Tanguy, le retour : répétition est mère d'excellence

Tanguy, le retour : répétition est mère d'excellence

Une célèbre famille du cinéma français se recompose, presque vingt après, surtout pour le pire. Tanguy revient au nid, et ses parents ne vont évidemment pas se laisser faire. "Tanguy, le retour", au cinéma le 10 avril propose sans nostalgie une suite réussie à son illustre prédécesseur.

Après le grand succès de Tanguy en 2001, la suite du film d’Etienne Chatiliez, Tanguy, le retour, sort le 10 avril au cinéma. Est-ce une surprise ? Tanguy se terminait sur le départ, enfin, du fils, et vers la destination la plus lointaine possible : la Chine. Si un retour n’apparaissait pas nécessaire, il est pourtant évident : il fallait bien que l’agaçant parasite revienne !

Faire du neuf avec du vieux, actionner de nouveau les mêmes ressorts, en réalité produire un « Tanguy 2 » expose forcément au risque de servir du réchauffé, un risque très élevé étant donné la popularité du premier. Heureusement, c’est toute l’équipe historique qui est à l’écriture (Laurent Chouchan et Etienne Chatiliez), la réalisation et l’interprétation, avec le nécessaire trio Sabine Azéma, André Dussollier et Eric Berger. Et cette équipe est suffisamment douée pour réussir son pari.

Un trouble vite dissipé

Les premières minutes s’attardent sur la vie parfaite de Paul et Edith, entre le golf, les dîners entre amis, les promenades et les soirées Netflix. Seuls, une prostate aléatoire et une légère arthrite viennent, mais à peine, rappeler aux fringants retraités que le temps passe. La séquence d’introduction s’appesantit, jusqu’à la caricature, sur le bonheur conséquent à l’absence de Tanguy. Déjà trop cruel, presque forcé, le doute peut s’installer.

Heureusement, pour le malheur de tous, la sonnette retentit et c’est un Tanguy désespéré et séparé de sa femme qui revient sans prévenir dans leur vie. Séparé de sa femme, mais pas de sa fille, Zhu, copie adolescente conforme de son père : aimable, brillante, et terriblement agaçante. Double peine pour les parents, entre la déprime amoureuse de Tanguy et leur petite-fille parfaite, qui vont logiquement redoubler d’efforts pour leur pourrir l’existence.

La famille Guetz réunie

Tanguy a vieilli, presque plus que ses parents, mais l’image est saisissante : rien n’a changé. Ni le réel don et l’immense expérience du duo Sabine Azéma – André Dussollier pour la comédie, ni la finesse et la justesse d’Eric Berger. C’est ainsi toujours le même plaisir coupable de voir les crispations faciales d’Edith et le sourire mesquin de Paul lorsqu’il dévisse les barres de seuil. Eric Berger, dont c’est le plus grand rôle au cinéma, réincarne avec naturel son personnage, et tous les trois transpirent l’aisance et la facilité. Avec eux, l’humour et la direction de Chatiliez s‘exercent à leur meilleur, et par moments on retrouve la cruauté gracieuse de La vie est un long fleuve tranquille, ou de Tatie Danielle.

Mais il y a une nouveauté de taille. Alors que Tanguy était un quasi huis clos, pour exacerber les relations infernales de la famille, dans Tanguy, le retour, Tanguy ne revient pas seul. Il est avec sa fille Zhu, qu’il a eue avec Mei Lin, partie sans donner de nouvelles. Sa fille décrochera son bac avec 19 de moyenne et surtout tombera amoureuse d’un camarade d’école, aussi chinois, Maxime. Dans les cultures asiatiques, que les différentes générations puissent vivre sous le même toit est plutôt un privilège, sûrement pas un problème.

Cette ouverture à l’Est est réussie, le sont moins la participation de Gaspard Proust, remplaçant dans le rôle de Jean-Paul Rouve, ami beaucoup plus présent et actif dans Tanguy, ainsi que l’intrigue amoureuse secondaire concernant Tanguy. Finalement, seuls les trois Guetz suffisent à raviver la flamme du premier, et Tanguy, le retour ne se contente pas de se reposer sur la nostalgie du premier.

Tanguy, le retour : une comédie très réussie et presque banale

Ce bouleversement dans la famille est bien mené, avec le cynisme et la provocation essentiels au style Chatiliez. A la différence, par exemple, de Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu ?, Tanguy, le retour joue avec application et finesse sur les thèmes communautaires, proposant quelques séquences très incorrectes et très drôles. Sans grands effets, sans jamais chercher une quelconque approbation, le film se déroule sans effort apparent.

C’est cette différence qui fait le caractère unique des films d'Etienne Chatiliez, des comédies familiales grinçantes, pince-sans-rire. Avec une maîtrise impressionnante de la mesure, et qui lui permet d'aller très loin. La mise en scène est simple, le regard se concentre sur les visages et les corps, dans des décors qui se cachent à peine d’en être. Les dialogues sont fluides, le rire facile. Et la sensation de revenir à un bon souvenir, facilement, évidemment, quasi immédiate.

Etienne Chatiliez réussit ainsi avec Tanguy, le retour, dans un cadre risqué car fondamentalement banal, l’exercice d’une excellente comédie. Sans atteindre les sommets de Tanguy, cette suite propose un spectacle enlevé et drôle, dont il est honnêtement difficile de se lasser.

Tanguy, le retour. Un film d'Etienne Chatiliez, le 10 avril 2019 au cinéma. Retrouvez toutes nos bandes-annonces ici.

Note de la rédaction

Longtemps après un premier opus brillant, l'histoire de Tanguy et de la famille Guetz se développe dans une comédie cruelle et drôle, avec les mêmes caractères. Pour ce qui a changé, c'est intelligent et tout aussi drôle. Retour réussi.

Note spectateur : Sois le premier