La Daronne : l’occasion fait le larron

La Daronne : l’occasion fait le larron

CRITIQUE / AVIS FILM –"La Daronne" est une comédie qui provoque une empathie aussi amorale que réjouissante envers une femme devenue dealeuse par hasard. Avec Isabelle Huppert et Hippolyte Girardot.

Une corde de plus à l’arc d’Isabelle Huppert

On attendait avec impatience le dernier long-métrage de Jean-Paul Salomé, sept ans après l’excellent Je fais le mort. On n’est pas déçu car on retrouve dans La Daronne le même ton subtil, mêlant dérision et enquête policière et permettant la révélation d’un héros singulier, surprenant et attachant. Patience Portefeux (Isabelle Huppert, remarquable de sobriété) est interprète judiciaire franco-arabe, amenée à exercer son métier aussi bien sur les lieux des arrestations qu’au sein de la Brigade des Stups ou encore chez elle, à retranscrire en français ses écoutes téléphoniques. C’est une veuve discrète, à l’écoute de ses deux filles adultes Hortense (Iris Bry) et Gabrielle (Rebecca Marder) et qui commence une liaison avec le Commandant Philippe (Hippolyte Girardot).

Patience vit seule et très modestement dans un quartier populaire et est la dernière française de l’immeuble occupé par des chinois. Toujours en retard de loyer, elle est regardée avec un mauvais œil par la propriétaire Madame Fo (Jade-Nadja Nguyen). D’autant qu’elle a aussi du mal à régler les mensualités à l’EHPAD dans lequel se trouve désormais sa mère (Liliane Rovère), dont la maladie d’Alzheimer et l’oubli définitif de moments marquants fragilisent Patience. La police et la justice se demandent souvent si les malfrats sont devenus ce qu’ils sont par nature ou par opportunité. Dans La Daronne, on peut parler sans équivoque de la rencontre maligne d’une opportunité avec un atavisme.

Car Patience, avant d’être celle qui travaille pour la police, était plutôt du côté des voyous. Le réalisateur reste flou, et on sait juste que ses parents l’utilisaient pour blanchir de l’argent, de même qu’elle a dû traîner dans quelques affaires illégales aux côtés de son mari, décédé trente ans plus tôt. Même si elle n’était pas à l’origine des malversations, Patience a forgé sa force de caractère dans son histoire personnelle : calme et posée, observatrice, elle assimile très vite tout ce qu’elle entend. Elle est même parfois moqueuse, voire attendrie, quand elle écoute les conversations de certains branquignols, comme Scotch (Rachid Guellaz) et Chocapic (Mourad Boudaoud).

« La galérance, elle est finie »

Aussi, quand Patience découvre que l'un des trafiquants pris en filature par son service est Farid, le fils de Khadidja (Farida Ouchani), l'infirmière dévouée qui s’occupe de sa mère et qu’elle apprécie beaucoup, ses réflexes d’entraide envers les gens en galère reprennent le dessus. Acculée par toutes ces sommes qu’elle ne peut pas payer, elle n’hésite pas à mentir avec son aplomb d’antan pour couvrir Farid, rechercher la came planquée avec l’aide d’un ancien chien policier qu’elle a recueilli, et enfin se décider à trouver des acheteurs. On pense évidemment à la série Weeds quant aux circonstances de la vente de cannabis, mais ce qui est vraiment jubilatoire dans La Daronne, c’est la façon dont Patience retrouve ses sensations de mise en danger éprouvées dans sa jeunesse. Quant au personnage improbable de Madame Ben Barka, son avatar dans le monde des voleurs dont certains diront qu’il ressemble beaucoup à celui de Danny (Isabelle Adjani) dans Le monde est à toi, il est plus qu’original.

Tout comme est enthousiasmante la façon dont celle, que tous - dealers comme policiers - surnomment désormais "La Daronne", en impose par son audace, son ambition et sa capacité à passer au travers des mailles du filet grâce à ses coups d’avances permis par ses écoutes. Le film montre aussi de jolie manière l’évolution du regard de Madame Fo sur Patience, passant du mépris à l’admiration et ouvrant une porte vers un avenir différent, proche de son passé. La Daronne se révèle donc une comédie aussi réjouissante que chargée d’émotions, provoquant une empathie envers les gentils dealers, mais surtout envers cette femme qui parvient à renouer avec la vie excitante que lui ont fait mener ses parents.

 

La Daronne de Jean-Paul Salomé, en salle le 9 septembre 2020 . Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"La Daronne" donne à voir la transformation jubilatoire d'une femme qui s'improvise en dealeuse et renoue avec son passé sulfureux.

Note spectateur : Sois le premier