The Tale : l’œuvre thérapeutique de Jennifer Fox

The Tale : l’œuvre thérapeutique de Jennifer Fox

CRITIQUE FILM - Dans "The Tale" Laura Dern découvre avoir été abusée dans son enfance. Une histoire inspirée directement de la vie de la réalisatrice du film, Jennifer Fox.

« Il m’a fallu du temps avant d’avoir un orgasme avec un homme. Donc je ne crois pas que cela ait un rapport avec le fait d’avoir été abusé sexuellement ». Lorsque Jennifer déclare cette phrase dans The Tale, elle n’avait évidemment pas encore conscience de l’énormité de ses propos. Ne se souvenant pas des abus qu’elle a elle-même vécu dans son enfance. Son esprit ayant choisi d’occulter cet événement traumatisant, c’est en retrouvant le vieux journal intime de ses 13 ans dans lequel elle racontait l’étrange relation avec sa monitrice équestre et un coach durant l’été 1973, que la vérité va se dénouer.

Le sujet est évidemment fort. Mais le fait que la réalisatrice Jennifer Fox ait choisi de le traiter en mettant en scène sa propre histoire s’apparente à un véritable acte thérapeutique. Et bien que Laura Dern soit là pour l’incarner, difficile de ne pas penser à la « vraie » Jennifer derrière la caméra tout au long de ce film.

Jennifer Fox filme son propre trauma

Documentariste, Jennifer a pour habitude de rechercher la vérité, en allant au-delà des déclarations de ses intervenants. C’est ce qu’elle tâchera d’expliquer à ses étudiants en leur montrant qu’on peut mentir sans vraiment s’en rendre compte, simplement en omettant des détails ou en refusant d’admettre certaines choses. C’est le cas d’un étudiant se disant non déprimé, avant d’accepter la vérité. Ce sera donc le cas de Jennifer qui devra se remémorer son passé et les abus sexuels dont elle a été victime enfant. Pour se faire, la réalisatrice y va étape par étape. Faisant d’abord passer la relation avec ces deux adultes comme amical, avant d’en dévoiler l’immoralité.

Critique The Tale : l’œuvre thérapeutique de Jennifer Fox

En suivant ces différents moments d’acceptations, qui mènent donc à voir les événements se rejouer dans l’esprit de Jennifer mais avec bien plus de clarté et de véracité, Jennifer Fox semble vouloir désamorcer par avance toutes remarques déplacées qu’on pourrait entendre à l’encontre de l’enfant victime. Vis-à-vis du physique d’une jeune fille de 13 ans notamment, qu’on ne peut confondre avec une adulte. Ainsi, la cinéaste met en scène régulièrement une situation enjolivée, voire poétisée, avant de la retourner, quasiment à l’identique, mais en changeant un détail qui rend le tout malsain. Un choix percutant, bien qu’à force répétitif. Pour autant, la réalisatrice tient là son effet. Celui de déranger, de mettre en colère contre ces prédateurs au sourire d’ange, et de pousser l’empathie pour une enfant manipulée et incapable de distinguer le bien du mal, ou du moins de se défaire d’une situation néfaste.

De plus, on peut voir dans ces discussions entre Jennifer, en voix off, et les personnages de son passé qui se présentent à nous face caméra, un mélange de style intéressant, entre une approche documentaire (façon témoignage) et un certain onirisme. On pourrait alors penser que The Tale ne parvient à émouvoir et à choquer qu’en montrant cette enfant face à des actes pédophiles – des scènes de sexe extrêmement dérangeantes, mais pour le moins réfléchies. Et pourtant, c’est bien la Jennifer adulte qui peut témoigner le mieux des ravages psychologiques causés par des abus sexuels. Ne sombrant jamais dans le manichéisme, se montrant même compréhensive à l’égard de Mrs G, victime d’abus et pourtant complice de coach Billy, Jennifer Fox convainc avant tout par son écriture personnelle et sa démarche honnête.

 

The Tale, présenté au festival de Deauville sera diffusé sur OCS à partir du 8 septembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Si à la réalisation Jennifer Fox ne bouleverse pas les codes, elle bénéficie avec "The Tale" d'un sujet brûlant, évidemment émouvant et tragique, qui plus est tiré de sa propre vie.

Note spectateur : 2.91 (4 notes)