Je ne rêve que de vous : l’amour plus fort que tout

Je ne rêve que de vous : l’amour plus fort que tout

CRITIQUE / AVIS FILM - "Je ne rêve que de vous", avec Elsa Zylberstein, Hippolyte Girardot et Emilie Dequenne, plonge le spectateur dans l’histoire passionnelle entre Léon Blum et Jeanne Reichenbach, qui trouva son acmé en pleine Seconde Guerre mondiale.

Quand on évoque Léon Blum, grande figure du socialisme français, on pense aux réformes qu’il a menées, permettant l’amélioration des conditions de travail des ouvriers, comme la création des congés payés ou la réduction du temps de travail. On se souvient aussi de l’antisémitisme dont il a été victime. Mais on se doute assez peu que l’homme a vécu jusqu'à la fin de sa vie une grande passion avec Jeanne Reichenbach, dite Janot, et que cette passion leur a permis de mieux traverser le chaos de la Seconde Guerre mondiale. Dans Je ne rêve que de vousadapté du roman Je vous promets de revenir de Dominique Missika, le réalisateur Laurent Heynemann se concentre sur les années 1940 à 1945 de cette passion vécue au grand jour.

Léon Blum est interprété par Hippolyte Girardot, parfait de sobriété et de justesse face aux dangers qu’il encoure, et Janot par Elsa Zylberstein, qui a tendance à sur-jouer l’amoureuse éperdue, tantôt enthousiaste, tantôt désespérée. Mais cette emphase permet sans doute d'expliquer la force de cette passion malgré le décalage entre l’homme politique sérieux et la femme exaltée de 27 ans sa cadette. Ils se sont rencontrés alors qu’elle n’avait que 16 ans et malgré leurs deux mariages respectifs, ont toujours été épris l’un de l’autre.

Lorsqu’ils se marient à Buchenwald, à côté du camp de concentration dont on apprend avec une certaine consternation qu’ils n’en découvriront l’horreur qu’à la Libération, ils ont 44 et 71 ans. Des âges qui, il faut bien en convenir d’un point de vue passionnel, ne font pas vraiment rêver. Pourtant, le réalisateur qui a coécrit le scénario avec Luc Béraud, parvient très bien à embarquer le spectateur dans cette aventure intime qui rejoint l’Histoire, période dans laquelle tout prend des proportions de désastre annoncé, d’urgence vitale et de possibilité de toucher la mort du doigt à n’importe quel moment.

Le cœur a ses raisons que la raison ignore

Par le prisme de cet amour mêlé d’admiration réciproque et d’échanges épistolaires en voix off, le spectateur plonge donc aux côtés de Janot, que la caméra ne lâche pas d’une seconde. Ceux qui espèrent que ce bouillonnement soit révélé à l’écran par la vision des ébats des deux amants en seront pour leurs frais, tant le film reste discret, offrant à peine un petit baiser et une main posée sur une épaule nue.

Laurent Heynemann dresse donc le portrait émouvant d’une femme éprise et déterminée, oscillant entre courage et inconscience qui, malgré les exhortations de Blum, refuse d’être raisonnable et de sauver avant tout sa peau. Qualifiée d’irrépressible par son amant lui-même, elle choisira de rester à ses côtés et de ne partir, ni avec son second mari Henri Reichenbach (Grégori Derangère) qui se suicidera de chagrin, ni avec Georges, le fils qu’elle a eu avec son premier mari Henry Thorès (Thomas Chabrol), et qui mourra en Angleterre. Heureusement, ce portrait un peu trop fougueux est nuancé lorsque Janot se retrouve dans un grand moment de vulnérabilité et est à son tour soutenue par l’épaule consolatrice de Blum, dont l'amour ne fait plus aucun doute.

Je ne rêve que de vous montre les grandes difficultés de l’héroïne à se faire accepter comme compagne légitime, notamment aux yeux dubitatifs de Renée (Emilie Dequenne), la belle-fille de Blum, dont le mari est prisonnier. Renée sera finalement bouleversée par les sacrifices de Janot et la sincérité de son amour et elles deviendront complices dans l’affection qu’elles portent à Blum. Car on sait bien que l’amour donne des ailes, et le film retrace le soutien indéfectible de Janot pendant les mois de détention et de privation, remuant des montagnes pour obtenir des laissez-passer et remonter le moral du grand homme, le suivant dans ses différents lieux de détention, jusqu’à Buchenwald.

On peut aussi voir Je ne rêve que de vous comme un bel hommage rendu aux compagnes des hommes accusés par le régime de Vichy d’être responsables de la défaite de 1940, emprisonnés aux côtés de Blum dans l’attente de procès de Riom ou de leur assassinat. Ainsi l’actrice Béatrice Bretty (Stéphane Bissot), compagne de Georges Mandel (Jérôme Deschamps) ou la chanteuse Cora Madou (Mathilda May), épouse de Guy La Chambre. Car ce qui rend intéressant le film, c’est qu’il revisite très bien cette période floue emplie de doutes sur la suite des événements et évoque par touches subtiles le passé politique de Blum. Pourtant, certaines scènes manquent de vraisemblance et sont traitées de façon franchement trop romanesque, notamment les scènes dans la pension.

Enfin, certains reprocheront peut-être au film de se priver d’un public plus large que celui féru de cette période historique, et de lui avoir préféré le format cinématographique plutôt que télévisuel. D'autant que le réalisateur s’est spécialisé depuis quelques années dans des téléfilms de portraits d’hommes marquants (Pierre Mendès-France, Valéry Giscard d’Estaing ou Pierre Bérégovoy). Mais au fond, peu importe le média, dès lors que le film atteint l’objectif de donner envie au spectateur de se replonger dans cette partie de l’Histoire qu’il aura effleurée d’une autre manière. Je ne rêve que de vous ouvre donc un pan de la Grande Histoire par le biais d’une relation romanesque à souhait et inconnue du grand public, qui sauva vraisemblablement la vie de l’un des hommes politiques les plus emblématiques de France.

 

Je ne rêve que de vous de Laurent Heynemann, en salle le 15 janvier 2020Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"Je ne rêve que de vous" se penche avec émotion sur la passion amoureuse de Léon Blum pour Jeanne Reichenbach, qui l'aida à traverser le chaos de la Seconde Guerre mondiale

Note spectateur : 1.47 (3 notes)