I Feel Good : une comédie sociale décapante

I Feel Good : une comédie sociale décapante

CRITIQUE FILM – Dans « I Feel Good », Jean Dujardin interprète un incapable qui rêve d’être un grand patron. En plus de dévoiler l’une des meilleures performances du comédien, le film marque le grand retour de Gustave Kervern et Benoît Delépine à la comédie enragée.

Deux ans après le touchant Saint Amour, Benoît Delépine et Gustave Kervern reviennent en grande forme avec I Feel Good, comédie nettement plus acerbe que leur précédent film. Tourné en grande partie dans le village Emmaüs de Lescar-Pau, le long-métrage présente Monique, la dirigeante de la communauté, qui voit son frère Jacques débarquer comme si de rien n’était après plusieurs années d’absence.

Partisan acharné de l’ultralibéralisme, ce dernier tente de faire fortune mais n’a toujours pas trouvé l’idée qui pourrait le rendre riche. En quête perpétuelle d’un concept en or, le bon à rien va bouleverser la vie du village avec un projet aussi débile qu’inutile.

L'une des meilleures performances de Jean Dujardin

Avec I Feel Good, Jean Dujardin signe sa meilleure performance comique depuis OSS 117 : Rio ne répond plus. Dès sa première apparition en peignoir sur l’autoroute, le spectateur réussit à capter tout le ridicule du personnage qu’il interprète grâce à des mimiques mises en valeur par des cadres serrés, qui ne font qu’amplifier le décalage, puis le malaise.

Le regard à la fois idiot et profondément condescendant qu’il porte sur tous les autres protagonistes fonctionne dans chacune des scénettes qui s’enchaînent avec entrain, comme c’était le cas dans Le Grand Soir. Après nous avoir immergé dans une zone industrielle en nous faisant suivre le quotidien d’un punk interprété par Benoît Poelvoorde, Gustave Kervern et Benoît Delépine nous plongent ici dans le village Emmaüs à l’architecture singulière, à travers lequel Jacques erre à la recherche de potentiels clients.

I Feel Good : Critique du film avec Jean Dujardin.

Si le film semble enchaîner les sketchs, il ne manque cependant pas de cohérence narrative et suit l’évolution de l’état d’esprit du personnage principal. Alors qu’il tente de faire illusion lors de son arrivée improbable, Jacques prend ensuite de haut les habitants en n’hésitant pas à rappeler que sa sœur est leur « cheffe ». Une fois que la confiance est installée, l’aspirant chef d’entreprise qui fantasme sur sa propre Trump Tower multiplie les coups de bas et ne cesse de profiter de leur gentillesse. Le tout semble prévisible mais l’interprétation de Dujardin associée à l’énergie des cinéastes donne lieu à des séquences hilarantes et parfois totalement hallucinantes. Les explications faiblardes de Jacques sur sa rupture avec ses parents, mises en parallèle avec des flashbacks révélant sa bêtise et son talent pour mentir, en sont le parfait exemple.

Face à Dujardin, Yolande Moreau, au même titre que tous les autres interprètes, ne démérite pas. Profondément bienveillante mais jamais dupe, Monique laisse son frère gambader dans le village sans pour autant se douter du désastre qu’il est sur le point de créer. Comme le spectateur, elle ne pouvait en effet pas se douter que l’incompétent qui passe son temps à se dire qu’il est le meilleur irait au bout d’un projet professionnel pour le moins audacieux.

Un basculement dans l'absurdité totalement jubilatoire

La dernière partie d’I Feel Good rappelle les pétages de plombs d’Albert Dupontel et Benoît Poelvoorde dans Le Grand Soir. Après avoir enchaîné les réunions dans lesquelles il manipule tant bien que mal ses potentiels clients, Jacques se pointe un jour avec une idée aboutie, à sa manière bien sûr.

Alors que le spectateur commençait à se demander où irait le film, ce dernier prend alors une trajectoire inattendue. Le discours consumériste de Jacques aurait-il réussi à gangrener un environnement qui pense à l’inverse ? C’est la question que réussisse à provoquer Gustave Kervern et Benoît Delépine dans l’esprit du public avant d’y répondre de manière radicale et démente.

I Feel Good : Critique du film avec Jean Dujardin.

L’absurdité atteint son paroxysme dans les dernières minutes jouissives et quasiment libératrices d’I Feel Good. Alors que la mise en scène se montrait jusque-là riche en petits signes savoureux, à l’image d’une photo du Bernard Tapie de la grande époque trônant sur la table de chevet de Jacques, elle devient beaucoup plus frontale dans la conclusion. Les deux réalisateurs n’épargnent pas leur personnage et n’oublient pas non plus les ravages qu’il a provoqués chez les autres. En résulte une scène finale totalement réjouissante et surprenante, dans laquelle Kervern et Delépine finissent d’achever Jacques, et le spectateur par la même occasion.

Avec leur regard bourré d’empathie sur une communauté mise à mal par une pourriture incompétente qu’ils prennent un malin plaisir à ridiculiser et détruire, les deux cinéastes se lâchent et révèlent avec un humour ravageur leur pensée sur les modèles politiques actuels. Moins tendre que Mammuth et Saint Amour mais aussi énervé que Louise-Michel, I Feel Good tombe donc à point nommé en cette période de start-up nation et marque le retour d’un Jean Dujardin au top de sa forme.

I Feel Good est au cinéma à partir du 26 septembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

« I Feel Good » est à ranger parmi les comédies les plus drôles et méchantes de ses auteurs, qui signent une fable sociale démente.

Note spectateur : 2.7 (1 notes)