Tully : mère (encore) au bord de la crise de nerfs

Tully : mère (encore) au bord de la crise de nerfs

Après "Young Adult", le réalisateur de "Juno" retrouve avec "Tully" Charlize Theron qui incarne à la perfection une mère en crise, rappelant ainsi le récent "Un jour" de Zsófia Szilágyi.

Il y a une récurrence évidente dans les personnages de Jason Reitman (Juno, Young Adult, Last Days of Summer…). Qu’ils soient adolescents ou adultes, aucun n’est jamais épanoui. Stressé ou carrément dépressif, en pleine remise en question, s’inquiétant pour le futur ou regrettant le passé. En cela, celui de Tully, Marlo (Charlize Theron), est un personnage typique de Reitman. La quarantaine, mère de deux enfants et avec un troisième en route, elle est épuisée physiquement et moralement. Son mari est bien là, s’occupant des enfants le soir, notamment pour les devoirs, mais ce n’est pas suffisant. Et après avoir accouché, les choses ne vont pas en s’arrangeant. Évidemment, utilisant comme prétexte son absence de « seins », le père (Ron Livingston) ne se lèvera pas la nuit pour nourrir le nourrisson.

Trop accaparé par son travail, ce n’est pas lui non plus qui emmènera les enfants à l’école et devra faire face à la directrice pour discuter de leur garçon « singulier », pour ne pas dire « retardé ». Résultat, les nuits sont courtes pour Marlo, et le quotidien de plus en plus déprimant. Jetant l’éponge en plein repas, Marlo accepte finalement la proposition de son frère : engager une nounou de nuit pour qu’elle la relaie le soir. Cette nounou, c’est évidemment Tully (Mackenzie Davis). Une fille jeune mais mature, pleine de vie et de bons conseils, qui semble comprendre Marlo en tous points. Elle devient alors un miroir pour elle, la renvoyant à son passé de jeune insouciante, quand elle se trouvait encore mince et désirable...

Charge mentale et crise existentielle

Les rares ayant pu découvrir cette année à Cannes Un jour de Zsófia Szilágyi (Semaine de la critique), trouveront des ressemblances évidentes avec Tully. Les deux films mettant en scène des mères épuisées par leur quotidien, les similitudes sont nombreuses. Comme cette capacité à émouvoir par les liens qui unissent une mère et ses enfants (les plus beaux moments du film), qu’importe l’enfer qu’ils peuvent lui faire vivre. Car qu’on se le dise, l’un et l’autre ne mettent pas en cause les enfants, mais cherchent avant tout à montrer les efforts que demande l’éducation dans notre société, et notamment pour les femmes - qu’elles soient en Hongrie ou aux Etats-Unis, le problème est universel.

Dans un article, le site Demotivateur relayait le travail de la dessinatrice et développeuse Web Emma sur la « charge mentale ». Celle-ci montrant dans sa bande dessinée le quotidien de couples où les femmes prennent constamment les initiatives :

Ce sont souvent les femmes qui doivent penser aux choses, tandis que les hommes attendent qu'on leur dise de faire les choses.

Une phrase qui peut faire sourire, mais qui est pourtant le point de départ de la « charge mentale », cet épuisement dû au quotidien qui touche davantage les femmes que les hommes, symbole de l’inégalité des sexes encore présente. Dans Un jour comme dans Tully, on a affaire à deux témoignages véridiques sur ce phénomène. Bien sûr, Un jour opte pour un style assez radical (voir notre critique), tandis que Reitman se veut peut-être plus optimiste. Ne serait-ce que visuellement, si l’un adopte des couleurs grises, l’autre apparaît plus chaleureux. Et tandis que le premier se referme sur une mère baissant les bras, préférant se réfugier sous la table de son salon plutôt que d’affronter le monde réel, cette étape n’est que le début de Tully.

Reitman / Cody, un duo gagnant

En effet, avec Tully, Jason Reitman et sa complice Diablo Cody (scénariste déjà de Juno et Young Adults) brassent plus large et approfondissent le personnage de Marlo en la confrontant à une crise de la quarantaine. Celle où on se demande si on a fait les bons choix, si on a épousé la bonne personne, et où on se met à regretter sa jeunesse. Dès lors, Charlize Theron, méconnaissable et dans un de ses meilleurs rôles depuis longtemps, dégage une émotion remarquable. Particulièrement bien écrit, son personnage est extrêmement proche de Diablo Cody (ayant bénéficié d’une nounou de nuit pour son troisième enfant).

On notera alors l’intelligence d’avoir mis face à elle un mari ordinaire, attentionné mais simplement insuffisant. Ainsi, avec ces personnages défaillants (comme n’importe qui), Tully est peut-être le film le plus pertinent de Jason Reitman, éminemment personnel à Diablo Cody, porteur d’un sentiment de tendresse puissant, et aussi intéressant vis-à-vis de ses auteurs que du message qu’il véhicule.

 

Tully de Jason Reitman, en salle le 27 juin 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec la délicatesse de Jason Reitman à la réalisation, et le récit personnel de la scénariste Diablo Cody, "Tolly" se révèle d'une grande intelligence pour traiter de la difficulté à être femme et mère dans notre société.

Bilan très positif

Note spectateur : 2.65 (1 notes)