imaginer le désir dans des appartements parisiens d'époque. Ce qui pose davantage problème, encore une fois, ce sont les éléments du décor, les personnages.

Puisque Curiosa mêle son époque avec des sursauts plus modernes ; dont la musique, qui se permet d'encadrer des scènes pop et électro - presque à la Xavier Dolan. Sauf que ce parti-pris (qui peut retranscrire l'idée de liberté, de renouveau) ne convient que très peu au reste (les dialogues, notamment). Vint alors un malaise, une contradiction dans le ressenti. Curiosa change de cap dans son troisième acte et opte pour le film épistolaire. Plus inventive, la réalisation se permet un peu plus et là, enfin, la protagoniste avance fièrement, libre de ses faits et gestes. L'emprise d'autrui n'est plus le centre de l'attention du film. Elle est la, l'émancipation, la vraie.

 

Curiosa de Lou Jeunet, en salle le 3 mars 2019. Ci-dessus la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Parfois poussif et trop démonstratif, "Curiosa" filme trop les corps à défaut des sentiments, en dépit d'un troisième acte convainquant.

Note spectateur : 3.1 (2 notes)