Old Love : la douceur chaotique de vieux amants

Old Love : la douceur chaotique de vieux amants

CRITIQUE FILM - Présenté durant le 13e festival du film coréen à Paris, et à la Berlinale en début d'année, "Old Love" met en scène de manière assez radicale deux anciens amants qui se retrouvent par hasard après des années. Derrière son aspect contemplatif, le film de Park Ki-yong cache une profonde mélancolie sur le temps qui passe et les souvenirs du passé.

Cette année, le 13e festival du film coréen à Paris faisait le choix de programmer successivement Mate et Old Love. Deux films ayant pour thématique la romance, l’un sur une première rencontre, l’autre sur les retrouvailles de deux anciens amants. Mais si le premier fait preuve d’originalité pour le genre de la comédie romantique, mettant en avant la question des relations sans engagement chez la jeunesse d’aujourd’hui, il reste au stade du film sympathique. À l’inverse, Old Love est certainement plus difficile d’accès, mais s’avère bien plus intéressant dans sa réalisation, bien que sa démarche radicale puisse en rebuter plus d’un.

Un cinéma contemplatif et subtil

Pour raconter l’histoire de ces deux adultes, qui un soir d’hiver se croisent par hasard à l’aéroport, Park Ki-yong adopte un rythme lent et focalise sa caméra sur deux personnages errants au milieu du brouhaha de la société. Par sa caméra, le réalisateur fait bien comprendre que cette retrouvaille, qui fera ressortir des sentiments, ne pourra mener à rien. Et ce, dès leur première rencontre : la caméra reste à distance pour les filmer, des barres métalliques viennent boucher le cadre tandis que le bruit des voitures fait office d’agression sonore durant leur conversation. Ce bruit, qu’il provienne des alentours ou de la musique additionnelle composée d'effets Larsen, est extrêmement symbolique de leur incapacité à parler honnêtement de leurs sentiments et de ce qui les a séparés.

Old Love : la douceur chaotique de vieux amants

À l’image, le cinéaste joue sur les focales. Passant d’une courte focale à une longue pour garder visible le duo en mouvement, et flouter ceux qui les entoures. Ainsi, il parvient à les suivre dans les rues et à les isoler tout en créant autour d’eux un véritable capharnaüm. Par sa manière de filmer la vie comme elle est, captant parfois des éléments pouvant sembler improviser, il n’est pas sans rappeler, toute proportion gardée, évidemment, deux grands auteurs du cinéma asiatique. Hou Hsiao-hsien, par cette caméra qui, même fixe, reste sous l’influence de légers mouvements, et Hong Sang-soo, par ces longues discussions à table moins futiles qu’elle ne paraissent.

L’illusion d’une relation possible apparaîtra alors tandis que le couple s’éloigne de ce désordre ambiant pour se diriger vers la nature. Mais là encore, leurs proches respectifs et les troubles d’un passé douloureux empêcheront le calme de s’installer. Il y a au final une vraie douceur qui se dégage d’Old Love et un sentiment mélancolique douloureux. Car aucun des deux personnages n’apparaît réellement heureux et à l’évidence, ce n’est pas en partant à la recherche des souvenirs du passé que naîtra leur épanouissement – les lieux qu’ils ont connus n’étant plus où ils l’espéraient. Même dans leurs rares moments de tendresse, Park Ki-yong ne les laisse pas exprimer leurs émotions. Une incapacité à se laisser aller à l’amour tout à fait similaire à Mate, dont le titre renvoie à un terme synonyme de « compagnon » en Corée, permettant d’éviter l’officialisation du couple, et donc des sentiments. Il est alors certes difficile de se laisser emporter devant Old Love. Néanmoins, le film n’est pas totalement hermétique à l’empathie. Loin d’être le film le plus joyeux de cette 13e édition du festival du film coréen cette année, Old Love aura au moins su développer des réflexions personnelles sans jouer la carte de la facilité.

 

Old Love de Park Ki-yong, présenté lors du 13e festival du film coréen à Paris du 30 octobre au 6 novembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

"Old Love" est une oeuvre intime et mélancolique, pas facile d'accès, mais qui présente des subtilités pertinente pour filmer l'incapacité de deux amants à se retrouver.

Note spectateur : Sois le premier