Les Méchants : une comédie bien mal nommée

Les Méchants : une comédie bien mal nommée

CRITIQUE / AVIS FILM – Mouloud Achour et Dominique Baumard ont réuni un casting imposant pour "Les Méchants", leur premier long-métrage. Une distribution au service d’une comédie qui ne porte pas bien son titre…

Les Méchants : pardonnez-leur leurs offenses

En préambule de leur premier long-métrage, Mouloud Achour et Dominique Baumard s’excusent. Les réalisateurs demandent d’emblée pardon et invitent les spectateurs à s’indigner de la moindre situation susceptible de les offenser dans ce qu’ils s’apprêtent à voir. L’annonce d’une comédie qui n’hésitera pas à aller aussi loin qu’un épisode de South Park – l’un des modèles revendiqués des cinéastes – dans la bêtise crasse, la pertinence politique et la capacité à détourner l’actualité ?

Les Méchants raconte la descente aux enfers médiatique fulgurante de Patrick et Sébastien. Le premier, incarné par Roman Frayssinet, vole une Super Nintendo à des migrants et tente de la revendre dans le magasin spécialisé du second, interprété par Djimo. En parallèle, le rappeur Carcéral (Anthony Bajon) sort de prison dans une optique de repentance. Un état d’esprit peu vendeur qui l’amène jusqu’à la boutique de Sébastien. L’artiste compte lui acheter une boule de cristal de Dragon Ball afin d’effectuer sa catharsis en se réconciliant avec les objets d’une enfance écourtée par le crime.

Mais après un malentendu, Patrick et Sébastien sont contraints d’aller récupérer la boule auprès de Carcéral. A partir de là, les ennuis débutent…

Les Méchants
Les Méchants © Le Pacte

Un point de départ prometteur, d’autant plus que les premiers échanges entre Roman Frayssinet et Djimo sont réjouissants, la gouaille de l’un collant à la lenteur de l’autre. Mais rapidement et malgré la courte durée du film (1h21), le rythme s’enlise et le récit perd en cohérence, la faute à une volonté d’enchaîner les péripéties à la même vitesse que les bandeaux des chaînes d’info en continu.

Des intentions louables, mais…

En reproduisant un plateau de télévision, Mouloud Achour et Dominique Baumard se moquent de ce qu’est devenue l’information, transmise par des régies publicitaires et soumise à une optique de rentabilité. Là encore, certaines des répliques de la présentatrice Virginie Arioule (Ludivine Sagnier) et de ses experts font mouche. C’est aussi le cas des extraits d'Entre les chaises, œuvre "sociale" et moralement polie réalisée par Guillaume Kekchoz (Mathieu Kassovitz).

Mais dès lors que les deux galériens font irruption sur Débat.TV et commettent "un attentat envers l’intégrisme" de Carcéral, la sensation de fouillis prend le pas. Les deux réalisateurs tentent d’aborder une multitude de sujets. L’uberisation de la société, l’apparition de prétendus spécialistes incapables d’argumenter sur le petit écran, les considérations hors-sol de bobos vis-à-vis de leur consommation éthique, la naissance de polémiques stériles… Les Méchants essaie de tourner en dérision ce qu’il pointe comme les dérives de la société, pour au final les mettre sur la même échelle de gravité et excuser la plupart de ses pires personnages.

Le racisme de l’humoriste joué par Alban Ivanov n’entraîne par exemple que des gags au même niveau que les autres dans ce film qui n’a pas d’orientation politique selon Mouloud Achour. Et c’est justement là qu’il pèche, puisque sa conclusion prône une réconciliation allant à l’encontre d’une première partie qui laisse présager une satire impitoyable.

Les Méchants
Les Méchants © Le Pacte

Les séquences les plus inspirées, dont celle avec Omar Sy, se retrouvent noyées. A l’arrivée, Les Méchants s’impose comme une œuvre fourre-tout qui oublie son scénario comme les messages qu’il s’évertue à ne pas véhiculer, tout en multipliant les pistes de prises de position.

Une clique un peu trop gentille

Le film souffre également d’une envie d’inclure un maximum de références. Des clins d’œil qui font souvent écho au parcours de Mouloud Achour et qui mettent parfois de côté la logique narrative. Sur les écrans des locaux de Débat.TV, on passe ainsi d’un retour plateau à un moment de flottement entre Future et le réalisateur tiré d’une interview de Clique. Le journaliste se fait aussi plaisir en invitant toute l’équipe de Kourtrajmé, Hi-Tekk et Nikkfurie de La Caution ou Oxmo Puccino, en plus de nouveaux visages comme ceux de Marwa Loud et Mohamed Henni, pour ne citer qu’eux.

Là encore, le sentiment qui se dégage de cette distribution est avant tout celui d’avoir voulu réunir une légion de copains, dont le talent est indéniable mais qui peine ici à faire surface. Il en va de même pour les quelques tentatives visuelles. Une séquence d’hallucination reprend en partie le concept de Migraine de Roman Frayssinet mais ne l’exploite pas et peine à déployer le moindre effet psychédélique réussi. Quant aux pièces sombres où Stavo, Redouane Bougheraba et Lucas Omiri font régir les règles du buzz et des milliards de vues, elles ne font que rappeler l’aspect brouillon de l’ensemble.

Le souhait de mettre en avant les amis et collègues est peut-être louable mais s’avère indigeste lorsque ces mêmes amis et collègues sont une quarantaine. Mais l’important est visiblement qu’ils apparaissent tous pour leur exprimer une gratitude débordante. Les Méchants est donc un long-métrage un peu trop tolérant, qui avait pourtant l’ambition de fustiger cette notion pour imposer l’identité artistique de ses auteurs, complètement éparpillé.

Les Méchants de Mouloud Achour et Dominique Baumard, en salles le 8 septembre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

À ne jamais taper trop fort et à éviter tout message hormis celui de vouloir réhabiliter les gentils, "Les Méchants" restent bien trop sages. Dans cet enchaînement de sketchs qui défie toute logique narrative, les quelques séquences inspirées sont noyées dans un fouillis scénaristique et visuel.

Note spectateur : Sois le premier